Économie Évolutionniste et Culture d'Entreprise
Économie Évolutionniste et Culture d'Entreprise Économie Évolutionniste et Culture d'Entreprise
Encadré 5.1. Le principe de Hardy-Weinberg ou l’hypothèse nulle de l’évolution Supposons une population ouverte dans laquelle deux variants coexistent, notés A et B. On suppose la sélection absente du système, c’est-à-dire qu’aucun des deux variants n’est meilleur que l’autre pour se perpétuer. Un variant pris au hasard dans la population doit être soit de type A soit de type B. L’état de la population peut être décrit par les fréquences de A et B (notées p et q), telles que, si l’on tire un variant au hasard dans la population, il a une chance p d’être A et q d’être B. Le principe s’énonce de la manière suivante : Si la population a un effectif infini, et en l’absence de sélection, les fréquences p et q restent indéfiniment constantes de génération en génération. Ce principe, appliqué à l’évolution économique, appelle quatre remarques : (i) Le raisonnement en terme de fréquence de gènes (réplicateurs) peut utilement être étendu en économie en considérant, dans la lignée de Zuscovitch (1990, p. 121), les règles de comportement (mèmes) comme réplicateurs de l’évolution économique. « Raisonner [en biologie] en termes de fréquences de gènes consiste à faire abstraction des individus qui ne sont finalement que des véhicules de gènes. Nous avons implicitement la même attitude en économie lorsque nous envisageons les règles de comportement, celles-ci étant censées survivre au-delà des firmes qui disparaissent tôt ou tard. » (ii) Aucune population réelle ne répond aux conditions (en particulier l’effectif infini). Tout changement de p et q (l’évolution n’étant rien d’autre que de tels changements) devra être expliqué par la violation de l’une ou l’autre des hypothèses de départ. Ce jeu d’hypothèses constitue donc une catégorisation des cas possibles de l’évolution. 73 (iii) L’énoncé du principe contient implicitement la définition de la sélection. La sélection (interne ou externe au système ouvert) se définit comme le phénomène qui engendre des changements des fréquences des différents variants. En l’absence de sélection, ces changements n’existent pas (les variations aléatoires étant, quant à elles, éliminées par l’hypothèse d’effectif infini). (iv) En terme d’évolution économique, les deux formes de sélection, externe et interne, peuvent être comprises respectivement comme une sélection par le marché et une sélection par l’organisation. L’entrepreneur (Schumpeterien) étant à l’interface des deux sélections. L’évolution économique peut donc être comprise comme un processus dynamique d’accumulation à travers le temps de variations à la fois de la sélection phénotypique et de la réponse génotypique. Nous 73 De même qu’en physique, aucun objet n’est en mouvement parfaitement rectiligne et uniforme, mais cet état est un état de référence et certains objets s’y trouvent approximativement.
pouvons clairement distinguer ici les trois mécanismes à la base de toute évolution : variation, sélection et rétention. 5.3.3.2 Un modèle mémétique d’évolution culturelle de la firme 5.3.3.2.1 Variation Le processus de sélection présume toujours la variation. Autrement dit, il doit y avoir une variété d’expressions du mème avec des combinaisons différentes de fonctionnalité, de capacité d’adaptation et de forme. La variété est la source de la croissance dans les modèles évolutionnistes. La génération de la diversification est ainsi intrinsèque au processus de l’évolution : [D]iversity drives evolution and evolution generates diversity. (Cohendet et Llerena, 1997, p. 227). L’importance capitale la variation pour la dynamique de l’évolution économique a été soulignée particulièrement dans les processus d’innovation : [V]ariety yields opportunities for innovation. The opportunity of cognitive distance is that contact with others gives us a possibility to escape from the myopia of our personal cognitive construction, by profiting from the different insights of others, based on different experience. In the absence of claims of objective knowledge, interaction with others is the only path we have