Économie Évolutionniste et Culture d'Entreprise
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Ce qui traduit manifestement une confusion entre la manipulation intentionnelle des choses par les agents pour atteindre un objectif (comme construire un artefact) avec la délibération intentionnelle des membres qu’une organisation déploie pour atteindre ses objectifs consentis (Ibid., p. 531). Ces deux types de délibération, bien que tous les deux intentionnels, sont cependant différents. La coordination organisationnelle des ressources limitées s’en trouve par conséquent gravement affectée. C’est ce que nous désignerons ici en terme d’enchevêtrement des niveaux de coordination chez Hayek. De par la confusion sur la nature des “règles” et des “objectifs” au niveau organisationnel, l’évolutionnisme culturel Hayekien n’explicite pas par conséquent la question, essentielle dans notre travail de thèse, du consentement intra-organisationnel sur les règles et les objectifs organisationnels. L’enchevêtrement des niveaux de coordination chez Hayek ne permet donc pas de saisir directement cette dimension organisationnelle. Comment pourrait-on donc transposer le raisonnement Hayekien au niveau organisationnel ? Une réponse peut être la distinction par Hayek entre deux niveaux de sélection : la sélection des règles abstraites d’action et la sélection des ordres sociaux. La spontanéité au niveau des règles abstraites est une condition de possibilité à la réalisation du second type de spontanéité, celui du fonctionnement même de l’ordre social. Le problème est que, dans le même temps, les deux niveaux de sélection sont étroitement imbriqués et interagissent l’un sur l’autre. En effet, les individus produisent sans le savoir des règles d’action grâce à l’existence de schèmes cognitifs incorporés dans l’esprit humain. Ces règles d’action permettent aux individus de résoudre les problèmes auxquels ils sont confrontés dans un environnement donné. Or, ces schèmes portent eux-mêmes la marque du social, de la tradition et de l’histoire collective. Les schèmes de perception et d’action sont bien le produit de l’histoire mais c’est également par leur médiation que le dépôt des expériences passées est activé et se convertit en une disposition à agir dans l’avenir. Les règles individuelles d’action produisent un ordre social qui à son tour modèle ces actions. Mais si cette présentation restitue une certaine cohérence à la théorie Hayekienne de l’évolution, elle n’accroît pas pour autant son pouvoir explicatif. Autrement dit, elle ne gomme pas les difficultés inhérentes à l’évolutionnisme comme mode d’explication de la transformation des ordres sociaux. Klein (1997) nous fournit un très bon éclairage à cet effet. Il caractérise en effet la coordination Hayekienne comme une “méta-coordination” dans le même temps qu’il distingue un autre type de coordination qu’il rattache à la coordination par les conventions à la Schelling : When Hayekians declare that competition is the only method by which coordination can be adequately brought about (see Hayek 1944: 48), they mean metacoordination. Only free competition can generate a pleasing arrangement. But when “coordination” is read in the Schelling sense, as a sort of teamwork to achieve a common goal, Hayek’s words become wrong. A large complex system probably needs central direction or leadership to achieve Schelling coordination. A small group of musicians might sit down and spontaneously make pleasant music, but a large orchestra will certainly need a common sheet of music. Imagine the symphony performance of decentralized, competing musicians. I believe that Hayekian claims about the coordinating properties of the competitive system have often been misunderstood because the word coordination is commonly taken to mean Schelling coordination. (Klein, 1997, p. 330). Le démêlement des niveaux de coordination chez Hayek, à la lumière de l’éclairage séminal de Klein (1997), fera l’objet du chapitre 4 où nous allons particulièrement rattacher cette question à la raisond’être de notre travail de thèse : pourquoi la culture d’entreprise ? Ou, posée autrement, peut-on rattacher
