Économie Évolutionniste et Culture d'Entreprise
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Tous les discours sur le caractère du processus d’évolution (Darwinien ou Lamarckien) se situent autour<br />
de l’intervention active <strong>et</strong> consciente ou non de l’agent individuel dans la vie sociale, <strong>et</strong> surtout dans le<br />
transfert des connaissances <strong>et</strong> des cultures. Un des mérites de Friedrich Hayek est qu’il a accentué la<br />
distinction entre comportement conscient <strong>et</strong> comportement basé sur des connaissances tacites. A partir de<br />
là se dessine un double mouvement de création de règles de fonctionnement <strong>et</strong> d’adaptation de celles déjà<br />
existantes. Nous nous trouvons dans ce cas dans une problématique typiquement évolutionniste où<br />
l’évolution d’un environnement d’ensemble (le principe de variation) entraîne des processus de<br />
changement (principe de sélection <strong>et</strong> d’apprentissage). De manière concrète, les organisations sont<br />
amenées à adapter leurs comportements <strong>et</strong> donc leurs règles de fonctionnement <strong>et</strong> de coordination. Le<br />
cadre de régulation formel peut aussi être contraint d’évoluer. La matrice de coordination s’en trouve<br />
ainsi modifiée à plus ou moins long terme.<br />
L’articulation entre les deux niveaux de sélection identifiés chez Hayek peut être exprimée par l’idée de<br />
boucle de rétroaction, développée par les théoriciens de l’auto-organisation. Le terme de bouclage<br />
organisationnel chez Friedrich Hayek expose que tout comportement local produit un certain ordre<br />
global, qui en r<strong>et</strong>our assure la vie <strong>et</strong> la reproduction des éléments locaux qui produisent l’ordre <strong>et</strong> assurent<br />
sa pérennité. Les règles d’action individuelle produisent un ordre social qui à son tour modèle ces actions.<br />
Il s’agit donc bien chez Hayek d’une logique de causalité circulaire, d’une boucle de rétroaction, que nous<br />
pouvons interpréter comme la co-évolution de la matrice de coordination proposée. La co-évolution de la<br />
matrice de coordination traduit l’idée de la co-évolution des modes de coordination organiques <strong>et</strong><br />
pragmatiques, de même que des deux formes de coordination de type I <strong>et</strong> II.<br />
Un des principaux enseignements de Hayek est que les règles abstraites, issues de l’évolution, sont<br />
cruciales pour définir le caractère de l’ordre. Survivantes d’un long processus d’essais <strong>et</strong> d’erreurs, elles<br />
assurent le maintien <strong>et</strong> la permanence de l’ordre spontané. Abstraites, elles couvrent un grand nombre de<br />
situations particulières <strong>et</strong> s’imposent aux individus sans que ceux-ci en soient obligatoirement conscients.<br />
Elles sont largement pré-linguistiques (tacites). Le caractère tacite <strong>et</strong> abstrait des schèmes cognitifs<br />
gouvernant la conduite fonde la continuité avec l’ordre social spontané. Les schèmes <strong>et</strong> règles abstraites<br />
qui gouvernent l’action des individus ne sont cependant ni innés (héritées génétiquement), ni une simple<br />
mémorisation de différentes observations <strong>et</strong> expériences particulières vécues par les individus. Il y a là au<br />
contraire la marque d’un héritage culturel, collectif, qui prend la forme d’un apprentissage mimétique.<br />
Nous reviendrons plus en détail sur ces processus mimétiques dans le chapitre 5 <strong>et</strong> suivants. Auparavant,<br />
nous allons nous intéresser à la place qu’a occupée la culture d’entreprise dans l’analyse économique,<br />
standard <strong>et</strong> évolutionniste.