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Économie Évolutionniste et Culture d'Entreprise

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deviennent en eff<strong>et</strong> opaques. Les règles concrètes deviennent alors de moins en moins adaptées à<br />

répondre à ce genre d’incertitude “structurelle” <strong>et</strong> non plus simplement “paramétrique” (au sens de<br />

Minkler, 1993). C’est pourquoi Langlois (1997) propose que plus le changement est radical (plus est<br />

radicale la déviation par rapport à la trajectoire coutumière), plus abstraites seront les règles nécessaires<br />

pour changer, créer, ou réorganiser les capacités concrètes dans une direction efficace. Dans notre<br />

interprétation, l’émergence de ces règles abstraites au sein des organisations est synonyme de cultures<br />

d’entreprise qui vont présider de manière spontanée à la coordination des connaissances de plus en plus<br />

dispersées <strong>et</strong> des actions de plus en plus décentralisées au sein des organisations.<br />

Il s’agit, de ce point de vue, d’analyser la firme comme un système de routines <strong>et</strong> de règles tacites dont<br />

l’évolution pourrait être décrite dans les termes Hayekiens de l’évolution culturelle. Nous empruntons à<br />

c<strong>et</strong> eff<strong>et</strong> la grille de lecture Hayekienne, combinée à une perspective évolutionniste récente, dite<br />

mémétique, pour essayer de comprendre <strong>et</strong> d’interpréter la genèse endogène des systèmes de règles<br />

abstraites présidant au comportement de la firme <strong>et</strong> de ses membres individuels, ce que nous appelons<br />

une “culture d’entreprise”.<br />

Ce travail s’inscrit dans le cadre de l’économie évolutionniste 1 où il convient plus précisément de<br />

distinguer, dans la lignée de Witt (1991), quatre traditions (très) différentes : la tradition Hayekienne, la<br />

tradition Schump<strong>et</strong>erienne, l’institutionnalisme à la Veblen <strong>et</strong> la tradition marxiste. Ce travail est basé<br />

analytiquement sur les deux premières traditions que nous discuterons successivement dans les chapitres<br />

2 <strong>et</strong> 3.<br />

Et si Richard Nelson appelle de ses vœux une telle approche (citation supra), c’est que c<strong>et</strong>te attitude est<br />

aujourd’hui encore minoritaire <strong>et</strong> loin de fédérer l’adhésion des économistes pour constituer un véritable<br />

paradigme. Autrement dit, le “paradigme évolutionniste” en économie n’est toujours pas stabilisé, ce que<br />

d’aucuns appellent un paradigme en décantation.<br />

L’approche économique évolutionniste rompt avec l’analyse économique standard sur la caractérisation<br />

même du “problème économique” : sur la caractérisation des agents économiques, de leur rationalité, de<br />

leurs croyances, de même que sur la caractérisation du changement économique, autant d’éléments qui<br />

revêtent les caractéristiques de l’évolution. Le “problème économique” tel qu’il se dégage d’une<br />

approche évolutionniste est moins un problème d’optimisation que celui d’apprentissage <strong>et</strong> de<br />

coordination. En partant de la considération de la dispersion de la connaissance productive entre des<br />

agents économiques individuels, dotés d’une rationalité limitée, <strong>et</strong> se mouvant dans un environnement<br />

complexe <strong>et</strong> incertain, il n’y a en eff<strong>et</strong> aucune raison de penser que la coordination des plans individuels<br />

des agents puisse être établie ex ante <strong>et</strong> encore moins qu’elle puisse être optimale. Ce qu’il s’agit alors de<br />

chercher à expliquer ce sont plutôt les processus d’apprentissage <strong>et</strong> de coordination interindividuelle,<br />

1 Nous parlerons dans ce travail d’économie évolutionniste <strong>et</strong> de mécanismes évolutionnaires. Nous rejoignons ici Philippe<br />

Van Parijs qui est, à notre connaissance, le seul auteur à avoir établi, dans Evolutionary Explanation in the Social Sciences: An<br />

Emerging Paradigm (1981), une clarification des deux concepts. Van Parijs y établit en eff<strong>et</strong> une distinction n<strong>et</strong>te, claire <strong>et</strong><br />

limpide entre les deux concepts en distinguant une perspective “évolutionniste” qui concerne l’évolution en tant que succession<br />

de changements caractérisée par une direction <strong>et</strong> une perspective “évolutionnaire” qui concerne l’évolution en tant que<br />

succession de changements caractérisée par un mécanisme.

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