Économie Évolutionniste et Culture d'Entreprise

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22.06.2013 Views

de règles abstraites présidant à la coordination économique au sein de la firme, ce que nous appellerons une “culture d’entreprise”. Nous discuterons ensuite des régularités de construction des cultures d’entreprise et de l’évolution culturelle de la firme que nous traduirons en terme de “régimes culturels”. Il s’agit, à travers le recours au concept régime, de représenter les régularités que nous avons pu déceler dans la dynamique de l’évolution culturelle de la firme. Nous définirons les régimes culturels sur une base tripartie : (i) la dispersion de la connaissance productive ; (ii) la communication ; et (iii) l’autorité au sein de la firme. Nous distinguerons ensuite deux principaux régimes culturels : un régime culturel Taylorien, ou régime standard, et un régime culturel post-Taylorien, conséquent à l’avènement d’une économie basée sur la connaissance. Ce travail de thèse procède comme suit. ** La thèse comporte neuf chapitres. Dans le chapitre 1, nous discutons des liens entre économie et évolution : l’idée de l’évolution doit-elle être nécessairement rattachée à une discipline particulière, la biologie en l’occurrence, ou est-elle une posture épistémologique ? A quel degré l’influence du modèle biologique est-elle prégnante dans les approches évolutionnistes en économie ? Quel est le degré d’enracinement des approches évolutionnistes en économie et dans les sciences sociales en général ? La première constatation que nous ferons dans cette mise en perspective est le caractère encore minoritaire de l’approche évolutionniste en économie par rapport au modèle standard. Une seconde constatation sera la grande hétérogénéité des contributions évolutionnistes contemporaines. Nous ne pouvons en effet que très difficilement relever des traits communs à des contributions s’inspirant aussi bien de Schumpeter, de Hayek que de Veblen. Nous allons entreprendre à cet effet un examen de la traçabilité (à la Callon et Latour) des approches évolutionnistes en économie afin d’essayer d’y discerner le bon grain de l’ivraie et de faire ressortir les postures authentiquement évolutionnistes que nous discuterons dans le reste du travail. Après avoir jeté la lumière sur les filiations d’Adam Smith, d’Alfred Marshall et de Thorstein Veblen, nous nous focalisons particulièrement sur les deux approches évolutionnistes saillantes : la tradition néo-Schumpeterienne (qui reçoit aujourd’hui le plus d’adhésion) et la tradition Hayekienne (qui reste, elle, largement mésestimée). Ces deux traditions sur lesquelles repose analytiquement ce travail seront discutées successivement dans les chapitres 2 et 3. Nous traitons dans le chapitre 2 de la tradition néo-Schumpeterienne qui trouve son point d’ancrage dans l’œuvre séminale de Nelson et Winter (1982). Nous verrons que depuis la publication de An Evolutionary Theory of Economic Change, les contributions qui vont se rattacher au programme de recherche tracé par Nelson et Winter vont se multiplier pour constituer un véritable courant de recherche. Courant de recherche certes hétérogène, ne reposant pas encore sur un paradigme stable, mais courant de recherche dynamique et en pleine évolution. A l’instar de Nelson et Winter (1982), les contributions évolutionnistes qui vont leur succéder vont s’intéresser principalement à des questions ayant trait à l’innovation : routines, connaissances, apprentissage, compétences, irréversibilités, etc. Autant de questions peu (ou pas du tout) traitées par la théorie standard, mais qui vont bénéficier dans cette perspective d’une véritable

conceptualisation. Les vingt années de An Evolutionary Theory of Economic Change sont une occasion idéale pour faire un point sur l’état et les aboutissements de l’économie néo-Schumpeterienne, mais également sur ses limites. Nous discuterons de deux principales limites : d’abord, des fondations microévolutionnaires de l’économie néo-Schumpeterienne, en la confrontant notamment à la théorie des réplicateurs ; ensuite de l’analyse de la coordination économique chez/et à la suite de Nelson et Winter (1982). Dans le chapitre 3, nous apportons un éclairage Hayekien aux limites de l’évolutionnisme néo- Schumpeterien en confrontant notamment l’idée de l’évolution chez Hayek et Schumpeter (et les néo- Schumpeteriens) : en mettant en parallèle le marché comme explorateur de l’innovation et du processus d’apprentissage dans l’évolutionnisme culturel Hayekien aux systèmes d’innovation chez Schumpeter et les néo-Schumpeteriens, nous souhaitons dégager quelques éclairages sur les deux questions restées posées dans le chapitre précédent : fondations micro-évolutionnaires et mécanismes de coordination intraorganisationnelle. La référence à Hayek pour expliquer une dimension de coordination organisationnelle peut paraître à première vue fallacieuse. En effet, Hayek s’est toujours opposé aux formes de coordination délibérées et la firme, comme catégorie d’analyse, semble quelque peu proscrite dans sa conceptualisation. Nous verrons que, d’une part, l’opposition marché/organisation n’est pas aussi tranchée chez Hayek qu’elle semble ressortir de la littérature, et que, d’autre part, l’analyse Hayekienne du rôle de la spontanéité dans la coordination économique peut être utilement étendue à l’intérieur des frontières de la firme. L’évolutionnisme culturel Hayekien, mais également l’économie des conventions, nous seront ainsi bien utiles pour introduire notre discussion sur la culture d’entreprise et son rôle dans l’apprentissage et la coordination intra-organisationnelle. Nous serons alors en mesure de proposer une matrice de coordination qui va nous permettre de jeter les bases de notre discussion de la culture d’entreprise dans une perspective évolutionniste mémétique (partie II) et de l’évolution culturelle de la firme (partie III). Nous discutons dans le chapitre 4 de l’intérêt d’intégrer la notion de culture d’entreprise dans l’analyse économique de la coordination. Après avoir mis en exergue l’éclairage qu’apporte l’évolutionnisme culturel Hayekien sur la dimension essentielle de la spontanéité dans la coordination économique, nous verrons dans ce chapitre comment cette analyse peut être utilement étendue à la coordination intraorganisationnelle. A cette fin, nous aurons besoin d’une décomposition des niveaux de coordination, ce que nous offre la perspective ouverte par Klein (1997) qui distingue deux niveaux de coordination : une méta-coordination à la Hayek et une micro-coordination à la Schelling. Deux types de coordination certes reliés mais dans le même temps bien distincts. En reliant ces deux niveaux à la lecture Mengerienne de l’origine de la coordination (en termes organiques et pragmatiques), nous proposons, dans la lignée de Langlois (1997), une matrice de coordination et nous discutons de son évolution, ou plutôt, de sa coévolution. Nous énoncerons une première ébauche de notre conceptualisation de la culture d’entreprise comme un système de règles abstraites et de significations. Ce qui nous permettra d’asseoir le cadre théorique sur lequel va reposer le reste du travail. Une nouvelle perspective, dite mémétique, permet de jeter un éclairage nouveau sur l’évolutionnisme culturel en général, et sur l’analyse de la culture d’entreprise et de la coordination intra-organisationnelle

