Économie Évolutionniste et Culture d'Entreprise

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22.06.2013 Views

apprise de percevoir, de penser et de se comporter face aux problèmes, qui est transmise aux membres dans l’organisation. Deux dimensions principales ressortent de cette définition : – L’expérience passée est manifeste dans la culture d’entreprise et elle est d’une importance directe pour les décisions courantes. De cette façon, la culture suppose réellement le rôle d’un mécanisme de stockage. – En transférant de manière continue ces aspects de la culture, des détails peuvent être perdus ou de nouvelles interprétations peuvent surgir. A la dimension rétrospective de la culture d’entreprise, s’ajoute une dimension prospective. Soulignons finalement que la firme n’est pas un monolithe culturel (Weeks et Galunic, 2002, p. 32). La culture y est distribuée de manière asymétrique. Contrairement à l’approche traditionnelle basée sur la connaissance, qui ne semble pas (pouvoir) saisir cette dimension d’asymétries culturelles, la perspective mémétique nous paraît assez robuste pour mieux rendre compte de toutes les dimensions culturelles de la firme. 5.5 CONCLUSION Le mimétisme tel qu’il ressort de l’œuvre de Tarde est un processus dynamique intrinsèque, qui sert d’explication causale aux paradoxes de la suggestion et à la propagation de proche en proche, d’individu en individu. L’optique mémétique (plus large) nous fournit une vision bien riche pour comprendre la distribution de la connaissance productive dans la firme et les modalités de construction de sens qui en résultent, pour comprendre comment les firmes influent les croyances et les représentations des agents (c’est d’ailleurs une des raisons d’être des firmes, dans la mesure où celles-ci arrivent à aligner les croyances et les représentations des agents mieux que le marché). Comme nous l’avons vu, les mèmes sont souvent sélectionnés à cause des effets bénéfiques pour ceux qui les énactent. L’existence des firmes peut ainsi être expliquée par le fait qu’elles permettent des combinaisons de mèmes meilleures que le marché. Cela se traduit par des cultures d’entreprises spécifiques, des langages spécifiques, des jargons spécifiques, etc. Un tel processus, duquel peut résulter des croyances communes et une plate-forme cognitive commune, est un processus cumulatif de la construction individuelle et collective de la réalité organisationnelle (la construction de l’image au sens de Penrose) à travers une interprétation et ré-interprétation continues de l’environnement. Et l’efficacité organisationnelle devient de plus en plus dépendante de la communication à travers les sous-systèmes d’organisation qui dépendront de la capacité de développer des langages communs et des plates-formes cognitives communes. La coordination et l’apprentissage organisationnels exigeront par conséquent l’évolution de modèles culturels partagés découpés à travers les sous-systèmes de l’organisation. La culture d’entreprise est un phénomène émergent qui s’insère dans des structures sociales et historiques. Elle dépend dans le même temps de facteurs d’autorité et d’agence. Nous avons souligné qu’une analyse

en terme “macro” (ou phylogénétique) ne peut pas nous permettre de saisir la plénitude du processus culturel sous-jacent à la croissance de la firme. Une approche “micro” (ou ontogénétique) est par conséquent une condition nécessaire mais pas suffisante, puisqu’il faut en plus pouvoir relier les deux niveaux d’évolution économique. Nous avons également souligné dans le chapitre 3 que l’analyse Hayekienne considère l’évolution ontogénétique comme le point de départ du processus d’évolution économique mais prévoit dans le même temps une jonction avec l’évolution phylogénétique en invoquant l’idée de la boucle de rétroaction que nous pouvons également traduire en terme de co-évolution des deux niveaux d’analyse. En servant de base à un tel processus et en fournissant une unité de réplication robuste qui est en mesure d’expliquer toutes les dimensions de l’évolution culturelle, l’approche mémétique vient à notre sens corroborer et renforcer l’évolutionnisme culturel Hayekien. Nous allons voir dans le chapitre suivant comment se concrétise un tel processus et comment aboutit-il à des formes spontanées de coordination organisationnelle. Nous développerons alors une idée forte que nous défendons dans ce travail de thèse : que la firme tend dans au cours de son évolution à reproduire le fonctionnement du marché en adoptant des formes de coordination spontanées et décentralisées que nous traduirons en terme de “culture d’entreprise”.

