Économie Évolutionniste et Culture d'Entreprise

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22.06.2013 Views

management (orienté vers l’action) et le sensemaking du middle-management (orienté vers la cognition). Ils ont décrit le sensegiving comme les tentatives des top-managers d’influencer la manière des agents de percevoir et de comprendre un changement ou une innovation. Le sensemaking des middle-managers consiste à interpréter et comprendre les messages du top-management. Ils ont ainsi suggéré que le sensegiving se situe plus en amont du processus de changement ou de l’innovation stratégique, alors que le sensemaking se situe plus en aval. Les problèmes les plus signifiants dans la communication organisationnelle semblent relever du niveau de la pragmatique, c’est-à-dire l’usage des langages entre différents groupes culturels, par exemple entre les employeurs et les employés. Ces trois facteurs caractéristiques s’agrégent pour donner lieu à un régime culturel spécifique. Le modèle Taylorien est le modèle standard qui permet d’illustrer une telle agrégation. 7.4 UN REGIME CULTUREL STANDARD : LE TAYLORISME Le modèle Taylorien, qui a été le modèle de référence pour les organisations industrielles de grande taille à partir des années 1920 aux Etats-Unis et à partir des années 1950 et 1960 dans le reste du monde, s’est avéré efficace dans des environnements économiques stables. En revanche, à partir des années 1970, il a commencé à subir une importante crise sous l’effet conjugué de causes multiples : les problèmes de débouchés pour les produits totalement standardisés ou de faible qualité, la diminution de la productivité du capital, le rejet du système par des ouvriers réclamant plus d’initiative et d’autonomie, etc. L’Organisation Scientifique du Travail (OST), sur laquelle repose le Taylorisme, est basée sur trois principes fondamentaux : (i) une double division verticale du travail : à la division verticale, qui prévalait dans l’ancienne organisation du travail, s’en ajoute une seconde qui consiste en une séparation absolue entre la conception du travail effectuée par les cols blancs des « bureaux des méthodes » et son exécution par les cols bleus ou « ouvriers spécialisés » (OS) non qualifiés, étroitement contrôlés et soumis à des cadences strictement chronométrées ; (ii) Une division horizontale résultant de la parcellisation des tâches semblable à celle que décrivait Adam Smith dans la manufacture d’épingles : chaque OS doit accomplir une tâche simple, répétitive, en un minimum de temps ; (iii) enfin, pour stimuler la productivité et obliger l’OS à suivre la cadence qui lui est imposée, Taylor préconise de généraliser le salaire aux pièces produites, assorti de primes en cas de dépassement des cadences. Les cadences infernales du Taylorisme sont compensées par des contrats incitatifs. Dans la vision Taylorienne, la connaissance productive doit être centralisée dans les niveaux de la direction. L’existence des savoirs-faire et des connaissances personnelles des travailleurs constitue un obstacle majeur au contrôle des tâches par la direction qui doit s’attacher à rassembler cette grande masse de connaissances, de l’enregistrer, de la classer et dans de nombreux cas, de la réduire en lois et règles codifiées. Par l’OST, Taylor entendait substituer l’application systématique de méthodes de travail très strictes et codifiées sous forme écrite à l’expérience et au métier des ouvriers, considérés comme inacceptables et non-scientifiques. Cette appropriation de la connaissance productive par les dirigeants,

enforcée par le développement du pouvoir des experts et l’avènement de méthodes de gestion technocratiques, est en grande partie responsable du déni des qualifications tacites des travailleurs. La conception Taylorienne de la centralisation de la connaissance se traduit ainsi par un principe de stricte séparation des processus de travail et des compétences des travailleurs. Le modèle Taylorien a été adapté à des environnements simples et stables où la firme reçoit des informations répétitives et prévisibles. Suite à l’hypothèse de stabilité, la coordination des tâches et des fonctions induit automatiquement l’exercice de l’autorité hiérarchique et l’attribution des responsabilités opérationnelles. L’exercice du pouvoir et la prise de décision se caractérisent par une hiérarchie pyramidale, donc une centralisation politique et une centralisation cognitive. Dans ces environnements stables, la communication (verticale) est calculée et fluide. L’information a le temps de monter et descendre. En plus, l’information qui remonte exclut toute forme d’apprentissage (autre qu’un apprentissage mécanique lié à la répétitivité de la tâche, ou coup de main). Le sens de la communication est principalement descendant. Les niveaux hiérarchiques recueillent les informations nécessaires à la division du travail, puis formulent la stratégie qu’ils transmettent, pour exécution, aux OS. Cohendet et al. (1988) insistent sur cette dimension du système Taylorien : Le modèle « taylorien-fordien » évoque une production de masse, standardisée ; des produits de longues séries, caractérisés par des durées de vie importantes ; des processus séquentiels (…) et une organisation hiérarchique avec une très forte séparation entre les services fonctionnels (…). Il faut remarquer combien cette structure est décomposable en phases productives et prédéterminées, et surtout elle constitue une donnée interne au processus, indépendante de l’état de l’environnement (essentiellement du niveau de la demande). Face à une demande caractérisée par son homogénéité et en croissance régulière, cette représentation taylorienne-fordienne du processus de production se traduit par une logique de recherche d’économies d’échelle. (Cohendet, Krasa et Llerena, 1988, p. 56). La division du travail très nette entre ceux qui sont chargés de sa formulation et ceux qui sont chargés de son exécution conduit, suivant ces auteurs, à l’hypothèse d’une stratégie parfaitement délibérée, créée à travers un processus de planification. La fixation des normes, procédures et la planification impliquent le contrôle direct. Chaque niveau hiérarchique contrôle le respect des normes et des plans d’action par le niveau hiérarchique inférieur. Chaque entité spécialisée et chaque fonction possèdent leurs directions et leurs hiérarchies propres. Chaque fonction permet de séparer l’espace d’exercice du pouvoir. Le pouvoir formel se trouve au sommet, mais, également, la plupart du pouvoir informel. C’est à ce niveau que se trouvent réunies les différentes parties de la connaissance productive pertinente. C’est pour ces raisons que la décision centralisée et la formation de la stratégie à haut niveau sont fortement justifiées. Deux visions nous semblent caractériser la construction de la culture d’entreprise dans le régime culturel Taylorien : celle de Witt (1998) et celle de Casson (1995). Dans une vision de la firme comme un système cognitif et axée sur le leadership entrepreneurial, Witt (1998) aborde l’analyse de la culture d’entreprise principalement comme une adhésion des membres de la firme à une conception du leadership entrepreneurial. La culture d’entreprise est conçue par Witt comme une diffusion et une propagation de modèles sociaux tacites spécifiques à la firme (p. 173-174). Le rôle du leadership cognitif entrepreneurial est ici primordial dans la conception et l’implémentation de ces modèles sociaux. La culture d’entreprise

