Ville côtière - EPFL
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La baie de Casablanca présente un grand potentiel<br />
comme espace de rencontre entre la ville et l’océan. Il<br />
s’agit de comprendre et d’analyser la nature des relations<br />
changeantes entre ces deux entités, maritime et terrestre,<br />
ainsi que les moyens à travers lesquels elles se rencontrent.<br />
Ainsi, nous pourrons aménager cette frange en osmose<br />
avec le reste de la ville.<br />
Casablanca, ville <strong>côtière</strong>. Vers une contiguïté ville-océan<br />
Flury & le François des Courtis<br />
<strong>Ville</strong> <strong>côtière</strong><br />
Vers une contiguïté ville-océan<br />
Cyril Flury & Pierre le François des Courtis
Professeur responsable de l’Énoncé théorique : Yves Pedrazzini<br />
Directeur pédagogique du Projet de Master : Patrick Mestelan<br />
Maître : Barbara Tirone
Casablanca, ville <strong>côtière</strong><br />
Vers une contiguïté ville-océan.<br />
Cyril Flury & Pierre le François des Courtis<br />
Énoncé théorique de Master - Section d’Architecture<br />
<strong>EPFL</strong> - 2012
CONTIGU (ADJ) :<br />
Qui touche à quelque chose, à un lieu ; qui en est voisin.<br />
Qui est rapproché de quelque chose d’autre par le sens ou le<br />
temps.
Note au lecteur<br />
Le nom des lieux ayant changé au cours du temps, nous tâchons<br />
d’utiliser les noms de l’époque dont on parle avec rappel si<br />
justifié du nom actuel. Ainsi, Casablanca sera alternativement<br />
nommée Anfa puis Dar el Beïda avant de devenir Casablanca.<br />
Les illustrations de cet ouvrage sont annexées en fin de<br />
document, dans la table des illustrations. Les photographies et<br />
schémas non répertoriée sont l’oeuvre des auteurs.<br />
En raison du statut ambigu du Sahara Occidental sur la<br />
scène internationale, il est différencié du reste du pays sur les<br />
illustrations représentant l’ensemble du pays.<br />
L’ensemble des définitions de ce document est sélectionné<br />
parmi celles du TLF, Trésors de la Langue Française, Paris : Éd.<br />
du Centre National de la Recherche Scientifique, 1974.<br />
Un grand nombre d’informations de cet énoncé vient de<br />
l’ouvrage de Jean-Louis Cohen et Monique Eleb : Casablanca,<br />
Mythes et figures d’une aventure urbaine, dans son édition de<br />
1998. Véritable ‘bible’ de Casablanca, il nous a été précieux<br />
dans la rédaction de ce travail.
Sommaire<br />
Préambule<br />
1. Contiguïté ville-océan<br />
2. Contexte<br />
Le monde arabe, le Maroc et la mer<br />
1. Un pays tourné vers l’intérieur des terres<br />
2. Le retournement du pays<br />
Interstice Atlantique-Afrique<br />
1. Origines<br />
2. Planification d’une ville champignon<br />
3. Développement incontrôlé<br />
4. Le retournement de la ville sur la mer<br />
Mitoyen océan-terre<br />
1. Rapport d’utilisation : le port<br />
2. Rapport d’appropriation : promenades, plages<br />
et parcs.<br />
3. Rapport d’observation : percements, axes<br />
pénétrants et mise à distance.<br />
4. Rapport d’échelles : verticalité du front de mer.<br />
Synthèse<br />
Bibliographie<br />
Table des illustrations<br />
p.11<br />
p.12<br />
p.14<br />
p.23<br />
p.25<br />
p.31<br />
p.39<br />
p.41<br />
p.53<br />
p.65<br />
p.69<br />
p.75<br />
p.77<br />
p.83<br />
p.93<br />
p.103<br />
p.113<br />
p.121<br />
p.127<br />
9
PRÉAMBULE<br />
11
CONTIGUÏTÉ VILLE-OCEAN<br />
Au cours du temps, la plupart des villes se sont développées<br />
en rapport à l’eau, que ce soit le long d’une côte (quel meilleur<br />
exemple que le pourtour méditerranéen?), le long d’une rivière<br />
(le Caire, Rome autrefois, New York et New Delhi) ou d’un lac<br />
(Tenochtitlan, un grand nombre de villes suisses). Une lecture<br />
de la carte du monde relève la présence de cités à proximité<br />
d’un plan d’eau. Cependant chacune de ces villes développent<br />
un rapport différent à son cours ou plan d’eau.<br />
Les grandes villes historiques du Maroc forment un cas<br />
particulier puisqu’elles sont dispersées sur l’ensemble du<br />
territoire, ne s’exposant pas sur l’Atlantique sans pour autant<br />
être liées à un cours d’eau. Seules quelques villes se tournent<br />
vers la Méditerranée, Tanger en particulier. L’agglomération<br />
<strong>côtière</strong> (de El-Jadida à Kénitra, incluant Casablanca et Rabat),<br />
au développement plus tardif, est la trace d’une évolution du<br />
rapport qu’a tissé le Maroc avec son environnement.<br />
Notre choix d’étude se porte sur Casablanca, qui alterne<br />
son développement entre ouverture sur l’océan, via son<br />
port notamment, et les moments où elle se développe vers<br />
l’intérieur des terres, s’affranchissant de l’océan. Chacun de<br />
ces retournements modifie la forme urbaine et remodèle la<br />
relation entre la ville et l’océan.<br />
Le dernier retournement s’effectue dans les années 1980, avec<br />
le plan Pinseau (et les SDAU 1 qui suivront). Ce plan prévoit<br />
une extension de la ville le long de la côte en direction de<br />
Mohammedia. L’océan n’est plus seulement vu comme une<br />
immensité hostile ou une source de dangers, ni comme un<br />
lien économique avec le reste du monde (trafic de conteneur,<br />
exportation de phosphate), mais aussi comme une opportunité<br />
de développement touristique et d’amélioration de la qualité<br />
de vie.<br />
Casablanca est un exemple de ville dont le littoral a longtemps<br />
1. Schémas Directeurs d’Aménagement Urbain<br />
12
été exclusivement fonctionnel et qui tend à s’ouvrir plus sur la<br />
mer avec de nouvelles fonctions récréatives. La ville s’inscrit<br />
donc dans un phénomène plus global qui touche d’autres villes<br />
du monde telles que Barcelone, la Havane, Marseille ou Gênes.<br />
Plutôt que l’analyse des quartiers de Casablanca et de l’habitat<br />
traditionnel marocain ou une analyse d’un «brouillon pour<br />
demain» 2 qu’est la ville en raison de l’innovation architecturale<br />
qui y eut lieu, c’est cet aspect changeant et régulièrement remis<br />
en question au cours du temps de la relation de Casablanca<br />
avec son front de mer qui motive ce travail.<br />
Malgré sa proximité exceptionnelle avec l’eau, on observe une<br />
alternance de lieux qui prennent plus ou moins leur distance<br />
avec l’océan sur ce mitoyen qu’est le front de mer. Il entraîne<br />
différents rapports entre la ville et son océan. Le port en premier<br />
lieu, s’étale longitudinalement le long de la côte, coupant toute<br />
une frange de la ville à l’océan qui devient outil. Toute une série<br />
d’équipements que sont les plages, les transports publics et<br />
les promenades permettent plus ou moins l’appropriation du<br />
front de mer par les casablancais. De même, le développement<br />
