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Entrainement Brevet<br />
L’histoire se passe à Paris en 1831. Claude Gueux, ouvrier pauvre, a volé pour nourrir sa femme et son enfant.<br />
Condamné à cinq ans de prison, il est envoyé à la Maison Centrale de Clairvaux. Il se lie d’amitié avec un jeune<br />
prisonnier, Albin mais, par jalousie, le directeur des ateliers sépare les deux hommes. Tous les jours, Claude<br />
réclame son compagnon, en vain.<br />
« Monsieur le directeur, dit Claude avec une voix qui eût attendri le démon, je vous en<br />
supplie, remettez Albin avec moi, vous verrez comme je travaillerai bien. Vous qui êtes libre,<br />
cela vous est égal, vous ne savez pas ce que c'est qu'un ami ; mais, moi, je n'ai que les quatre<br />
murs de ma prison. Vous pouvez aller et venir, vous ; moi, je n’ai qu’Albin. Rendez-le moi. Albin me<br />
nourrissait, vous le savez bien 1 . Cela ne vous coûterait que la peine de dire oui. Qu'est-ce que<br />
cela vous fait qu'il y ait dans la même salle un homme qui s'appelle Claude Gueux et un autre qui<br />
s'appelle Albin ? Car ce n'est pas plus compliqué que cela. Monsieur le directeur, mon bon<br />
monsieur D., je vous supplie vraiment, au nom du ciel !<br />
Claude n'en avait peut-être jamais tant dit à la fois à un geôlier. Après cet effort, épuisé,<br />
il attendit. Le directeur répliqua avec un geste d'impatience :<br />
- Impossible. C'est dit. Voyons, ne m'en reparle plus. Tu m'ennuies.<br />
Et, comme il était pressé, il doubla le pas. Claude aussi. En parlant ainsi, ils étaient arrivés<br />
tous deux près de la porte de sortie ; les quatre-vingts voleurs regardaient et écoutaient,<br />
haletants.<br />
Claude toucha doucement le bras du directeur.<br />
- Mais au moins que je sache pourquoi je suis condamné à mort 2 ! Dites-moi pourquoi vous<br />
l'avez séparé de moi.<br />
- Je te l'ai déjà dit, répondit le directeur, parce que.<br />
Et, tournant le dos à Claude, il avança la main vers le loquet de la porte de sortie.<br />
A la réponse du directeur, Claude avait reculé d'un pas. Les quatre-vingts statues qui<br />
étaient là 3 virent sortir de son pantalon sa main droite avec la hache. Cette main se leva, et,<br />
avant que le directeur eût pu pousser un cri, trois coups de hache, chose affreuse à dire,<br />
assenés tous les trois dans la même entaille, lui avaient ouvert le crâne. Au moment où il tombait<br />
à la renverse, un quatrième coup lui balafra le visage ; puis, comme une fureur lancée ne s'arrête<br />
pas court, Claude Gueux lui fendit la cuisse droite d'un cinquième coup inutile. Le directeur était<br />
mort.<br />
Alors Claude jeta la hache et cria : À l'autre maintenant ! L'autre, c'était lui. On le vit<br />
tirer de sa veste les petits ciseaux de « sa femme » 4 et, sans que personne songeât à l'en<br />
empêcher, il se les enfonça dans la poitrine. La lame était courte, la poitrine était profonde. Il y<br />
fouilla longtemps et à plus de vingt reprises en criant : « Cœur de damné, je ne te trouverai<br />
donc pas ! » et enfin il tomba baigné dans son sang, évanoui sur le mort.<br />
Lequel des deux était la victime de l'autre ?<br />
Victor Hugo, Claude Gueux (1834)<br />
1 Par amitié, Albin, qui était de faible constitution, avait pris l’habitude de donner une part de sa ration à Claude Gueux, homme<br />