enforcée par le développement du pouvoir des experts <strong>et</strong> l’avènement de méthodes de gestion<br />

technocratiques, est en grande partie responsable du déni des qualifications tacites des travailleurs. La<br />

conception Taylorienne de la centralisation de la connaissance se traduit ainsi par un principe de stricte<br />

séparation des processus de travail <strong>et</strong> des compétences des travailleurs.<br />

Le modèle Taylorien a été adapté à des environnements simples <strong>et</strong> stables où la firme reçoit des<br />

informations répétitives <strong>et</strong> prévisibles. Suite à l’hypothèse de stabilité, la coordination des tâches <strong>et</strong> des<br />

fonctions induit automatiquement l’exercice de l’autorité hiérarchique <strong>et</strong> l’attribution des responsabilités<br />

opérationnelles. L’exercice du pouvoir <strong>et</strong> la prise de décision se caractérisent par une hiérarchie<br />

pyramidale, donc une centralisation politique <strong>et</strong> une centralisation cognitive.<br />

Dans ces environnements stables, la communication (verticale) est calculée <strong>et</strong> fluide. L’information a le<br />

temps de monter <strong>et</strong> descendre. En plus, l’information qui remonte exclut toute forme d’apprentissage<br />

(autre qu’un apprentissage mécanique lié à la répétitivité de la tâche, ou coup de main). Le sens de la<br />

communication est principalement descendant. Les niveaux hiérarchiques recueillent les informations<br />

nécessaires à la division du travail, puis formulent la stratégie qu’ils transm<strong>et</strong>tent, pour exécution, aux<br />

OS. Cohend<strong>et</strong> <strong>et</strong> al. (1988) insistent sur c<strong>et</strong>te dimension du système Taylorien :<br />

Le modèle « taylorien-fordien » évoque une production de masse, standardisée ; des produits de longues séries, caractérisés par<br />

des durées de vie importantes ; des processus séquentiels (…) <strong>et</strong> une organisation hiérarchique avec une très forte séparation<br />

entre les services fonctionnels (…). Il faut remarquer combien c<strong>et</strong>te structure est décomposable en phases productives <strong>et</strong><br />

prédéterminées, <strong>et</strong> surtout elle constitue une donnée interne au processus, indépendante de l’état de l’environnement<br />

(essentiellement du niveau de la demande). Face à une demande caractérisée par son homogénéité <strong>et</strong> en croissance régulière,<br />

c<strong>et</strong>te représentation taylorienne-fordienne du processus de production se traduit par une logique de recherche d’économies<br />

d’échelle. (Cohend<strong>et</strong>, Krasa <strong>et</strong> Llerena, 1988, p. 56).<br />

La division du travail très n<strong>et</strong>te entre ceux qui sont chargés de sa formulation <strong>et</strong> ceux qui sont chargés de<br />

son exécution conduit, suivant ces auteurs, à l’hypothèse d’une stratégie parfaitement délibérée, créée à<br />

travers un processus de planification. La fixation des normes, procédures <strong>et</strong> la planification impliquent le<br />

contrôle direct. Chaque niveau hiérarchique contrôle le respect des normes <strong>et</strong> des plans d’action par le<br />

niveau hiérarchique inférieur. Chaque entité spécialisée <strong>et</strong> chaque fonction possèdent leurs directions <strong>et</strong><br />

leurs hiérarchies propres. Chaque fonction perm<strong>et</strong> de séparer l’espace d’exercice du pouvoir. Le pouvoir<br />

formel se trouve au somm<strong>et</strong>, mais, également, la plupart du pouvoir informel. C’est à ce niveau que se<br />

trouvent réunies les différentes parties de la connaissance productive pertinente. C’est pour ces raisons<br />

que la décision centralisée <strong>et</strong> la formation de la stratégie à haut niveau sont fortement justifiées.<br />

Deux visions nous semblent caractériser la construction de la culture d’entreprise dans le régime culturel<br />

Taylorien : celle de Witt (1998) <strong>et</strong> celle de Casson (1995). Dans une vision de la firme comme un système<br />

cognitif <strong>et</strong> axée sur le leadership entrepreneurial, Witt (1998) aborde l’analyse de la culture d’entreprise<br />

principalement comme une adhésion des membres de la firme à une conception du leadership<br />

entrepreneurial. La culture d’entreprise est conçue par Witt comme une diffusion <strong>et</strong> une propagation de<br />

modèles sociaux tacites spécifiques à la firme (p. 173-174). Le rôle du leadership cognitif entrepreneurial<br />

est ici primordial dans la conception <strong>et</strong> l’implémentation de ces modèles sociaux. La culture d’entreprise

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