urbain de la ville induit une alternance d’ouverture et de mise<br />
à distance de l’océan, à la fois dans le temps et dans l’espace.<br />
Enfin, le front de mer alterne verticalité et horizontalité, se<br />
forgeant une échelle propre, qui participe à l’image de la<br />
ville. Ces différents rapports d’utilisation, d’appropriation,<br />
d’observation et d’échelle devront être pris en compte pour<br />
produire un projet sur le site de la baie de El Hank.<br />
La raison première de ce travail est le grand potentiel que la<br />
baie de Casablanca présente en tant qu’espace de rencontre<br />
entre la ville et l’océan. Il s’agit de comprendre et d’analyser la<br />
nature des relations changeantes entre ces deux entités, ainsi<br />
que les moyens à travers lesquels elles communiquent. Ainsi,<br />
nous pourrons aménager cette frange en osmose avec le reste<br />
de la ville. Cet énoncé permettra de produire un projet qui sera<br />
basé sur les résultats de cette étude.<br />
2. G. Bertrand, « Casablanca d’hier et d’aujourd’hui; I. Un brouillon pour demain », La<br />
France indépendante, 5 août 1950<br />
13
MAROC<br />
Monarchie constitutionnelle<br />
31 514 000 habitants (HCP 2004)<br />
70 hab/km² (44 hab/km² avec S. Occidental)<br />
PIB : 91,4 Milliards de $US (DEPF 2010)<br />
14
0 100km<br />
RÉGION DU GRAND CASABLANCA<br />
33° 34’ 42’’ Nord<br />
7° 36’ 24’’ Ouest<br />
16
0 5km<br />
>200 m<br />
175
RÉGION DU GRAND CASABLANCA<br />
3 783 000 habitants (HCP 2009)<br />
2342 hab/km²<br />
PIB : 17,4 Milliards de $US (env 19% du PIB Nat.)(DEPF 2010)<br />
18<br />
PROVINCE DE<br />
NOUACEUR<br />
PREFECTURE DE<br />
CASABLANCA<br />
PROV<br />
MED
PROVINCE DE<br />
MEDIOUNA<br />
PREFECTURE DE<br />
MOHAMMEDIA<br />
COMMUNE DE<br />
EL MANSORIA<br />
0 5km<br />
19
CASABLANCA<br />
20
LE MONDE ARABE,<br />
LE MAROC<br />
ET LA MER<br />
« Le Maroc est un arbre dont les racines sont profondément<br />
ancrées en Afrique et dont les feuillages sont en Europe. »<br />
S.M. Hassan II<br />
23
UN PAYS TOURNÉ VERS L’INTÉRIEUR DES TERRES<br />
« L’attrait, entre autres, des richesses provenant<br />
du commerce du Sud (le Sahara) vers le Nord<br />
(l’Occident) va attirer les convoitises de diverses<br />
tribus avec pour ville carrefour Marrakech (la porte<br />
du désert) qui deviendra naturellement la capitale de<br />
diverses dynasties, en particulier celles venant du Sud<br />
(Almoravides, Almohades, Saadiens) ; c’est la raison<br />
pour laquelle, toute l’histoire du Maroc (des Idrissides<br />
aux Alaouites) fut marquée par le commerce des<br />
richesses du Sud vers le Nord. L’histoire et l’origine du<br />
Maroc furent, sont et seront marquées par le lien avec le<br />
Sahara »<br />
Bernard Lugan 3<br />
On observe sur la série de cartes, que depuis 2000 ans<br />
les capitales se situent, à l’exception de Rabat et Tanger,<br />
exclusivement à l’intérieur des terres plutôt que sur le côte,<br />
que ce soit atlantique ou méditerranéenne. Non seulement les<br />
capitales ne sont pas <strong>côtière</strong>s, mais jusqu’à l’époque récente,<br />
peu de villes majeures le sont. Plusieurs facteurs ont influencé<br />
cet état de fait, qu’ils soient géographiques, sociologiques ou<br />
économiques.<br />
En premier lieu, l’Atlantique n’est pas la Méditerranée : pendant<br />
de longues années, il marque la fin des terres connues alors<br />
que la mer Méditerranée est une voie commerciale importante.<br />
« La Méditerranée, cette mer si connue, traversée de<br />
tous les sens possibles par une infinité de navigateurs »<br />
Fontenelle, Eloge de M. Delisle<br />
3. Encyclopédie Universalis : les Almoravides<br />
25
Extension maximale des principaux empires marocains<br />
- Maurétanie Tingitane : Tingis (Tanger)<br />
- Empire Idrisside (789 - 985) : Walili (Volubilis) puis Fès.<br />
- Empire Almoravide : Aghmat (1040 - 1062) puis Marrakech<br />
(1062 - 1147)<br />
- Empire Almohades (1147 - 1269) : Marrakech, Séville, Rabat<br />
26
- Empire Mérinide (1244 - 1465) : Fès<br />
- Empire Saadien (1554 - 1660) : Marrakech<br />
- Empire Alaouite : Sijilmassa (1631 - 1672) puis Meknès<br />
(1672 - 1912)<br />
- Protectorat français : Rabat (1912 - 1956)<br />
27
On observe ainsi tout de même un certain développement des<br />
villes sur la côte méditerranéenne que ce soit au Maroc (Tanger,<br />
Ceuta) ou dans le reste du Maghreb (Alger, Tunis)<br />
Autre facteur important ayant conduit au développement des<br />
villes à l’intérieur des terres plutôt que sur la côte, l’absence<br />
relative de culture maritime des bédouins et des arabes<br />
même s’ils ont développé l’art de la navigation au profit de<br />
leur caravanes traversant ‘l’océan désertique’ (observation<br />
des astres, phares dans le désert au Yémen). Ces caravanes<br />
ont ainsi pu parcourir le monde et les marchands arabes sont<br />
devenus maîtres dans l’art du commerce transcontinental.<br />
Faisant office de charnière entre l’Afrique et l’Europe, les<br />
différents royaumes marocains tendent à s’étirer jusqu’à l’actuel<br />
Mali au sud, contrôlant ainsi les mines d’or et le sel dont ils vont<br />
faire le commerce avec les pays du pourtour méditerranéen.<br />
A l’époque de l’expansion romaine, le Maghreb est peuplé<br />
de berbères nomades organisés en tribus. Le royaume de<br />
Maurétanie Tingitane, vassal puis province de Rome, forme la<br />
première organisation étatique sédentaire de l’actuel territoire<br />
du Maroc. Celle-ci a pour capitale Tanger, important comptoir<br />
commercial. Vers 685 débute la conquête arabe du Maroc qui<br />
s’ensuivit par le conversion de l’essentiel de la population,<br />
encore peu christianisée. Le littoral atlantique marquera la fin<br />
occidentale de l’expansion de l’Islam.<br />
28<br />
« Grand Dieu ! si je n’étais point arrêté par cette mer<br />
j’irais jusqu’aux royaumes inconnus de l’occident<br />
; prêchant sur ma route l’unité de ton saint nom, et<br />
passant au fil de l’épée les nations rebelles qui adorent<br />
d’autres dieux que toi»<br />
Oqba Ibn Naafi 4<br />
4. E. Gibbon, Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain, 10e<br />
Volume, Chapitre LI, Paris : Ledentu Libraire, 1828
Il s’ensuivra une succession de royaumes, généralement<br />
d’origines berbère. Ceux-ci se développeront selon un schéma<br />
répétitif décrit par Ibn Khaldoun au XIV ème siècle 5. Un tribu<br />
berbère (islamisée) d’origine rurale va profiter de la faiblesse<br />
temporaire du dirigeant en place pour prendre le pouvoir. La<br />
deuxième génération, adoptant la culture de l’élite urbaine,<br />
remplit les coffres royaux et développe les grandes villes<br />
(principalement Marrakech et Fès, en alternance) avant que la<br />
troisième génération, grisée par le pouvoir ne soit renversée<br />