de règles abstraites présidant à la coordination économique au sein de la firme, ce que nous appellerons<br />

une “culture d’entreprise”. Nous discuterons ensuite des régularités de construction des cultures<br />

d’entreprise <strong>et</strong> de l’évolution culturelle de la firme que nous traduirons en terme de “régimes culturels”. Il<br />

s’agit, à travers le recours au concept régime, de représenter les régularités que nous avons pu déceler<br />

dans la dynamique de l’évolution culturelle de la firme. Nous définirons les régimes culturels sur une base<br />

tripartie : (i) la dispersion de la connaissance productive ; (ii) la communication ; <strong>et</strong> (iii) l’autorité au sein<br />

de la firme. Nous distinguerons ensuite deux principaux régimes culturels : un régime culturel Taylorien,<br />

ou régime standard, <strong>et</strong> un régime culturel post-Taylorien, conséquent à l’avènement d’une économie<br />

basée sur la connaissance.<br />

Ce travail de thèse procède comme suit.<br />

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La thèse comporte neuf chapitres. Dans le chapitre 1, nous discutons des liens entre économie <strong>et</strong><br />

évolution : l’idée de l’évolution doit-elle être nécessairement rattachée à une discipline particulière, la<br />

biologie en l’occurrence, ou est-elle une posture épistémologique ? A quel degré l’influence du modèle<br />

biologique est-elle prégnante dans les approches évolutionnistes en économie ? Quel est le degré<br />

d’enracinement des approches évolutionnistes en économie <strong>et</strong> dans les sciences sociales en général ? La<br />

première constatation que nous ferons dans c<strong>et</strong>te mise en perspective est le caractère encore minoritaire<br />

de l’approche évolutionniste en économie par rapport au modèle standard. Une seconde constatation sera<br />

la grande hétérogénéité des contributions évolutionnistes contemporaines. Nous ne pouvons en eff<strong>et</strong> que<br />

très difficilement relever des traits communs à des contributions s’inspirant aussi bien de Schump<strong>et</strong>er, de<br />

Hayek que de Veblen. Nous allons entreprendre à c<strong>et</strong> eff<strong>et</strong> un examen de la traçabilité (à la Callon <strong>et</strong><br />

Latour) des approches évolutionnistes en économie afin d’essayer d’y discerner le bon grain de l’ivraie <strong>et</strong><br />

de faire ressortir les postures authentiquement évolutionnistes que nous discuterons dans le reste du<br />

travail. Après avoir j<strong>et</strong>é la lumière sur les filiations d’Adam Smith, d’Alfred Marshall <strong>et</strong> de Thorstein<br />

Veblen, nous nous focalisons particulièrement sur les deux approches évolutionnistes saillantes : la<br />

tradition néo-Schump<strong>et</strong>erienne (qui reçoit aujourd’hui le plus d’adhésion) <strong>et</strong> la tradition Hayekienne (qui<br />

reste, elle, largement mésestimée). Ces deux traditions sur lesquelles repose analytiquement ce travail<br />

seront discutées successivement dans les chapitres 2 <strong>et</strong> 3.<br />

Nous traitons dans le chapitre 2 de la tradition néo-Schump<strong>et</strong>erienne qui trouve son point d’ancrage dans<br />

l’œuvre séminale de Nelson <strong>et</strong> Winter (1982). Nous verrons que depuis la publication de An Evolutionary<br />

Theory of Economic Change, les contributions qui vont se rattacher au programme de recherche tracé par<br />

Nelson <strong>et</strong> Winter vont se multiplier pour constituer un véritable courant de recherche. Courant de<br />

recherche certes hétérogène, ne reposant pas encore sur un paradigme stable, mais courant de recherche<br />

dynamique <strong>et</strong> en pleine évolution. A l’instar de Nelson <strong>et</strong> Winter (1982), les contributions évolutionnistes<br />

qui vont leur succéder vont s’intéresser principalement à des questions ayant trait à l’innovation :<br />

routines, connaissances, apprentissage, compétences, irréversibilités, <strong>et</strong>c. Autant de questions peu (ou pas<br />

du tout) traitées par la théorie standard, mais qui vont bénéficier dans c<strong>et</strong>te perspective d’une véritable

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