robuste, de gros appétit. En échange, Claude Gueux protégeait son ami.<br />
2 Il s’agit d’une expression. En réalité, à ce moment-là, Claude Gueux n’est condamné qu’à cinq ans de prison.<br />
3 Les autres prisonniers<br />
4 L’expression est entre guillemets car Claude Gueux n’était pas vraiment marié. De nos jours, on parle de concubinage.
PREMIERE PARTIE :<br />
QUESTIONS (15 POINTS)<br />
I) Un homme déterminé (4.5 points)<br />
1. Quels <strong>argum</strong>ents Claude Gueux utilise-t-il dans le premier paragraphe (l.1-8) pour faire<br />
changer d’avis le directeur ? (Citez le texte pour répondre). (1.5 point)<br />
2. Réécrivez les phrases ci-dessous de manière à faire apparaître (grammaticalement) le lien<br />
logique. Dites de quel lien il s’agit : (2 points)<br />
- Remettez Albin avec moi, vous verrez comme je travaillerai bien.<br />
- Vous pouvez aller et venir, vous ; moi, je n’ai qu’Albin.<br />
3. L’<strong>argum</strong>entation de Claude Gueux vous paraît-elle rigoureuse ? Pourquoi ? (1 point)<br />
II) Un homme désespéré (4 points)<br />
1. Quel rôle joue la phrase (l.15) « Claude toucha doucement le bras du directeur. » par rapport<br />
au reste du texte ? (1 point)<br />
2. « Cette main se leva » (l.21). Quelle est la figure de style dans cette phrase ? Quel effet<br />
produit-elle ? (1 point)<br />
3. Transformez cette phrase de manière à supprimer la subordination : « Au moment où il<br />
tombait à la renverse, un quatrième coup lui balafra le visage ». (1.5 point)<br />
4. « Cette main se leva, et, avant que le directeur eût pu pousser un cri, trois coups de hache,<br />
[…] lui avaient ouvert le crâne. » A quel temps et à quel mode est employé le verbe de la<br />
subordonnée ? Justifiez cet emploi. (0.5 point)<br />
III) Victime ou coupable ? (5 points)<br />
1. En prenant appui sur le texte, définissez l’attitude du directeur à l’égard de Claude Gueux. (2<br />
points)<br />
2. Pourquoi Hugo présente-t-il un directeur avec un tel caractère ? Quelle phrase permet de<br />
comprendre l’intention de l’auteur ? (2 points)<br />
3. Quelle est la figure de style dans l’expression « une voix qui eût attendri le démon » l.1 ?<br />
Quel effet produit-elle ? (1 point)<br />
IV) Un récit pour convaincre (1.5 point)<br />
1. Combien de « voix » (= de personnes) expriment une opinion dans cet extrait ? Identifiez<br />
chacune d’elles et donnez une phrase représentative de leur point de vue.<br />
REECRITURE (4 POINTS)<br />
Réécrivez le passage suivant, en opérant les transformations voulues :<br />
- Passage du discours direct au discours indirect<br />
- Récit au passé composé pour la narration et imparfait pour la description<br />
Après cet effort, épuisé, il attendit. Le directeur répliqua avec un geste d'impatience :<br />
- Impossible. C'est dit. Voyons, ne m'en reparle plus. Tu m'ennuies.<br />
Et, comme il était pressé, il doubla le pas. Claude aussi. En parlant ainsi, ils étaient arrivés tous<br />
deux près de la porte de sortie ; les quatre-vingts voleurs regardaient et écoutaient, haletants.<br />
Claude toucha doucement le bras du directeur.
DICTEE (6 POINTS)<br />
Dès qu'un homme cherche le bonheur, il est condamné à ne pas le trouver, et il n'y a point de<br />
mystère là-dedans. Le bonheur n'est pas comme cet objet en vitrine, que vous pouvez choisir,<br />
payer, emporter ; si vous l'avez bien regardé, il sera bleu ou rouge chez vous comme dans la<br />
vitrine. Tandis que le bonheur n'est bonheur que quand vous le tenez ; si vous le cherchez dans<br />
le monde, hors de vous-même, jamais rien n'aura l'aspect du bonheur. En somme on ne peut ni<br />
raisonner ni prévoir au sujet du bonheur ; il faut l'avoir maintenant. Quand il paraît être dans<br />
l'avenir, songez-y bien, c'est que vous l'avez déjà. Espérer, c'est être heureux.<br />
Alain, Propos, 18 mars 1911<br />
SECONDE PARTIE : REDACTION (15 POINTS)<br />
<strong>Sujet</strong> :<br />