par un nouveau chef d’origine rurale et à la culture plus austère.<br />
L’origine berbère des royaumes entraîne un développement de<br />
ceux-ci vers l’intérieur des terres, en lien avec le développement<br />
du commerce transsaharien. Les quelques villes qui se<br />
développent le long de la côte sont pour la plupart des repères<br />
de pirates (en Atlantique) ou des comptoirs vers l’Europe (tel<br />
Tanger, sur la côte Méditerranéenne).<br />
A partir du XVI ème siècle, la plupart des villes <strong>côtière</strong>s sont<br />
contrôlées par les espagnols ou les portugais, comme en<br />
témoignent encore aujourd’hui les enclaves de Ceuta et Melilla.<br />
L’arrivée de plus en plus massive d’européens au XIX ème siècle,<br />
marque le début du retournement du pays vers sa côte.<br />
5. Ibn Khaldoun (trad. William Mac Guckin de Slane), Histoire des Berbères et des<br />
dynasties musulmanes de l’Afrique septentrionale, vol. II, Alger : Imprimerie du Gouvernement,<br />
1854<br />
29
LE RETOURNEMENT DU PAYS<br />
« le Maroc puissance continentale se retrouve être une<br />
puissance maritime »<br />
Bernard Lugan 6<br />
La mégapole <strong>côtière</strong> (de El-Jadida à Kénitra, incluant<br />
Casablanca et Rabat), au développement plus tardif, est la<br />
trace d’une évolution du rapport que porte le Maroc avec son<br />
environnement maritime. La côte Atlantique, en particulier<br />
Casablanca, ne s’est développée qu’avec l’arrivée des<br />
occidentaux d’abord espagnols, portugais et allemands, puis<br />
français. Ceux-ci, profitant de la faiblesse du pouvoir marocain<br />
en place, y voyaient l’opportunité de développer leur influence,<br />
et espéraient y découvrir des hydrocarbures (dont le Maroc est<br />
en fait quasiment dépourvu, contrairement aux autres pays du<br />
Maghreb). Casablanca se retrouvera finalement au coeur du<br />
‘Maroc utile’, cette partie du pays dont le protectorat français<br />
considéra qu’il possédait un fort potentiel économique : surtout<br />
agricole surtout mais aussi minier (phosphate) et maritime. La<br />
mer est alors avant tout un moyen d’importer ces matières<br />
premières en métropole, ainsi que d’écouler les produits<br />
manufacturés.<br />
On observe depuis lors un développement exponentiel de la<br />
population <strong>côtière</strong> avec l’arrivée massive de colons voulant faire<br />
fortune dans cet eldorado africain 7 ainsi que de la migration<br />
de populations rurales à la recherche d’emploi vers cette côte<br />
à forte croissance économique. Le développement des villes<br />
de Rabat (désignée capitale politique du protectorat puis du<br />
Royaume du Maroc) et de Casablanca (désignée capitales<br />
économique par Lyautey) s’accompagnera par ailleurs d’une<br />
migration des élites politiques et financières vers ces deux<br />
villes.<br />
6. B. Lugan, Histoire du Maroc, des origines à nos jours, Paris : Ed. Perrin, 2000<br />
7. « Un eldorado nommé Casablanca ». VH magazine n°103, Novembre 2011, p42<br />
31
(000h)<br />
10’000<br />
5’000<br />
3’000<br />
2’000<br />
1’000<br />
Évolution démographique :<br />
Les villes historiques<br />
500<br />
200<br />
100<br />
50<br />
20<br />
10<br />
5<br />
2<br />
1<br />
32<br />
PROTECTORAT<br />
INDÉPENDANCE<br />
1900<br />
21 26 31 36 52 60 71 82 94 2010<br />
Echelle Semi-logarithmique<br />
FES<br />
MARRAKECH<br />
MEKNES<br />
OUJDA<br />
TETOUAN
(000h)<br />
10’000<br />
5’000<br />
3’000<br />
2’000<br />
1’000<br />
500<br />
200<br />
100<br />
50<br />
20<br />
10<br />
Évolution démographique :<br />
Les villes modernes<br />
5<br />
2<br />
1<br />
PROTECTORAT<br />
INDÉPENDANCE<br />
1900<br />
21 26 31 36 52 60 71 82 94 2010<br />
Echelle Semi-logarithmique<br />
CASABLANCA<br />
RABAT- SALE<br />
TANGER<br />
AGADIR<br />
KENITRA<br />
SAFI<br />
33
Cimetière de Rabat<br />
Plage d’Anfa<br />
34
Aujourd’hui encore, le développement économique du pays<br />
se fait principalement le long du littoral avec, par exemple, la<br />
construction d’une ligne de TGV entre Casablanca et Tanger.<br />
Cette dernière fait par ailleurs partie du plan de décentralisation<br />
de l’économie marocaine lancé par le roi Mohammed VI avec la<br />
construction d’un nouveau port de conteneur et l’implantation<br />
d’entreprises européennes (usine Renault) 8. Le choix de Tanger<br />
dans cette politique de développement du pays montre à quel<br />
point le pays est aujourd’hui dans sa politique économique<br />
résolument tourné vers l’Europe et les Etats-Unis, pays avec<br />
lesquels le Maroc a ratifié des accords de libre échange.<br />
« Si, des siècles durant, le Maroc n’a connu qu’une<br />
évolution démographique lente, avec un peuplement<br />
dont l’évolution a été irrégulière, l’essentiel de la<br />
configuration actuelle s’est forgée au cours du XX ème<br />
siècle, sous les effets conjugués de facteurs proprement<br />
démographiques, mais aussi politiques, économiques et<br />
culturels. »<br />
Abdallah Berrada 9<br />
Cette situation, où l’essentiel de la population se retrouve à<br />
vivre le long de la côte, n’est pas isolée dans le monde : 40%<br />
de la population du monde vit à moins de 60 kilomètres des<br />
côtes 10 et l’on observe de nombreux pays qui, dans le cadre de<br />
leur ouverture sur le monde, tendent à se retourner vers la mer.<br />
Quel meilleur exemple que la Chine dont 43% de la population<br />
et 62% du PIB se situent sur une frange <strong>côtière</strong> ne représentant<br />
que 14% de la superficie du pays? 11<br />
8. Où en sont les projets structurants? TangerMed et Renault boostent le Nord, L’économiste<br />
n°3532, 18 mai 2011<br />
9. A. Berrada, Le peuplement du Maroc, Répartition de la population, urbanisation et<br />
migration, HCP 1998<br />
10. A. Olivier, Homme et littoral : les relations houleuses<br />
11. A. Nicolas, Chine - Les disparités régionales de l’espace chinois, 25 septembre<br />
2008, lecartographe.net<br />
35
DENSITÉ DE POPULATION, 2004<br />
36<br />
0,6<br />
AGADIR<br />
0,3<br />
SAFI<br />
1<br />
C<br />
MARRAKE
1<br />
MARRAKECH<br />
CASABLANCA<br />
3,5<br />
RABAT-SALÉ<br />
2<br />
0,4<br />
KENITRA<br />
0,9<br />
TANGER 0,3<br />
TETOUAN<br />
0,6<br />
MEKNES<br />
1<br />
FES<br />
VILLES MODERNES<br />
VILLES HISTORIQUES<br />
0 100km<br />
0,5<br />
OUJDA<br />
INTERSTICE<br />
ATLANTIQUE-<br />
AFRIQUE<br />
INTERSTICE (SUBST. MASC.) :<br />
Mince espace qui sépare deux choses.<br />
ANAT. Petit intervalle entre différentes parties organiques.<br />
VIEILLI. Espace de temps.<br />
AU FIG. Intervalle, hiatus<br />
39
ORIGINES<br />
« Une ville est plus qu’un lieu dans l’espace : c’est un<br />
drame dans le temps »<br />
Patrick Geddes 12<br />