to correct our errors. A problem, however, is that the greater the cognitive distance, the more difficult it is to cross it, i.e. to understand the actions and expressions of a partner. Thus there is an optimal cognitive distance: large enough for partners to tell each other something new, and small enough for comprehension. (Nooteboom, 2002, p. 11). Le degré de variation dans un système varie au cours du temps. Dans les processus d’innovation, la variation tend à passer par des stades successifs correspondant à des phases de développement technologique et des phases de verrouillage (Nelson et Winter, 2002, p. 36). L’idée de base du mécanisme de variation suppose l’existence de groupes hétérogènes dans une certaine population qui soient en compétition pour une ressource commune rare. Mais quand nous savons que la sélection réduit par définition la variété, la question qui se pose est comment est générée la nouvelle variété ? D’où proviennent les nouveaux mèmes et comment deviennent-ils des candidats possibles à la sélection ? La réponse à cette question peut être saisie dans la manière de penser, d’apprendre et d’agir des agents. Il serait tentant d’appliquer l’analogie biologique de naissance des mèmes, mais c’est peu approprié. Les biologistes ne parlent pas de naissance des gènes : ils parlent plutôt de la naissance (et de la mort) des organismes qui sont des expressions phénotypiques de ces gènes. Les naissances phénotypiques sont cependant des événements importants dans l’évolution biologique parce qu’ils sont la réalisation de la réplication des gènes sujets aux processus de méiose et de mutation, par lesquels la progéniture reçoit la moitié des gènes de chaque parent et de nouveaux gènes peuvent être créés à travers les erreurs de copie. De manière abstraite, la naissance d’un organisme représente l’expression phénotypique d’une nouvelle combinaison de gènes existants et, peut-être, de nouveaux gènes également. Bien que les routines ou d’autres éléments de la culture d’entreprise ne naissent pas de la même façon
- Page 112: DEUXIEME PARTIE CULTURE D’ENTREPR
- Page 115 and 116: institutions pragmatiques (construi
- Page 117 and 118: intentionnel (individuel ou collect
- Page 119 and 120: Dans Micromotives and Macrobehavior
- Page 121 and 122: 4.2.3 Les deux coordinations Klein
- Page 123 and 124: possède dans sa plénitude. Comme
- Page 125 and 126: Il y a d’ailleurs un sens dans le
- Page 127 and 128: à cet effet. En opérant une telle
- Page 129 and 130: dispersées des agents, ce qui sous
- Page 131 and 132: Chapitre 5 Vers une conceptualisati
- Page 133 and 134: finalement, d’agir réellement. L
- Page 135 and 136: 5.2.2 Les développements de Karl W
- Page 137 and 138: que le sens est construit dans le l
- Page 139 and 140: 5.3 ECONOMIE ET MEMETIQUE 62 Where
- Page 141 and 142: echerche actuels 64 . Dans ce trava
- Page 143 and 144: 5.3.1.1.3 Imitation et invention Le
- Page 145 and 146: artificiellement. Cette question es
- Page 147 and 148: Son analyse est par conséquent par
- Page 149 and 150: is scientifically new. Moreover, an
- Page 151 and 152: Hayek a tracé les grandes lignes d
- Page 153 and 154: 5.3.1.5 André Orléan Si Keynes a
- Page 155 and 156: La logique sous-jacente aux deux mi
- Page 157 and 158: friends will forgive me if I abbrev
- Page 159 and 160: ase de la culture, les mèmes, est
- Page 161: Une théorie est généralement dé
- Page 165 and 166: 5.3.3.2.2 Sélection Un mème est d
- Page 167 and 168: (1958) et a été bien développée
- Page 169 and 170: problèmes peuvent être résolus p
- Page 171 and 172: Artefacts Structures et processus o
- Page 173 and 174: en terme “macro” (ou phylogén
- Page 175 and 176: de la forte dimension d’apprentis
- Page 177 and 178: devient dispersée, impliquant une
- Page 179 and 180: agents des valeurs-clés sur lesque
- Page 181 and 182: L’habitus est ainsi une sorte d
- Page 183 and 184: La notion d’habitus a été inven
- Page 185 and 186: Dans un cadre organisationnel, l’
- Page 187 and 188: Bourdieu résume ici de manière su
- Page 190 and 191: Chapitre 7 Les régimes de l’évo
- Page 192 and 193: culturelle de la firme. Notre conce
- Page 194 and 195: problèmes complètement décomposa