apprise de percevoir, de penser <strong>et</strong> de se comporter face aux problèmes, qui est transmise aux membres<br />

dans l’organisation. Deux dimensions principales ressortent de c<strong>et</strong>te définition :<br />

– L’expérience passée est manifeste dans la culture d’entreprise <strong>et</strong> elle est d’une importance directe<br />

pour les décisions courantes. De c<strong>et</strong>te façon, la culture suppose réellement le rôle d’un mécanisme<br />

de stockage.<br />

– En transférant de manière continue ces aspects de la culture, des détails peuvent être perdus ou de<br />

nouvelles interprétations peuvent surgir. A la dimension rétrospective de la culture d’entreprise,<br />

s’ajoute une dimension prospective.<br />

Soulignons finalement que la firme n’est pas un monolithe culturel (Weeks <strong>et</strong> Galunic, 2002, p. 32). La<br />

culture y est distribuée de manière asymétrique. Contrairement à l’approche traditionnelle basée sur la<br />

connaissance, qui ne semble pas (pouvoir) saisir c<strong>et</strong>te dimension d’asymétries culturelles, la perspective<br />

mémétique nous paraît assez robuste pour mieux rendre compte de toutes les dimensions culturelles de la<br />

firme.<br />

5.5 CONCLUSION<br />

Le mimétisme tel qu’il ressort de l’œuvre de Tarde est un processus dynamique intrinsèque, qui sert<br />

d’explication causale aux paradoxes de la suggestion <strong>et</strong> à la propagation de proche en proche, d’individu<br />

en individu. L’optique mémétique (plus large) nous fournit une vision bien riche pour comprendre la<br />

distribution de la connaissance productive dans la firme <strong>et</strong> les modalités de construction de sens qui en<br />

résultent, pour comprendre comment les firmes influent les croyances <strong>et</strong> les représentations des agents<br />

(c’est d’ailleurs une des raisons d’être des firmes, dans la mesure où celles-ci arrivent à aligner les<br />

croyances <strong>et</strong> les représentations des agents mieux que le marché). Comme nous l’avons vu, les mèmes<br />

sont souvent sélectionnés à cause des eff<strong>et</strong>s bénéfiques pour ceux qui les énactent. L’existence des firmes<br />

peut ainsi être expliquée par le fait qu’elles perm<strong>et</strong>tent des combinaisons de mèmes meilleures que le<br />

marché. Cela se traduit par des cultures d’entreprises spécifiques, des langages spécifiques, des jargons<br />

spécifiques, <strong>et</strong>c.<br />

Un tel processus, duquel peut résulter des croyances communes <strong>et</strong> une plate-forme cognitive commune,<br />

est un processus cumulatif de la construction individuelle <strong>et</strong> collective de la réalité organisationnelle (la<br />

construction de l’image au sens de Penrose) à travers une interprétation <strong>et</strong> ré-interprétation continues de<br />

l’environnement. Et l’efficacité organisationnelle devient de plus en plus dépendante de la communication<br />

à travers les sous-systèmes d’organisation qui dépendront de la capacité de développer des langages<br />

communs <strong>et</strong> des plates-formes cognitives communes. La coordination <strong>et</strong> l’apprentissage organisationnels<br />

exigeront par conséquent l’évolution de modèles culturels partagés découpés à travers les sous-systèmes<br />

de l’organisation.<br />

La culture d’entreprise est un phénomène émergent qui s’insère dans des structures sociales <strong>et</strong> historiques.<br />

Elle dépend dans le même temps de facteurs d’autorité <strong>et</strong> d’agence. Nous avons souligné qu’une analyse

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