Fondée par des berbères au XI ème siècle, il n’est cependant pas<br />
très clair si, Anfa fut précédée par une précédente implantation<br />
romaine ou phénicienne. Cependant, la ville prend rapidement<br />
une certaine importance en raison du grand nombre de navires<br />
européens navigant le long de la côte Atlantique. Au XV ème<br />
siècle, les ports de la côte marocaine servaient de repère à<br />
des corsaires navigant jusqu’au Nord de l’Europe poussant les<br />
espagnols et les portugais à attaquer les ports. Aux environs de<br />
1470, Don Fernando, débarque avec cinquante vaisseaux pour<br />
punir la pratique de la guerre de course, rasant les murailles et<br />
occupant la ville. Il faudra attendre 1515 pour que les portugais<br />
soient définitivement repoussés. Dans son livre Description de<br />
l’Afrique, Léon l’Africain décrit la ville avant sa destruction :<br />
« Elle était très policée et très prospère parce que son<br />
territoire était excellent pour toutes sortes de céréales.<br />
Elles présente en vérité le plus beau site de toute<br />
l’Afrique : elle est entourée de tous côtés, sauf au nord,<br />
au bord de la mer, d’une plaine d’environ 80 milles. A<br />
l’intérieur d’Anfa, nombreux étaient les temples, les très<br />
belles boutiques, les palais, ainsi qu’on peut le voir et<br />
s’en rendre compte d’après les restes que l’on trouve. »<br />
Léon l’Africain 13<br />
Plus tard la ville est décrite par des néerlandais s’y ravitaillant<br />
comme une ville réduite à un spectre. (cf Vue des ruines d’Anfa,<br />
p48) Elle prend le nom de Dar el Beïda. 14<br />
12. P. Geddes, Civics as Applied Sociology, 1904, cité par J-L Cohen et M. Eleb dans<br />
Casablanca, Mythes et figures d’une aventure urbaine, Paris : Ed. Hazan, 1998, p.9<br />
13. cité par J-L Cohen et M. Eleb (1998), id, p.18<br />
14. maison blanche en arabe<br />
41
Alors que Casablanca n’est plus qu’une petite bourgade,<br />
le sultan alaouite Sidi Mohamed Ben Abdallah décide de<br />
restaurer les murailles en 1786. Elles permettront de répondre<br />
à la nécessité de protéger un point d’incursions entre Mazagan<br />
(aujourd’hui El Jadida) et Rabat. Le sultan voit déjà très tôt<br />
une opportunité commerciale au développement du port afin<br />
d’exporter les richesses de l’arrière pays. Il décida même<br />
d’autoriser les chrétiens à charger du grain dans son port,<br />
allant même jusqu’à en donner le monopole aux espagnols,<br />
qui traduiront le nom de la ville en Casablanca, terme reprit<br />
plus tard par les français. 15<br />
Le port devient l’élément clé du développement de la ville, qui<br />
se construit avec et pour lui, lui permettant de réintégrer les<br />
circuits économiques de l’Atlantique. La morphologie de la côte<br />
n’est pas étrangère à l’attrait du port de Casablanca. En effet,<br />
la baie de la ville peut naturellement accueillir des vaisseaux<br />
considérables, sauf sous le vent du nord-ouest. Cependant<br />
en 1834, Dar el Baïda est toujours considérée comme : « une<br />
médiocre ville emmurée avec une baie spacieuse et un petit<br />
port point trop sûr. » 16<br />
Avec l’essor commercial de la ville, les Européens commencent<br />
à s’y installer et la ville atteint un millier d’habitants en 1800.<br />
L’Europe manquant de matières premières, les exportations<br />
continuent de croître et une douane permanente y est même<br />
installée. Au milieu du XIX ème siècle, sous la prédominance des<br />
français, le grain produit dans les plaines fertiles autour de la<br />
ville est à son tour exporté. A la même époque, l’apparition des<br />
bateaux à vapeur intensifie les échanges. Afin de rentabiliser<br />
les coûts de transport, les navires ne viennent pas à sec et<br />
écoulent leurs marchandises manufacturées dans la ville.<br />
L’augmentation des marges des compagnies conduit à<br />
15. A. Bounhar, Anfa, Dar el Beïda, Casablanca, trois noms d’une seule ville, Casablanca<br />
: La Croisée des Chemins, 2010, p.20<br />
16. Jacopo Graberg di hemsö, Specchio geografico e statistico dell’impero di<br />
Marocco, Gênes, Imp. Pellas, 1834, p.53, cité par J-L Cohen et M. Eleb (1998) p.19<br />
42
l’acquisition de bureaux à Casablanca et certaines compagnies<br />
achètent même des terrains ruraux. L’essor de la ville se fait<br />
aussi au détriment de Rabat, Casablanca captant son trafic<br />
portuaire. Elle devient le point névralgique des exportations de<br />
matériaux et de denrées venues de l’intérieur des terres vers le<br />
reste du monde. Le port devient un collecteur et un distributeur<br />
de marchandises, plus qu’un simple lieu de transit, entraînant<br />
un processus de centralisation des échanges à Casablanca.<br />
On observe la concentration dans la ville des vice-consulats<br />
européens auparavant repartis sur tout le territoire marocain.<br />
En lien avec la demande toujours croissante de main d’oeuvre<br />
pour le port, la ville multiplie sa population par huit en moins<br />
d’un siècle, atteignant 8’000 habitant en 1866. 17 Par contre, sa<br />
structure ne change que très lentement. Les habitants n’ont pas<br />
le temps de construire leur maison en dur, que de nouveaux<br />
arrivants en prennent possession. Des décombres s’entassent<br />
derrière les remparts, signe d’une frénésie de la construction<br />
qui n’arrive pourtant pas à suivre la croissance démographique.<br />
Quand ils ne s’entassent pas intramuros, les citoyens habitent<br />
hors des murs, dans des cabanes ou des abris de fortune. Cet<br />
habitat précaire se constitue généralement de toiles tissés de<br />
poils de chèvre et de laine ou de structures à toiture de chaume<br />
avec des murs en roseaux crépis de glaise ou de chaux. Ce<br />
mélange de constructions sommaires est à l’origine du mot<br />
bidonville. On est encore bien loin de la constante actuelle de<br />
l’immeuble en poteaux-dalles avec un remplissage en brique.<br />
L’essor de la ville est facilité par un régime de protection octroyé<br />
par les puissances étrangères à un certain nombre de citoyens<br />
marocains. Ce système permet d’obtenir une clientèle loyale<br />
à chaque État protecteur. La convention hispano-marocaine<br />
signée en 1861 permettant de soustraire ses bénéficiaires aux<br />
pressions du Makhzen 18.<br />
17. A. Bounhar (2010), op. cit, p.23<br />
18. Ensemble de l’administration du Maroc. Pendant le protectorat : administration du<br />
43
CASABLANCA, 1900<br />
44
45
La croissance de la ville est interrompue en 1879 par des<br />
épidémies de choléra et par les fièvres, certainement dûes<br />
à une trop forte densité de population et à un manque<br />
d’infrastructure d’hygiène à l’intérieur de la ville. En effet<br />
Casablanca reste très compacte se contenant intramuros. Elle<br />
