Économie Évolutionniste et Culture d'Entreprise
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privilège de décider de son utilisation, à travers les droits résiduels de contrôle, et en particulier, d’exclure les autres individus de l’utilisation de cet actif. Un élément important dans la théorie des droits de propriété est la distinction entre le contrôle des actifs non-humains et le contrôle des actifs humains. L’idée de base avancée est que le contrôle des actifs non humains mène au contrôle des actifs humains (Hart, 1995, p. 58). Comment ? Parce que l’employeur possède un pouvoir discrétionnaire sur les actifs non humains, il peut exclure ou priver l’employé de l’usage des moyens de production. L’employé, privé des moyens de production qui lui sont indispensables pour être productif, ne peut être productif et donc ne peut obtenir de revenu. Ce qui suppose dans le même temps que les actifs humains ne sont pas, eux, indispensables à l’employeur. L’autorité de l’employeur sur l’employé est donc indirecte, dans la mesure où elle émane du pouvoir que confère la propriété. La théorie des droits de propriété fait ressortir un problème d’asymétries nettement en faveur de l’employeur : l’employeur peut facilement redéployer ses moyens de production, alors que l’employé ne peut pas redéployer sa force de travail sans coûts importants. L’élément qui échappe à cette analyse est la spécificité des actifs humains. Les employés possèdent en effet des savoirs et des savoirs-faire qui vont jouer un rôle dans la relation d’emploi. L’élément central de la spécificité des actifs humains qui intervient dans cette relation d’emploi est l’accès à ces ressources spécifiques que possède l’employé : s’il s’agit de ressources facilement aliénables, cela ne va pas beaucoup influer sur cette relation. Mais par contre, si le degré de spécificité est grand, c’est-à-dire que ces ressources sont très difficilement (ou pas du tout) aliénables, cela affectera nécessairement la relation d’emploi et la relation d’autorité (l’équilibre des forces entre employeur et employé) qui en découle. L’accès aux ressources productives traduit donc une force de négociation ou une forme de pouvoir qui va influencer la relation d’autorité. De tels contrats incitatifs sont-ils vraiment appropriés pour résoudre des questions de gouvernance organisationnelle dans des environnements dynamiques et intensifs en connaissance ? Aoki (1994) répond par la négative : Lorsque, du fait de la présence d’actifs spécifiques, ou pour quelque autre raison, est souhaité l’établissement d’une relation durable, on ne peut ni prévoir toutes les contingences futures, ni spécifier en détail ex ante les diverses actions que les employés devront engager pour y faire face. Ainsi, les deux parties de la transaction signeront un contrat dont les clauses seront incomplètes. On ne peut spécifier, dans le contrat, que la configuration générale des actions attendues par les deux parties et certains actes spécifiques à certaines contingences, mais rien d’autre. (Aoki, 1994, p. 284). Les aspects légaux de contrats d’emploi ne spécifient pas la relation entre la prise de risque et la responsabilité pour de mauvais résultats. En outre, même si les contrats incitatifs sont employés, ils peuvent spécifier la participation aux bénéfices, ou parfois la participation aux pertes, mais rarement un contrat d’emploi spécifie des conséquences telles que le renvoi à cause d’une mauvaise décision définie ex ante. Beaucoup de décisions managériales sont prises sous certaines conditions de risque, d’ambiguïté et d’incertitude. Ces conditions requièrent un bon jugement, mais les résultats peuvent être définis seulement suivant une certaine distribution de probabilité. Les contrats d’emploi ne sont donc pas suffisants pour résoudre le problème d’agence quand des jugements incorrects mènent à de mauvais résultats qui ne reflètent pas les croyances et/ou intérêts du principal.
Les asymétries d’intérêt (dans les perspectives, dans les aspirations) entre managers et employés expliquent seulement une partie des conflits organisationnels. Les conflits dans la vision du monde sont la seconde partie. Les conflits dans la vision du monde jettent la lumière sur la dimension cognitive de l’autorité, ou le leadership au sens de Witt (1998, 2000). Le leadership sous-tend un pouvoir de légitimation qui est le fait de rendre un pouvoir nécessaire, désirable ou à la limite invisible. Légitimer l’exercice d’une contrainte sociale, c’est la faire passer pour autre chose qu’une contrainte sociale. Le concept de légitimité s’applique à l’ensemble des situations où le pouvoir se voit conféré par une quelconque validité. Le concept de légitimation nous invite à considérer cette validité moins comme une qualité ou un état que comme un processus effaçant dans les faits et/ou dans les représentations le caractère arbitraire et violent du pouvoir. Ce phénomène de leadership a été traité par une littérature abondante (principalement managériale) qui le décrit comme une dimension essentielle de l’entrepreneurship. En plus de la légalité procurée par le contrat d’emploi lui-même, deux autres dimensions semblent caractériser ce phénomène de leadership : (i) le charisme : le charisme est l’emprise affective et la ferveur suscitées par un leader. Les caractéristiques du leader charismatique ne sont pas réductibles à des données purement psychologiques : le charisme n’est jamais que la manière dont les autres perçoivent et valorisent ces qualités et comportements de l’individu 83 ; (ii) la tradition : La tradition désigne la tendance générale à reconduire les pratiques du passé sans les remettre en cause, si bien qu’elles deviennent non simplement des automatismes mais encore des éléments culturels propres à certains groupes sociaux. En ce sens, reconnaître l’autorité d’un chef, c’est en même temps manifester son appartenance à un groupe social. Le modèle japonais est particulièrement représentatif de ce type de leadership. Si la distribution des ressources productives, et principalement de la connaissance, conditionne fortement la relation d’autorité au sein de la firme, et donc les processus de sélection culturelle, elle conditionne également les processus de rétention culturelle qui sont liés à la nature de la communication au sein de la firme. 83 “… charismatic authority is an ideal organizational form for solving the coordination problem associated with dynamic transaction costs. In a situation of “chaos” – that is, of systemic recombination – rights, roles, and responsibilities are in flux. All participants would prefer some structure or “constitution”; but the costs of coordination are high, as each is willing to constrain himself or herself to a new order only if many others simultaneously agree to do so. Charismatic authority cuts through these costs and establishes a structure based on the rhetoric and theory of the leader. Schumpeter would no doubt add that charismatic – entrepreneurial – authority is not merely an efficient response to systemic recombination, but is in fact the principal generator of it.” (Koppl et Langlois, 2001, p. 300).