Claude Gueux a survécu à sa tentative de suicide. Il est inculpé du meurtre du directeur et<br />
risque la peine de mort. Vous êtes son avocat et vous rédigez une plaidoirie afin de lui éviter la<br />
guillotine.<br />
Procédez de la manière suivante :<br />
- Dans un premier temps, vous rappelez rapidement les faits qui ont entraîné l’inculpation de<br />
Claude Gueux.<br />
- Dans un second temps, vous <strong>argum</strong>entez en faveur de l’accusé.<br />
Consignes de rédaction :<br />
- Utilisez différentes stratégies <strong>argum</strong>entatives (organisation des <strong>argum</strong>ents et procédés<br />
stylistiques divers destinés à persuader : questions rhétoriques, modalisation etc.).<br />
- Devoir d’environ 25 lignes.<br />
- Sautez des lignes.<br />
- Soyez vigilant quant à l’orthographe.<br />
Corrigé :<br />
I) Un homme déterminé<br />
1. Quels <strong>argum</strong>ents Claude Gueux utilise-t-il dans le premier paragraphe (l.1-8) pour faire<br />
changer d’avis le directeur ? (Citez le texte pour répondre).<br />
· « vous verrez comme je travaillerai bien. »<br />
· « […] cela vous est égal, vous ne savez pas ce que c’est qu’un ami. »<br />
· « Albin me nourrissait, vous le savez bien. »<br />
· « Cela ne vous coûterait rien »<br />
· « Qu’est-ce que cela vous fait qu’il y ait dans la même salle un homme qui s’appelle Claude Gueux<br />
et un autre qui s’appelle Albin. Car ce n’est pas plus compliqué que cela. »<br />
[Si quatre citations ou plus 1.5<br />
Si trois citations 1pt<br />
Si deux citations 0.5<br />
Si une citation 0.25]<br />
2. Réécrivez les phrases ci-dessous de manière à faire apparaître (grammaticalement) le lien<br />
logique :<br />
· Si vous remettez Albin avec moi, vous verrez comme je travaillerai bien. (= condition) [0.5+0.5]
· Vous pouvez aller et venir tandis que moi je n’ai qu’Albin (= opposition) [0.5+0.5]<br />
3. L’<strong>argum</strong>entation de Claude Gueux vous paraît-elle rigoureuse ? Pourquoi ?<br />
L’<strong>argum</strong>entation n’est pas rigoureuse car il n’y a pas de structure logique. CG en appelle aux<br />
sentiments, il n’organise pas rigoureusement son propos.<br />
[si réponse fausse mais <strong>argum</strong>entée et intéressante 0.5<br />
Si réponse juste mais avec mauvaise <strong>argum</strong>entation 0.5]<br />
II) Un homme désespéré<br />
1. Quel rôle joue la phrase (l.15) « Claude toucha doucement le bras du directeur. » par rapport<br />
au reste du texte ?<br />
La phrase permet d’opposer le très grand calme apparent de Claude Gueux (sa volonté de se<br />
rester calme) à l’intensité de sa colère réelle. On voit que CG se refuse à menacer trop tôt le<br />
directeur. Il tente aussi de l’apitoyer, de créer un contact positif. Dernier moment de douceur,<br />
de discussion avant le déchaînement de la violence ó moment de bascule.<br />
2. « Cette main se leva » (l.21). Quelle est la figure de style dans cette phrase ? Quel effet<br />
produit-elle ?<br />
Métonymie (accepter personnification). Cela rend le crime plus anonyme. Ce n’est pas Claude<br />
Gueux qui tue, c’est sa main. On a l’impression que la main est dotée d’une volonté propre. Effet<br />
mécanique (la réaction négative du directeur entraîne « fatalement » le geste meurtrier).<br />
[0.5 pour avoir nommé la figure de style ; 0.5 pour explication]<br />
3. Transformez cette phrase de manière à supprimer la subordination : « Au moment où il<br />
tombait à la renverse, un quatrième coup lui balafra le visage ».<br />
Il tomba à la renverse et un 4 e coup lui balafra le visage. [si imparfait : 0.5pt]<br />
En tombant à la renverse, il fut balafré d’un 4 e coup.<br />
4. « Cette main se leva, et, avant que le directeur eût pu pousser un cri, trois coups de hache,<br />
[…] lui avaient ouvert le crâne. » A quel temps et à quel mode est employé le verbe de la<br />
subordonnée ? Justifiez cet emploi.<br />
Subjonctif plus que parfait. [0.5 pt]<br />