semble être une masse accrochée aux rochers du littoral. Toute<br />
la population (musulmans, européens, juifs) partage cinquante<br />
hectares de terrain. Moulay Hassan construira pourtant une<br />
nouvelle enceinte destinée aux européens mais ceux-ci ne<br />
voudront pas si installer invoquant une distance trop élevée<br />
entre leur potentiel habitat et leur centre d’activité situé au port.<br />
Certains ne considèrent alors pas Casablanca comme une ville<br />
contrairement à Rabat, Tétouan ou Fès, mais plutôt comme un<br />
comptoir sur la route de Marrakech. L’importance de la ville<br />
provient essentiellement de sa situation géographique et de<br />
son essor économique grâce au commerce avec l’Europe.<br />
Casablanca reste ainsi derrière Tanger de part le nombre<br />
d’européens. Parmi eux, les français auparavant fortement<br />
représentés, ne forment plus la population majoritaire. Ils<br />
rentrent en concurrence avec les allemands et la population<br />
espagnole qui finit même par leur ravir la palme de la population<br />
la plus nombreuse en 1907.<br />
Le développement de la ville est finalement freiné par son<br />
manque d’infrastructures portuaires. Ce qui était le moteur<br />
de la cité devient son frein. A la fin du XIX ème siècle Gerhard<br />
Rohlfs s’en étonne et allant jusqu’à dire que «c’est un miracle<br />
que la ville ne soit pas plus développée vu la richesse de son<br />
hinterland» 19. Casablanca se révèle en effet plutôt accueillante<br />
lorsque on l’aborde depuis la plaine qui entoure la ville.<br />
Sultan.<br />
19. G. Rohlfs, «Casablanca und der Deutsche Neumann», Deutsche Rundschau für<br />
Geographie und Statistik, vol.17, n°4, novembre 1895, cité par J-L Cohen et M. Eleb<br />
dans Casablanca, p.22<br />
46
« Si Casablanca a une mine plutôt rébarbative et<br />
farouche, elle se présente au contraire sous un aspect<br />
des plus riants aux voyageurs venant de l’intérieur.<br />
Entourée d’une ceinture de jardins aux épaisses<br />
frondaisons d’où s’élancent les silhouettes gracieuses<br />
de quelques palmiers, ses murs crénelés, ses terrasses<br />
plates, ses minarets blanchis à la chaux, éblouissants<br />
sous le soleil africain, se détachent du bleu sombre de<br />
la rade, où gisent des bateaux aux gros corps noirs et<br />
rouges et se balancent des voiliers aux formes sveltes et<br />
élégantes. »<br />
Dr. Félix Weisgerber, 20<br />
Cette vision contraste l’image précédemment relayée par les<br />
précédents observateurs, qui décrivent généralement la ville<br />
depuis la mer, tel Bourdon, au lendemain du débarquement<br />
français, qui décrit son arrivée comme suit :<br />
« Derrière moi était la baie semi-circulaire, lumineuse<br />
et bleue, où fumaient trente navires à l’ancre; à ma<br />
droite, la darse où j’avais atterri; à ma gauche, les piles<br />
formidables de ballots et de caisses que dominaient<br />
les charpentes métalliques d’un dock gigantesque, et,<br />
barrant l’horizon à mon regard éperdu, les remparts de<br />
Casablanca - des murailles de cité féodale, en pisé et<br />
moellons, hautes de trente pieds, rousses et fauves,<br />
percés de meurtrières et de créneaux, et d’où jaillissait<br />
un entassement chaotique de cubes d’une blancheur<br />
éclatante ou d’un outremer insoutenable, maisons des<br />
premiers occupants du sol, arabes ou juifs.»<br />
Emile Nolly, 1915 21<br />
20. Dr. Félix Weisgerber, Trois mois de campagnes au Maroc, étude géographique de<br />
la région parcourue, Paris, Ernest Leroux; 1904, p.21, cité par J-L Cohen et M. Eleb<br />
(1998) p.24<br />
21. E. Nolly, Le conquérant, cité par J-L Cohen et M. Eleb (1998), p.31<br />
47
“UNE MÉDIOCRE VILLE EMMURÉE AVEC<br />
UNE BAIE SPACIEUSE ET UN PETIT PORT<br />
POINT TROP SÛR.”<br />
48
“ENTOURÉE D’UNE CEINTURE DE JARDINS AUX<br />
ÉPAISSES FRONDAISONS D’OÙ S’ÉLANCENT<br />
LES SILHOUETTES GRACIEUSES DE QUELQUES<br />
PALMIERS, SES MURS CRÉNELÉS, SES TER-<br />
RASSES PLATES, SES MINARETS BLANCHIS À<br />
LA CHAUX, ÉBLOUISSANTS SOUS LE SOLEIL<br />
AFRICAIN, SE DÉTACHENT DU BLEU SOMBRE<br />
DE LA RADE.”<br />
49
La ville contenue dans ses murs ne possède alors que quatre<br />
portes et avec l’augmentation du flux de marchandises, son<br />
accès reste constamment obstrué par les surplus des entrepôts.<br />
Lors des moissons, la ville regorge de produits agricoles.<br />
Le port et son accès doivent être repensés afin de juguler<br />
les problèmes d’accès. L’étude commence avec J. Renaud<br />
en 1905 et les travaux en 1907, supervisés par la France, qui<br />
va conclure un accord avec le Maroc : elle n’obtient pas le<br />
Protectorat mais l’accord stipule explicitement la création d’un<br />
port à Casablanca, où un contrôleur français sera chargé de<br />
collecter des ressources mises en gage pour construire le port.<br />
50<br />
« Ses communications faciles avec les capitales de<br />
Marrakech et de Fès, la richesse agricole de son<br />
hinterland, enfin l’avantage qu’elle possédera bientôt<br />
de disposer seule d’un véritable port sur l’Atlantique en<br />
font la tête de ligne nécessaire du premier chemin de fer<br />
de pénétration. Son commerce, déjà considérable, est<br />
appelé à prendre d’énormes proportion. »<br />
Général d’Amade 22<br />
En parallèle à la construction des infrastructures portuaires,<br />
un chemin de fer s’étire des carrières d’Aïn Mazi aux jetées<br />
en construction afin d’alimenter le chantier en matériaux. Le<br />
chemin de fer passe par un cimetière musulman, provoquant<br />
la colère de ceux-ci. Le conflit va jusqu’à l’assassinat de<br />
conducteurs de locomotive. 23 Ce cimetière reste le principal<br />
obstacle au développement de Casablanca ainsi qu’une<br />
barrière entre ville et mer. Les cas de cimetières en bord de mer<br />
sont courant comme à Rabat et à Salé. (cf photo du cimetière<br />
de Rabat, p.34) Les heurts liés au chemin de fer conduiront à<br />
l’intervention de l’armée française.<br />
22. Général d’Amade, campagne de 1908-1909 en Chaouïa, Paris : Libr. militaire R.<br />
Chapelot, 1911, p.380, cité par J-L Cohen et M. Eleb (1998),<br />
23. J-L Cohen et M. Eleb (1998), op. cit, p33
PLANIFICATION D’UNE VILLE CHAMPIGNON<br />
« De tous côtés, de grands lotissements s’étaient créées,<br />
chacun indiquant un centre possible à la ville nouvelle<br />
et cela en un nombre considérable d’endroits très<br />
différents les uns de sautres. [...] En présence de ces<br />
efforts aussi méritoires que désordonnés, il était bien<br />
difficile de définir quelle ville pouvait former la réunion de<br />
tant d’intérêts divergents. »<br />
Henri Prost, 1917 24<br />
Les marins du Gallilé débarquent en 1907 et installent un<br />
mécanisme de pressions aboutissant au protectorat en 1912. 25<br />