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privilège de décider de son utilisation, à travers les droits résiduels de contrôle, <strong>et</strong> en particulier, d’exclure<br />
les autres individus de l’utilisation de c<strong>et</strong> actif. Un élément important dans la théorie des droits de<br />
propriété est la distinction entre le contrôle des actifs non-humains <strong>et</strong> le contrôle des actifs humains.<br />
L’idée de base avancée est que le contrôle des actifs non humains mène au contrôle des actifs humains<br />
(Hart, 1995, p. 58). Comment ? Parce que l’employeur possède un pouvoir discrétionnaire sur les actifs<br />
non humains, il peut exclure ou priver l’employé de l’usage des moyens de production. L’employé, privé<br />
des moyens de production qui lui sont indispensables pour être productif, ne peut être productif <strong>et</strong> donc<br />
ne peut obtenir de revenu. Ce qui suppose dans le même temps que les actifs humains ne sont pas, eux,<br />
indispensables à l’employeur. L’autorité de l’employeur sur l’employé est donc indirecte, dans la mesure<br />
où elle émane du pouvoir que confère la propriété. La théorie des droits de propriété fait ressortir un<br />
problème d’asymétries n<strong>et</strong>tement en faveur de l’employeur : l’employeur peut facilement redéployer ses<br />
moyens de production, alors que l’employé ne peut pas redéployer sa force de travail sans coûts<br />
importants. L’élément qui échappe à c<strong>et</strong>te analyse est la spécificité des actifs humains. Les employés<br />
possèdent en eff<strong>et</strong> des savoirs <strong>et</strong> des savoirs-faire qui vont jouer un rôle dans la relation d’emploi.<br />
L’élément central de la spécificité des actifs humains qui intervient dans c<strong>et</strong>te relation d’emploi est<br />
l’accès à ces ressources spécifiques que possède l’employé : s’il s’agit de ressources facilement<br />
aliénables, cela ne va pas beaucoup influer sur c<strong>et</strong>te relation. Mais par contre, si le degré de spécificité est<br />
grand, c’est-à-dire que ces ressources sont très difficilement (ou pas du tout) aliénables, cela affectera<br />
nécessairement la relation d’emploi <strong>et</strong> la relation d’autorité (l’équilibre des forces entre employeur <strong>et</strong><br />
employé) qui en découle. L’accès aux ressources productives traduit donc une force de négociation ou<br />
une forme de pouvoir qui va influencer la relation d’autorité.<br />
De tels contrats incitatifs sont-ils vraiment appropriés pour résoudre des questions de gouvernance<br />
organisationnelle dans des environnements dynamiques <strong>et</strong> intensifs en connaissance ? Aoki (1994) répond<br />
par la négative :<br />
Lorsque, du fait de la présence d’actifs spécifiques, ou pour quelque autre raison, est souhaité l’établissement d’une relation<br />
durable, on ne peut ni prévoir toutes les contingences futures, ni spécifier en détail ex ante les diverses actions que les<br />
employés devront engager pour y faire face. Ainsi, les deux parties de la transaction signeront un contrat dont les clauses<br />
seront incomplètes. On ne peut spécifier, dans le contrat, que la configuration générale des actions attendues par les deux<br />
parties <strong>et</strong> certains actes spécifiques à certaines contingences, mais rien d’autre. (Aoki, 1994, p. 284).<br />
Les aspects légaux de contrats d’emploi ne spécifient pas la relation entre la prise de risque <strong>et</strong> la<br />
responsabilité pour de mauvais résultats. En outre, même si les contrats incitatifs sont employés, ils<br />
peuvent spécifier la participation aux bénéfices, ou parfois la participation aux pertes, mais rarement un<br />
contrat d’emploi spécifie des conséquences telles que le renvoi à cause d’une mauvaise décision définie<br />
ex ante. Beaucoup de décisions managériales sont prises sous certaines conditions de risque, d’ambiguïté<br />
<strong>et</strong> d’incertitude. Ces conditions requièrent un bon jugement, mais les résultats peuvent être définis<br />
seulement suivant une certaine distribution de probabilité. Les contrats d’emploi ne sont donc pas<br />
suffisants pour résoudre le problème d’agence quand des jugements incorrects mènent à de mauvais<br />
résultats qui ne reflètent pas les croyances <strong>et</strong>/ou intérêts du principal.