L’emploi du subjonctif dans la subordonnée met en évidence l’antériorité de l’action de la<br />
principale. 1°) CG donna trois coups de hache 2°) Le directeur poussa trois cris (en fait même<br />
pas puisqu’il est mort). [0.5 pt]<br />
III) Victime ou coupable ?<br />
1. En prenant appui sur le texte, définissez l’attitude du directeur à l’égard de Claude Gueux.<br />
Homme méprisant, hautain, sans cœur : « Le directeur répliqua avec un geste d'impatience » ; «<br />
tu m’ennuies ».<br />
Il est lâche « il doubla le pas », n’assume pas son choix.<br />
Il est inhumain, ignoble en refusant de justifier sa décision et en se contentant d’asseoir sa<br />
‘petite’ autorité : « Je te l'ai déjà dit, répondit le directeur, parce que. ».<br />
2. Pourquoi Hugo présente-t-il un directeur avec un tel caractère ? Quelle phrase permet de<br />
comprendre l’intention de l’auteur ?<br />
· Cela permet de rendre le geste de CG moins criminel, de le justifier dans une certaine mesure.<br />
Le directeur est responsable du crime. Il l’a provoqué par son attitude injuste. Le directeur<br />
n’attire aucune sympathie à l’instar de CG. On est à la limite dans une inversion des rôles : CG<br />
est la victime et le directeur est le criminel.<br />
· La dernière phrase (l.32) ou « une voix qui eût attendri un démon »<br />
[1.5 pt pour l’explication ; 0.5 pt pour la citation
Si faux mais rédigé 0.5 pt]<br />
3. Quelle est la figure de style dans l’expression « une voix qui eût attendri le démon » l.1 ?<br />
Quel effet produit-elle ?<br />
Métaphore [0.5pt]. Jugement négatif sur le directeur qui apparaît ainsi plus dur qu’un démon.<br />
Permet aussi de mettre en évidence la force de persuasion de CG. [0.5pt]<br />
IV) Un récit pour convaincre<br />
1. Combien de « voix » (personnes) expriment une opinion dans cet extrait ? Identifiez chacune<br />
d’elles et donnez à chaque fois une phrase représentative de leur point de vue.<br />
Trois :<br />
- Celle de CG : « Mais au moins que je sache pourquoi je suis condamné à mort ! » ; « je vous en<br />
supplie » etc. [0.5pt]<br />
- Celle du directeur : « Voyons, ne m'en reparle plus. Tu m'ennuies. » [0.5pt]<br />
- Celle de l’auteur : « Lequel des deux était la victime de l'autre ? » [0.5pt]<br />
Réécrivez le passage suivant, en opérant les transformations voulues :<br />
- Passage du discours direct au discours indirect<br />
- Récit au passé composé pour la narration et imparfait pour la description<br />
Après cet effort, épuisé, il a attendu. Le directeur a répliqué avec un geste d'impatience que<br />
c’était impossible et que tout était dit. Il a demandé qu’on ne lui en reparle plus parce que cela<br />
l’ennuyait.<br />
Et, comme il était pressé, il a doublé le pas. Claude aussi. En parlant ainsi, ils étaient arrivés<br />
tous deux près de la porte de sortie ; les quatre-vingts voleurs regardaient et écoutaient,<br />
haletants.<br />
Claude a touché doucement le bras du directeur.<br />
[0.5 pt pour tout type de faute.<br />
Ne compter que 0.5 pour une transposition au DI pas faite ou mal faite.]<br />
Rédaction<br />
Barème :<br />
I) Respect de la mise en situation du récit : 2 points / 1.5 pt (si erreur pénaliser jusqu’à 8<br />
points / 6 points)<br />
Plaidoirie d’un avocat (si le texte est un récit ou autre)<br />
Prendre la défense de CG<br />
Tenter de lui éviter la peine capitale<br />
II) Rappel rapide des faits qui ont entraîné l’inculpation de Claude Gueux conforme au texte<br />
étudié. 3 points / 2.5 pt<br />
III) Stratégies <strong>argum</strong>entatives variées (convaincre par l’organisation des <strong>argum</strong>ents, leur<br />
classement par ordre d’importance, selon leur impact, leur « poids » ; persuader par des<br />
procédés rhétoriques divers, métaphores, questions rhétoriques, rythme ternaire, antithèses<br />
etc.) 8 points / 6 points<br />
IV) Longueur suffisante (environ 25 lignes) 2 points / 1 pt<br />
V) Qualité de la langue (grammaire, orthographe) 5 points / 4 pts