Un important afflux d’immigrants venus de la métropole fait<br />
suite à la prise de la ville. Les journaux relayant l’information<br />
d’un nouveau monde à coloniser à Casablanca et au Maroc fait<br />
rapidement connaître Casablanca auprès de tous les français.<br />
Les français mettent alors en place un réseau d’équipements<br />
militaires afin de se protéger des tribus alentours et renforcent<br />
ainsi leur position au Maroc. La question foncière émerge dans<br />
une ville en pleine expansion qui n’a ni budget, ni recette. Une<br />
grande partie des terrains appartiennent encore au sultan. Ils<br />
finissent néanmoins par être dilapidés par la corruption et le<br />
chaos, chacun cherchant à obtenir sa part du butin. Afin de<br />
remettre de l’ordre Amade se fixe comme priorité de régler<br />
définitivement les droits à la propriété, allant même jusqu’à<br />
conseiller aux français ayant les moyens financier, d’acheter<br />
des terrains en milieu suburbain ainsi qu’au long des voies de<br />
chemin de fer, et d’attendre les plus-values. Il décide d’acquérir<br />
les terrains des camps afin d’avoir une réserve foncière<br />
échappant à la spéculation et pouvant être alloué, à terme, au<br />
domaine public. Ces camps subsisteront, pour certains, jusqu’à<br />
l’indépendance. Ils sont principalement situés à l’intérieur des<br />
24. H. Prost, «Le plan de Casablanca», France-Maroc, 15 août 1917, cité par J-L<br />
Cohen et M. Eleb (1998), op. cit, p.75<br />
25. J-L Cohen et M. Eleb (1998), op. cit, p.17<br />
53
CASABLANCA, 1912<br />
54
55
terres, en périphérie de Casablanca, et l’un d’eux occupait le<br />
site de l’actuelle place administrative. Leur position est due au<br />
fait que les attaques viennent de la terre, et non de la mer, et<br />
ceci influencera donc fortement le développement de la ville.<br />
L’armée, sous l’impulsion du général Moinier qui remplace<br />
Amade en 1909, s’engage dans une politique de colonisation<br />
des terres agricoles (colonisation en profondeur et non le long<br />
du rivage) et recueille des données pour établir un cadastre.<br />
Le capitaine Dessigny, nommé en 1908 à la tête des services<br />
urbains, poursuit le travail d’assainissement des militaires.<br />
Leur rôle, qui correspondait à celui de policier, se transforme<br />
en celui de chef de chantier : ils gèrent l’hygiène afin d’éviter<br />
d’autres épidémies, ils désengorgent les voies d’accès au port<br />
et créent des dégagements à travers les remparts. Un premier<br />
jardin public de deux hectares voit le jour entre la côte et la<br />
médina 26. L’espace public se voit augmenté de marchés et un<br />
abattoir permet de concentrer les déchets carnés à l’intérieur<br />
de la ville. Finalement un budget municipal est mis en place<br />
afin de pouvoir rattraper le manque d’infrastructures.<br />
Dans le prolongement des pressions sur le Makhzen, jugé<br />
incapable de gérer la situation, l’accord franco-allemand<br />
du 4 novembre 1911 donne le champ libre à la France pour<br />
contrôler le premier port marchand du Maroc, puis le pays<br />
dans son ensemble 27 dès 1912, avec le début du protectorat.<br />
La ville déborde alors déjà hors des murs, et ce depuis 1910.<br />
Les commerces de la médina se retournent et s’ouvrent sur<br />
la rue, alors qu’ils étaient auparavant cantonnés à l’intérieur<br />
des cours. Avec le changement de la morphologie du bâti, la<br />
vie se transpose dans la rue, qui est assainie. Les bâtiments<br />
neufs poussent à une vitesse effrénée hors des murs et les<br />
26. «<strong>Ville</strong>» en arabe, <strong>Ville</strong> indigène ancienne dans les agglomérations d’Afrique du<br />
Nord.<br />
27. À l’exception du Maroc espagnol (régions du Rif et de Yebala) et du Sahara Espagnol<br />
(région de Tarfaya et actuel Sahara-Occidental)<br />
56
fermes mutent en habitations suburbaines. La place de France<br />
(actuelle place des Nations-Unies) devient l’articulation entre la<br />
ville nouvelle et la médina. La tour de l’horloge y trône fièrement,<br />
montrant à tous l’heure locale dans un univers où chacun vivait<br />
selon son fuseau. Des lotissements se construise le long du<br />
rivage à l’Est du port sur le site des Roches-Noirs.<br />
En 1911, la gare ancre définitivement Casablanca dans le<br />
réseau de chemin de fer marocain. Le premier tronçon relie<br />
Casablanca à Rabat. La gare se situe sur un terrain le long<br />
de la plage près du coeur de la ville qu’est le port. Par le<br />
développement combiné du port et de la ville, Casablanca<br />
devient la porte d’entrée du nouveau Maroc. Elle est plus<br />
qu’un lieu de transit, et les capitaux ainsi que les populations<br />
commencent à s’y fixer. Les constructions se développent<br />
initialement en doigts, le long des voies radiales mais il est<br />
déjà difficile de contenir l’emprise du bâti sur la rue. Ainsi, le<br />
passage longeant la médina et le cimetière de Sidi Belyoût, est<br />
désormais à un goulet d’étranglement. Cet axe reliant la ville à<br />
son port et les camps militaires façonnent la ville. En effet, les<br />
premiers quartiers européens se groupent autour des terrains<br />
militaires qui offrent un semblant de sécurité mais forment<br />
des espaces hermétiques dans la ville. Ceux-ci font donc à<br />
la fois office d’obstacle et de pôle de développement. Plus à<br />
l’extérieur, le développement est essentiellement agricole.<br />
«Les affaires se traitaient sur la terrasse du «roi de la<br />
bière». Casablanca était devenue un tripot. Les courtiers,<br />
un plan dans leur poche, proposaient d’une table à<br />
l’autre les parcelles à vendre et l’on vit dans la même<br />
journée atteindre des sensationnelles surenchères.<br />
Place Edmond-Doutté, rue Lassalle, les terrains qui, en<br />
1910, ne trouvaient pas encore preneurs à 2 F. le mètre<br />
s’arrachaient entre 20 et 30.»<br />
Christian Houel, 1954 28<br />
28. C. Houel, Mes aventures marocaines, Casablanca, Editions Maroc-Demain, 1954,<br />
57
Lyautey est nommé en 1912 résident général de France. Il<br />
hérite d’une agglomération dont le développement est déjà<br />
amplement lancé. Il ne s’agira pas d’une création urbaine<br />
mais d’un encadrement de l’extension. En effet, depuis 1907<br />
l’occupation des sols se fait sans aucun contrôle. La spéculation<br />
est très vite devenue une branche importante de l’économie<br />
nouvelle. La place publique de la ville est le café du commerce<br />
où s’échangent les parcelles.<br />
Le plan d’extension de Tardif (1912) marque le destin de la ville.<br />
Il propose de nouvelles voiries, afin de solidifier durablement le<br />
développement de la ville. En sortant de la médina, la ville va<br />
aussi tenter de s’affranchir de son port.<br />
