Économie Évolutionniste et Culture d'Entreprise
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agents des valeurs-clés sur lesquelles ils sont centralisés. Quand des agents partagent les mêmes<br />
narratives, celles-ci leur fournissent les lignes de conduite à l’intérieur desquelles ils peuvent adapter les<br />
diagnostics <strong>et</strong> les solutions aux problèmes locaux. Il s’agit, dans les termes de Paul David, d’une véritable<br />
programmation culturelle des membres de la firme, <strong>et</strong> notamment des nouveaux-venus :<br />
Les activités, individuelles ou collectives, des sociétés humaines exigent que l’information soit stockée, extraite, traitée <strong>et</strong><br />
transmise, tâches qui pour être effectuées passent par l’utilisation de symboles culturellement définis (ou « code ») à partir<br />
desquels les divers « programmes » sont construits. (David, 1994, p. 257).<br />
[L]a « programmation culturelle » peut être considérée comme faisant partie intégrante des processus cognitifs qui modèlent<br />
les perceptions, les attitudes, les goûts <strong>et</strong> la morale des individus ; <strong>et</strong> l’on peut considérer que ces mêmes processus, par<br />
extension directe, déterminent des comportements complexes <strong>et</strong> des réponses situationnelles. La programmation culturelle, au<br />
niveau individuel, offre une infrastructure de symboles partagés, de modèles de rôles <strong>et</strong> d’attentes réciproques, sur la base de<br />
laquelle peuvent être édifiées, avec rapidité, des organisations <strong>et</strong> des institutions fonctionnant efficacement. (David, 1994, p.<br />
258).<br />
La culture d’entreprise est donc une entité émergente qui se construit continuellement dans l’interaction<br />
organisationnelle. A force de travailler ensemble, les agents élaborent des règles, des valeurs <strong>et</strong> des<br />
pratiques communément admises pour gérer leurs relations de solidarité <strong>et</strong> d’entraides, de<br />
complémentarités techniques <strong>et</strong> d’autorité, de formation <strong>et</strong> d’information, de contrôle <strong>et</strong> d’évaluation. Ces<br />
sociabilités collectives lorsqu’elles sont intériorisées sous forme de cultures apportent un fondement<br />
symbolique aux interactions de travail (Sainsaulieu, 1997). Les périodes de crise jouent un rôle très<br />
important dans la révélation <strong>et</strong> l’intériorisation de ces sociabilités. C<strong>et</strong>te intériorisation de la culture<br />
d’entreprise à travers un processus de socialisation est encore plus manifeste pour ce qui est des<br />
nouveaux-venus dans l’organisation.<br />
L’intériorisation des mèmes suit un encodage imparfait des faits <strong>et</strong> expériences, transformés<br />
progressivement en règles inductives <strong>et</strong> en routines. Même si un code-book peut être codifié dans la<br />
firme, il ne peut absolument pas être absorbé en une seule fois par les nouveaux-venus. Une diffusion<br />
culturelle graduelle est donc nécessaire, plutôt qu’une diffusion immédiate. La culture d’entreprise va<br />
ainsi persister seulement à travers sa reproduction constante à travers des langages <strong>et</strong> des comportements.<br />
Nous parlons de rétention ici principalement dans le sens de comment les firmes se reproduisent<br />
constamment (ou échouent à le faire). Les firmes sont comprises dans c<strong>et</strong>te perspective non pas comme<br />
des structures fixes mais comme des modèles reproduisant les mèmes qui y sont énactés. Il s’agit donc ici<br />
de mèmes vitaux pour la firme, mèmes censés représenter les éléments essentiels de son environnement<br />
économique <strong>et</strong> social <strong>et</strong> lui perm<strong>et</strong>tant de s’adapter à c<strong>et</strong> environnement 80 . La culture d’entreprise<br />
s’apparente ainsi à un sens organisationnel commun, à un ensemble de croyances collectives intériorisées<br />
par les agents, se traduisant par des trêves liées à la pratique <strong>et</strong> une convergence des comportements.<br />
79 Le débat économique s’est d’ailleurs largement déplacé ces dernières décennies des comportements des marchés dans<br />
des situations compétitives à des questions sur le comportement organisationnel, notamment sur les frontières efficientes des<br />
firmes (Dow, 1987 ; Hart <strong>et</strong> Moore, 1990 ; Radner, 1996 ; Tirole, 1999).<br />
80 Pour utiliser une métaphore, la définition des différentes catégories de la neige est capitale pour un Inuit, la neige<br />
représentant un facteur central dans son environnement. Ses aptitudes <strong>et</strong> ses capacités à s’adapter <strong>et</strong> gérer le facteur “neige”<br />
constituent des mèmes vitaux pour son pouvoir d’adaptation, <strong>et</strong> donc de survie. De la même manière, pour chaque firme, un ou<br />
plusieurs éléments de son environnement vont conditionner ses mèmes vitaux.