l’analyse Hayekienne de la coordination spontanée au niveau organisationnel ? Auparavant, nous allons considérer les enseignements de l’économie des conventions qui, à l’évidence, portent sur un niveau de coordination différent de celui de la méta-coordination Hayekienne. 3.5 LES ECLAIRAGES DE L’ECOLE DES CONVENTIONS 3.5.1 L’école française des conventions L’économie des conventions est une réponse critique française à la théorie standard et ses extensions (théorie des coûts de transaction, théorie de l’agence, théorie des droits de propriété). Réfutant la vision de l’agent déconnecté de son contexte social, l’économie des conventions refuse de considérer les modes de coordination sous une forme unique (marché) ou duale (marché et hiérarchie). La coordination est considérée dans sa dimension complexe qui passe par une multitude d’autres modes de coordination : normes, institutions, conventions. La focalisation est sur le concept-clé de “convention”. La convention, du latin conventio, action de deux ou plusieurs personnes portant sur un fait précis (Le Petit Robert), est émergente. Ce qui signifie qu’elle ne peut être décrétée, mais émerge à partir de la pratique des agents individuels. C’est ce que Olivier Favereau décrit comme une contractualisation ex post : [T]out se passe comme si la convention résultait d’une contractualisation, avec cette différence, toutefois, d’une pluralité a priori de conventions possibles : le mécanisme de production du consentement mutuel ne peut se mettre en mouvement que lorsque le hasard, la nature ou l’histoire ont fait le premier pas vers la sélection d’une des conventions possibles. D’où la qualification quelque peu paradoxale de « contractualisation ex post ». (Favereau, 1989, p. 288). C’est Schelling, dans son article de 1960, qui avait montré le premier que c’est l’accès à des données contextuelles qui permet aux agents de se coordonner en sélectionnant un équilibre particulier. Ces données contextuelles sont marquées par une saillance cognitive : les agents, dans leur interaction, construisent des repères à partir de ces données contextuelles pour leur action collective. Lewis (1969) va développer cette conceptualisation. Il s’inspire à cet effet de David Hume qui définit la convention comme une référence implicite sur laquelle repose l’interaction et à laquelle ne sont associés ni démentis ni promesses : For convention, we require that each agent prefer general conformity to conformity by all but himself, ignoring his preferences regarding states of general nonconformity. For social contract, we require that each agent prefer general conformity to a certain state of general nonconformity, ignoring his preferences regarding conformity by all but himself. (Lewis 1969, p. 90). Lewis (1969, p. 58) définit la convention comme une régularité R de comportement et de croyance qui, dans une population P, satisfait les six conditions suivantes : (1) Chacun se conforme à R. (2) Chacun croit que les autres se conforment à R.
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L’économie des conventions est une réponse critique française à la théorie standard <strong>et</strong> ses extensions<br />
(théorie des coûts de transaction, théorie de l’agence, théorie des droits de propriété). Réfutant la vision<br />
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post :<br />
[T]out se passe comme si la convention résultait d’une contractualisation, avec c<strong>et</strong>te différence, toutefois, d’une pluralité a<br />
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lorsque le hasard, la nature ou l’histoire ont fait le premier pas vers la sélection d’une des conventions possibles. D’où la<br />
qualification quelque peu paradoxale de « contractualisation ex post ». (Favereau, 1989, p. 288).<br />
C’est Schelling, dans son article de 1960, qui avait montré le premier que c’est l’accès à des données<br />
contextuelles qui perm<strong>et</strong> aux agents de se coordonner en sélectionnant un équilibre particulier. Ces<br />
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ni promesses :<br />
For convention, we require that each agent prefer general conformity to conformity by all but himself, ignoring his preferences<br />
regarding states of general nonconformity. For social contract, we require that each agent prefer general conformity to a certain<br />
state of general nonconformity, ignoring his preferences regarding conformity by all but himself. (Lewis 1969, p. 90).<br />
Lewis (1969, p. 58) définit la convention comme une régularité R de comportement <strong>et</strong> de croyance qui, dans une<br />
population P, satisfait les six conditions suivantes :<br />
(1) Chacun se conforme à R.<br />
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