Le percement de la rue du marché (actuelle rue Allal Ben<br />
Abdellah) est la première opération qui va permettre le<br />
développement de la ville vers l’est. Pour se faire Tardif est<br />
contraint de négocier à l’amiable avec les propriétaires et cela<br />
finit en un tracé brisé. Il dessine dans un second temps le<br />
tracé du boulevard circulaire, ce qui accentue le mouvement<br />
spontané de l’urbanisation vers le sud-est, en donnant le nom<br />
de plan d’extension aux voiries situées de part et d’autre.<br />
Un nouveau parc est édifié au sud-est par le commerçant<br />
britannique Murdoch. La ville s’oriente vers un développement<br />
polycentrique, comportant trois secteurs spécialisés. A l’est, le<br />
long du rivage, le quartier des Roches-Noires offre des terrains<br />
aux manufactures proches à la fois des rails et du port. Au<br />
sud-est, où une nouvelle gare est implantée (ce qui permet de<br />
désengorger la première et de faire une liaison vers le Sud du<br />
pays), un grand nombre de lotissements sont construits entre ce<br />
nouvel emplacement et le centre historique étirant ainsi la ville à<br />
l’intérieur des terres. Ces lotissements permettront d’absorber<br />
une partie des nouveaux arrivants essentiellement européens.<br />
De l’autre côté de la ville, le quartier d’Anfa n’est qu’un projet<br />
sur lequel on parie mais sa situation surplombant la mer indique<br />
qu’il accueillera sûrement le quartier chic de la ville.<br />
pp. 234-235, cité par J-L Cohen et M. Eleb (1998), op. cit, p.35<br />
58
Il s’ensuivra une série de projets urbanistiques (dont Prost en<br />
1917) qui accompagneront le développement de la ville et<br />
la spéculation ambiante. Parmi ces projets figure celui de la<br />
nouvelle Médina. Partant du principe que la médina ne pourrait<br />
plus s’étendre puisque entourée de la ville européenne, Prost<br />
et Lyautey firent construire une deuxième médina, plus à<br />
l’intérieur des, terres selon un style néo-mauresque. Elle devint<br />
le « lieu de prédilection de la grande bourgeoisie fâssie » 29 et,<br />
avec l’accroissement constant de la population indigène 30, eût<br />
plusieurs extensions successives.<br />
La ville européenne étant difficilement accessible aux indigènes,<br />
et la médina ne pouvant s’étaler, la ville connût une croissance<br />
très étalée, « parsemée de terrains vagues, de quartiers<br />
hétéroclites construits au hasard des lotissements et du gain.<br />
» 31 Parmi ces lotissements se développèrent de nombreux<br />
bidonvilles, qui se déplacèrent dans le temps selon le bon vouloir<br />
de la municipalité et des propriétaires terriens. Les principaux<br />
étaient les bidonvilles des Carrières Centrales, de Ben Msîk et<br />
de Derb Jdid. En 1952, plus de 100’000 musulmans 32 vivaient<br />
dans cette misère, lorsque l’Etat recommença à investir dans<br />
l’immobilier, après une seconde Guerre Mondiale qui eut pour<br />
effet d’arrêter ou retarder les constructions.<br />
En 1944, suite aux manifestations au centre ville et ses alentours,<br />
le protectorat fait appel à Michel Ecochard. L’explosion<br />
démographique qui suit la fin de la deuxième Guerre Mondiale<br />
dépasse les perspectives du plan Prost. Ecochard parle d’une<br />
ville champignon sans urbanisme. Il va proposer un plan,<br />
incluant Fédala (actuelle Mohammedia), d’une ville industrielle<br />
linéaire, longue de 30 km située sur la côte.<br />
29. A. Bounhar (2010), op. cit, p.53<br />
30. Qui est originaire du pays où il se trouve. Bien que dans le vocabulaire courant,<br />
ce terme ai prit un aspect péjoratif, nous utiliserons ce terme dans son sens premier<br />
pour parler des habitants de Casablanca et du reste du Maroc hors occidentaux,<br />
indépendamment de leur religion (musulmans et juifs)<br />
31. A. Bounhar (2010), op. cit, p.56<br />
32. A. Bounhar (2010), op. cit, p.61<br />
59
Plan des secteurs d’habitat musulman, 1951<br />
60
« Si notre étude lie Casablanca et Fédala, c’est afin de<br />
saisir dans son ensemble un problème que l’on appelle<br />
la ‘désintégration de la campagne. En effet, cette zone<br />
entre Casablanca et Fédala appelle immanquablement<br />
l’industrie. Casablanca contient environ 75% des<br />
industries du pays ; Fédala à son tour démarre avec<br />
l’appoint de son port et l’avantage de terrains moins<br />
chers. Il est donc normal que l’étroite bande comprise<br />
entre ces villes et liée par les trois parallèles de la route,<br />
du rail et de la mer en subisse les contre coups. »<br />
Michel Ecochard 33<br />
Grâce à l’acquisition par l’État de terrains en périphérie de ville,<br />
il développe aussi une politique de relogement des bidonvilles<br />
matérialisée par la ‘trame Écochard’. Celle-ci comprend des<br />
parcelles de 8m sur 8m, rassemblées en damier et dont les<br />
pièces étaient ouvertes sur un patio intérieur.<br />
Quand à la structure plus générale de la ville, il adopte le principe<br />
de la bipartition, avec le résidentiel à l’Ouest et l’industriel à<br />
l’Est. Cette proposition radicale marque encore la ville à l’heure<br />
actuelle.<br />
Ecochard ne veut pas refaire la ville, mais se focaliser sur<br />
l’orientation de son développement radio-concentrique, tout<br />
en le liant à une zone industrielle linéaire en direction de<br />
Mohammedia. Fidèle à la Charte d’Athènes, son plan prévoit<br />
l’extension de la ville au sud-ouest en zone résidentielle, au sudest<br />
en zone d’habitation économique et au nord-est en zone<br />
industrielle. Travailler, circuler, habiter et se cultiver se feront<br />
donc en des lieux distincts. Le plan d’Ecochard, qui cesse ses<br />
fonctions en 1953, continuera à faire référence jusque dans les<br />
années quatre-vingt, malgré le faible investissement dans la<br />
construction publique du nouvel Etat chérifien en manque de<br />
moyen.<br />
33. M. Ecochard et al. Rapport Préliminaire sur l’aménagement et l’extension de<br />
Casablanca,Rabat, Direction de l’Intérieur, Service de l’Urbanisme, 1951, cité par J-L<br />
Cohen et M. Eleb, op.cit, p.292<br />
61
CASABLANCA, 1950<br />
62
63
DÉVELOPPEMENT INCONTRÔLÉ<br />
« La ville s’est laissée grignoter par la spéculation. Ça a<br />
toujours été comme ça à Casablanca : un affrontement<br />
entre la réglementation, l’administration et les<br />
spéculateurs, dès les années 1910. Mais cette fois les<br />
spéculateurs ont gagné »<br />
Jacqueline Alluchon 34<br />
Après l’indépendance, Casablanca est livrée à elle-même. Le<br />
développement spontané va faire éclater la ville. L’étalement<br />
part dans tous les sens, principalement au Sud et au Sud-<br />
Est. Cet étalement radio-concentrique se fera spontanément<br />
en raison de «l’engorgement du centre et du gonflement<br />
