Économie Évolutionniste et Culture d'Entreprise
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permettant le choix et l’action dans des contextes d’incertitude. Le mimétisme est fondé sur la confiance comme ciment qui assoit la coopération. Ce mécanisme d’imitation n’est pas toujours conscient. Il s’apparente souvent à des formes de réplication de solutions ayant déjà été utilisées et montrées leur efficacité. Les repères conventionnels qui se construisent dans l’interaction, en recevant l’adhésion générale des acteurs quant à leur validité, sont un des éléments essentiels des situations de coordination. 9.4.2 La qualité de la communication entre communautés La qualité de la communication qui s’établit entre les différentes communautés de l’organisation, ne se résume pas à l’efficacité des “systèmes d’information” prévalant dans l’entreprise, ni à la quantité d’information que les canaux de distribution peuvent transporter, ni même à la fréquence des échanges. Dans une économie fondée sur la connaissance, ce qui importe aussi, ce sont les efforts cognitifs faits par chaque communauté pour transmettre les connaissances mobilisées, en particulier celles imbriquées dans les routines qu’elle pratique. L’un des grands obstacles auxquels se confrontent les organisations est par exemple celui de la restitution de la connaissance et des routines acquises par les membres d’une équipe projet lorsque ceux-ci reviennent dans leur groupe fonctionnel d’origine ainsi que celui de l’impulsion de la formation de routines entre agents n’appartenant pas aux mêmes communautés. La circulation de la connaissance dans une entreprise innovante repose ainsi essentiellement sur le partage de codes et de langages permettant aux diverses communautés d’interagir. La nature de la communication qui s’établit entre communautés se matérialise dans l’effort permanent de codification des connaissances fait au sein de l’entreprise. Cette construction d’une trame cognitive permettant aux différentes communautés de communiquer peut être appréhendée à travers la notion de traduction proposée par Callon et Latour (1990) qui rend possible… une compréhension entre des univers au début étrangers… univers qui sont progressivement reconfigurés en même temps qu’ils sont connectés (Callon, 1999, p. 42-43). Le mécanisme de traduction met en évidence la notion-clé d’intermédiaire désignant tout ce qui circule entre les acteurs et qui constitue la forme et la matière des relations qui s’instaurent entre eux (Callon et al., 1999, p. 5). La traduction prend corps dans des intermédiaires codifiés (monnaie, biens matériels, livres, articles, brevets, …) mais aussi dans des intermédiaires tacites (croyances collectives cristallisées, conventions négociées et acceptées, valeurs intériorisées). Les efforts cognitifs déployés par une communauté pour en intéresser une (ou plusieurs) autre(s) à ses activités de production de connaissances (et qui sous-tendent la recherche d’un engagement commun, d’une adhésion volontaire, d’un langage commun et de croyances communes) correspondent bien à ce mécanisme de construction d’intermédiaire, de support de traduction et d’alignement d’intérêts. Si de telles mises en relation se produisent, alors, par apprentissages progressifs, par itérations, négociations et adaptations se construisent peu à peu des réseaux (Callon, 1999, p. 43). La communauté a ainsi un aspect procédural et est progressivement et constamment construite et reconfigurée. La validation et la diffusion collective de connaissances nouvelles peuvent ainsi être interprétées comme un processus de diffusion et contagion progressive de communautés. Dans ce cadre,
les procédures de prise de décision collectives peuvent être considérées comme des processus de construction de sens, de formation et de révision de croyances collectives. En termes mémétiques, cette dynamique se traduit de la manière suivante. D’abord, certains mèmes sont énactés par des agents appartenant à une des communautés pionnières. Ces mèmes énactés se maintiennent entre les membres de la communauté pionnière. La dynamique mémétique repose ici sur les liens forts (Granovetter, 1973) qui unissent les membres de la communauté. La diffusion de mèmes audelà de la communauté d’amorçage, requiert l’établissement de liens (au sens de Granovetter) avec les autres communautés à travers la dynamique d’intéressement et de traduction à la Callon. La dynamique mémétique repose ici sur des liens faibles (Granovetter, 1973) entre communautés. Lorsque les communautés pionnières qui énactent des mèmes particuliers dégagent des résultats considérés comme positifs par des individus qui n’en sont pas membres, des actions de traduction/intéressement ne seront plus nécessaires. Même en l’absence de tout lien, comme de toute communication verbale, les mèmes énactés peuvent alors se propager par le jeu de l’imitation, permettant d’atteindre un seuil de percolation permettant de généraliser ces mèmes à toute l’organisation. Le processus de réplication culturelle est accompagné par la production de variation du fait de la non-neutralité des transmetteurs culturels (Cf. chapitre 5). Certaines variations sont sélectionnées, au sens ou elles s’imposeront à l’intérieur de la communauté. Lorsqu’une communauté se dissout, elle a d’autant plus de chance de reproduire ses mèmes qu’elle a eu du succès par le passé. Ses mèmes seront repris par les individus lorsqu’ils formeront de nouvelles communautés, et on peut penser qu’ils participeront d’autant plus fréquemment à de nouvelles communautés que les précédentes ont eu plus de succès. Il y aura également des tentatives de la part des autres communautés d’imiter les mèmes symboliques des communautés qui ont le mieux réussi, mais ces tentatives sont généralement plus coûteuses et moins efficaces que le fait pour une communauté d’intégrer un individu qui appartenait dans le passé à une communauté qui a eu du succès. Dans le contexte de création de connaissances, deux