- Page 196 and 197: privilège de décider de son utili
- Page 198 and 199: 7.3.3 Communication Une définition
- Page 200 and 201: management (orienté vers l’actio
- Page 202 and 203: est synonyme d’adhésion des memb
- Page 204: temps et autorise les ouvriers à a
- Page 207 and 208: facilement appropriable, imitable o
- Page 209 and 210: l’information cachée usuelle dan
- Page 211 and 212: Ce processus de délégation de la
pouvons clairement distinguer ici les trois mécanismes à la base de toute évolution : variation, sélection <strong>et</strong><br />
rétention.<br />
5.3.3.2 Un modèle mémétique d’évolution culturelle de la firme<br />
5.3.3.2.1 Variation<br />
Le processus de sélection présume toujours la variation. Autrement dit, il doit y avoir une variété<br />
d’expressions du mème avec des combinaisons différentes de fonctionnalité, de capacité d’adaptation <strong>et</strong><br />
de forme. La variété est la source de la croissance dans les modèles évolutionnistes. La génération de la<br />
diversification est ainsi intrinsèque au processus de l’évolution :<br />
[D]iversity drives evolution and evolution generates diversity. (Cohend<strong>et</strong> <strong>et</strong> Llerena, 1997, p. 227).<br />
L’importance capitale la variation pour la dynamique de l’évolution économique a été soulignée<br />
particulièrement dans les processus d’innovation :<br />
[V]ari<strong>et</strong>y yields opportunities for innovation. The opportunity of cognitive distance is that contact with others gives us a<br />
possibility to escape from the myopia of our personal cognitive construction, by profiting from the different insights of others,<br />
based on different experience. In the absence of claims of objective knowledge, interaction with others is the only path we<br />
have to correct our errors. A problem, however, is that the greater the cognitive distance, the more difficult it is to cross it, i.e.<br />
to understand the actions and expressions of a partner. Thus there is an optimal cognitive distance: large enough for partners to<br />
tell each other som<strong>et</strong>hing new, and small enough for comprehension. (Nooteboom, 2002, p. 11).<br />
Le degré de variation dans un système varie au cours du temps. Dans les processus d’innovation, la<br />
variation tend à passer par des stades successifs correspondant à des phases de développement<br />
technologique <strong>et</strong> des phases de verrouillage (Nelson <strong>et</strong> Winter, 2002, p. 36).<br />
L’idée de base du mécanisme de variation suppose l’existence de groupes hétérogènes dans une certaine<br />
population qui soient en compétition pour une ressource commune rare. Mais quand nous savons que la<br />
sélection réduit par définition la variété, la question qui se pose est comment est générée la nouvelle<br />
variété ? D’où proviennent les nouveaux mèmes <strong>et</strong> comment deviennent-ils des candidats possibles à la<br />
sélection ? La réponse à c<strong>et</strong>te question peut être saisie dans la manière de penser, d’apprendre <strong>et</strong> d’agir<br />
des agents. Il serait tentant d’appliquer l’analogie biologique de naissance des mèmes, mais c’est peu<br />
approprié. Les biologistes ne parlent pas de naissance des gènes : ils parlent plutôt de la naissance (<strong>et</strong> de<br />
la mort) des organismes qui sont des expressions phénotypiques de ces gènes. Les naissances<br />
phénotypiques sont cependant des événements importants dans l’évolution biologique parce qu’ils sont la<br />
réalisation de la réplication des gènes suj<strong>et</strong>s aux processus de méiose <strong>et</strong> de mutation, par lesquels la<br />
progéniture reçoit la moitié des gènes de chaque parent <strong>et</strong> de nouveaux gènes peuvent être créés à travers<br />
les erreurs de copie. De manière abstraite, la naissance d’un organisme représente l’expression<br />
phénotypique d’une nouvelle combinaison de gènes existants <strong>et</strong>, peut-être, de nouveaux gènes également.<br />
Bien que les routines ou d’autres éléments de la culture d’entreprise ne naissent pas de la même façon