situations extrêmes peuvent être envisagées : – D’une part une situation de relations émergentes correspondant aux cas où le processus de création est dans un état embryonnaire tel que seule une communauté a expérimenté et validé en son sein l’idée créatrice. Le problème est la construction du processus de traduction/intéressement des autres communautés de l’entreprise. Le degré d’incertitude est tellement élevé que les agents ne peuvent pas anticiper le comportement des autres. Le comportement des agents reste largement opportuniste et calculatoire. Il est délibérément procédural : à travers des processus de négociation et des séries continues de feed-backs, la communauté va entamer un processus procédural de convergence et de formation de croyances collectives jusqu’à la stabilisation. Cette période de convergence (d’élimination d’incertitude) sera ainsi une période féconde dans le processus de formation des croyances collectives. Les croyances collectives auront toutefois d’autant plus de chances de converger rapidement que préexiste un “métacode” entre communautés. Comme le souligne un récent rapport de l’OCDE (2000, p. 27), tout processus de codification de la connaissance est ambivalent. D’un côté la production et l’usage de jargons trop spécialisés nuisent à la circulation de la connaissance. De l’autre, une insuffisance d’efforts de codification crée un obstacle évident à la diffusion d’idées créatrices. “This ambivalence indicates the importance of designing and implementing metacodes or semicodes as mechanisms for developing compromises
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les procédures de prise de décision collectives peuvent être considérées comme des processus de<br />
construction de sens, de formation <strong>et</strong> de révision de croyances collectives.<br />
En termes mémétiques, c<strong>et</strong>te dynamique se traduit de la manière suivante. D’abord, certains mèmes sont<br />
énactés par des agents appartenant à une des communautés pionnières. Ces mèmes énactés se<br />
maintiennent entre les membres de la communauté pionnière. La dynamique mémétique repose ici sur les<br />
liens forts (Granov<strong>et</strong>ter, 1973) qui unissent les membres de la communauté. La diffusion de mèmes audelà<br />
de la communauté d’amorçage, requiert l’établissement de liens (au sens de Granov<strong>et</strong>ter) avec les<br />
autres communautés à travers la dynamique d’intéressement <strong>et</strong> de traduction à la Callon. La dynamique<br />
mémétique repose ici sur des liens faibles (Granov<strong>et</strong>ter, 1973) entre communautés. Lorsque les<br />
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positifs par des individus qui n’en sont pas membres, des actions de traduction/intéressement ne seront<br />
plus nécessaires. Même en l’absence de tout lien, comme de toute communication verbale, les mèmes<br />
énactés peuvent alors se propager par le jeu de l’imitation, perm<strong>et</strong>tant d’atteindre un seuil de percolation<br />
perm<strong>et</strong>tant de généraliser ces mèmes à toute l’organisation. Le processus de réplication culturelle est<br />
accompagné par la production de variation du fait de la non-neutralité des transm<strong>et</strong>teurs culturels (Cf.<br />
chapitre 5). Certaines variations sont sélectionnées, au sens ou elles s’imposeront à l’intérieur de la<br />
communauté. Lorsqu’une communauté se dissout, elle a d’autant plus de chance de reproduire ses mèmes<br />
qu’elle a eu du succès par le passé. Ses mèmes seront repris par les individus lorsqu’ils formeront de<br />
nouvelles communautés, <strong>et</strong> on peut penser qu’ils participeront d’autant plus fréquemment à de nouvelles<br />
communautés que les précédentes ont eu plus de succès. Il y aura également des tentatives de la part des<br />
autres communautés d’imiter les mèmes symboliques des communautés qui ont le mieux réussi, mais ces<br />
tentatives sont généralement plus coûteuses <strong>et</strong> moins efficaces que le fait pour une communauté<br />
d’intégrer un individu qui appartenait dans le passé à une communauté qui a eu du succès.<br />
Dans le contexte de création de connaissances, deux situations extrêmes peuvent être envisagées :<br />
– D’une part une situation de relations émergentes correspondant aux cas où le processus de<br />
création est dans un état embryonnaire tel que seule une communauté a expérimenté <strong>et</strong> validé en<br />
son sein l’idée créatrice. Le problème est la construction du processus de traduction/intéressement<br />
des autres communautés de l’entreprise. Le degré d’incertitude est tellement élevé que les agents<br />
ne peuvent pas anticiper le comportement des autres. Le comportement des agents reste largement<br />
opportuniste <strong>et</strong> calculatoire. Il est délibérément procédural : à travers des processus de négociation<br />
<strong>et</strong> des séries continues de feed-backs, la communauté va entamer un processus procédural de<br />
convergence <strong>et</strong> de formation de croyances collectives jusqu’à la stabilisation. C<strong>et</strong>te période de<br />
convergence (d’élimination d’incertitude) sera ainsi une période féconde dans le processus de<br />
formation des croyances collectives. Les croyances collectives auront toutefois d’autant plus de<br />
chances de converger rapidement que préexiste un “métacode” entre communautés. Comme le<br />
souligne un récent rapport de l’OCDE (2000, p. 27), tout processus de codification de la<br />
connaissance est ambivalent. D’un côté la production <strong>et</strong> l’usage de jargons trop spécialisés nuisent<br />
à la circulation de la connaissance. De l’autre, une insuffisance d’efforts de codification crée un<br />
obstacle évident à la diffusion d’idées créatrices. “This ambivalence indicates the importance of<br />
designing and implementing m<strong>et</strong>acodes or semicodes as mechanisms for developing compromises