hétérogène des petites cités périphériques». Cet urbanisme<br />
spontané se développera de manière anarchique en raison de<br />
l’absence de plan d’aménagement puis, après la rédaction de<br />
deux documents en 1974 et 1975, de la contradiction de ces<br />
plans avec les documents en usage. 35<br />
Il s’ensuivit une inefficacité de la gestion urbaine par<br />
l’administration qui conduisit à une mauvaise répartition des<br />
fonctions urbaines et un manque d’investissement dans les<br />
équipements structurants. La spéculation foncière, conjuguée<br />
à l’insuffisance de l’offre de terrain à urbaniser, conduira à une<br />
forte hausse des prix qui entraîna de nombreux problèmes de<br />
déplacement de population. Les marocains les plus pauvres<br />
ne pouvaient plus se permettre de vivre au centre ville.<br />
Croissance incontrôlable, spéculation foncière, manque<br />
d’habitats bons marché et gestion inopérante débouchèrent<br />
sur une crise urbaine en 1981 (révoltes, manifestations, crise<br />
sanitaire). Sous la direction de Michel Pinseau, le SDAU est<br />
créé en 1984 pour définir une nouvelle stratégie urbaine.<br />
34. J. Alluchon, citée dans VH Magazine n°103, Novembre 2011, p.44<br />
35. A. Bounhar (2010), op. cit, p.71<br />
65
D E<br />
B O L E V A R D<br />
R U E<br />
D E L A<br />
B O U L E V A R D<br />
L A<br />
M E R R O U G E<br />
D E<br />
D E<br />
R U E<br />
C O R N I C H E<br />
L ' O C E A N<br />
G O L F<br />
A I N<br />
CASABLANCA, 1980<br />
D I A B<br />
R U E<br />
S A L L O U M<br />
66<br />
R U E G O L F D A K A R E<br />
R . GOLF T A D J O U R A<br />
D U G O L F D ' A D E N<br />
A T L A N T I Q U E<br />
R U E G O L F<br />
R U E G O L F D U S Y R T E<br />
D U<br />
C O MO R E S<br />
D U L I D O<br />
R U E<br />
L E C O R A I P<br />
B O U L E V A R D<br />
R U E<br />
R U E L A V A N<br />
D E L ' E P I<br />
K E N N E D Y<br />
D E
67<br />
<br />
pc 5b061<br />
(12.48)<br />
pc 06171<br />
(31,84)<br />
.<br />
13.30<br />
pc 5b 071<br />
(11.37)<br />
pc 07121bis<br />
(52,39)<br />
pc 07121<br />
(52,34)<br />
.<br />
.
LE RETOURNEMENT DE LA VILLE SUR LA MER<br />
«Passer d’un urbanisme quantitatif basé sur l’état<br />
d’urgence à un urbanisme qualitatif en quête d’un cadre<br />
urbain agréable à vivre»<br />
R. Haouch 36<br />
Le plan Pinseau de 1984 marque la reprise en main du<br />
développement de la ville par l’administration après une<br />
période marquée par un monopole quasi exclusivement privé<br />
dans la construction.<br />
Ce schéma directeur entraîne une mise à jour des plan de la<br />
ville et un ‘rattrapage’ progressif de l’extension de la ville par<br />
l’administration. Aujourd’hui, le SDAU, bien que déjà dépassé,<br />
est préparé jusqu’en 2030, présentant pour la première fois<br />
depuis Prost, une anticipation du développement futur de la ville.<br />
Sont ainsi rendus possibles des plans ambitieux d’amélioration<br />
des transports publics (dont le tram actuellement en travaux)<br />
et de transformation profonde de certains quartiers tels que la<br />
résorption de bidonvilles, la requalification de la Médina ou la<br />
densification de quartiers entiers tels que Racine et Gauthier.<br />
Par ailleurs, le plan Pinseau réintroduit la ville linéaire voulue<br />
par Ecochard en 1950. C’en est fini de la croissance radioconcentrique<br />
anarchique, l’agglomération devra désormais<br />
se développer le long de la côte, jusqu’à Mohammedia. Ce<br />
plan intègre un déplacement des activités industrielles vers<br />
Mohammedia et le long d’un axe Mohammedia-Nouaceur,<br />
libérant ainsi la côte au profit du logement et d’infrastructures<br />
touristiques.<br />
Ainsi, la ville de Casablanca s’inscrit dans le processus mondial<br />
de réhabilitation des fronts de mer, processus né aux Etats-<br />
36. R. Haouch, D’un urbanisme de l’urgence à la cité jardin, 09 mars 2011, archimedia.ma<br />
69
Unis, qui touche aujourd’hui de nombreuses villes sur tous les<br />
continents. Dans son DEA de 2003, S. Jacquot cite Buenos<br />
Aires, Sydney et Hong-Kong. Selon lui,« un des objectifs des<br />
opérations de waterfront est la reconquête par la ville de son<br />
port pour redynamiser les quartiers anciens contigus. Ainsi<br />
dans les cas de Gênes et de Valparaiso, dans la mesure où les<br />
développements urbains ont été tributaires du port (on pourrait<br />
là appliquer le titre choisi par Claude Chaline : « ces ports qui<br />
créèrent des villes »), il s’agit de voir ce que les transformations<br />
actuelles des centres historiques doivent au port, ou quels sont<br />
les blocages éventuels liés aux spécificités portuaires. » 37<br />
Dans un contexte de hausse généralisée du prix du foncier et<br />
de prise de conscience de la qualité du centre ville Arts-Déco,<br />
le front de mer de Casablanca est aujourd’hui un lieu de choix<br />
pour réaliser de grands projets, capables d’attirer investisseurs<br />
et touristes.<br />
37. S. Jacquot, Réhabilitations et transformations des espaces historiques, Gênes<br />
et Valparaiso, Sous la direction de M. A. Musset, Université Paris X - Nanterre, 2003,<br />
p.21<br />
70<br />
Anfa Place<br />
Cap El Hank<br />
Mosquée Hassan II
Marina<br />
« Les waterfronts sont des lieux de prédilection de<br />
tels projets : réserves foncières en position centrale,<br />
bâtiments constituant un patrimoine industriel souvent<br />
de qualité, tandis que les projets qui y sont menés<br />
bénéficient d’une forte visibilité, en raison de leur<br />
centralité et d’un marketing urbain chargé de diffuser les<br />
objectifs et réussites des opérations. »<br />
S. Jacquot 38<br />
Le front de mer de Casablanca voit se développer une série de<br />
projets de grande ampleur qui marquent l’intérêt retrouvé de<br />
la ville pour son front de mer. Cependant des projets comme<br />
celui de la Marina de Casablanca semblent être des enclaves<br />
à visée purement touristique et récréative. Il se pose donc<br />
aujourd’hui la question du lien qui peut (qui doit) se créer<br />
entre la transformation du front de mer et l’amélioration de<br />
la ville dans son ensemble afin d’éviter la création de ce que<br />
Vermeersch appelle un «ghetto doré.» 39<br />
38. S. Jacquot (2003), id, p.30<br />
39. Cité par S. Jacquot (2003), id, p.23<br />
Gare Casa-Port<br />
71<br />
Principaux points de développement
CASABLANCA, 2010<br />
72
73
MITOYEN<br />
OCÉAN-TERRE<br />
Mitoyen (adj) :<br />
Qui est situé entre deux choses, commun à l’une et à l’autre.<br />
DROIT. Qui sépare deux choses, deux propriétés et appartient<br />
aux deux propriétaires.<br />
VIEILLI. Qui participe de deux ou de plusieurs éléments<br />
opposés, extrêmes ou simplement différents.<br />
75
RAPPORT D’UTILISATION : LE PORT<br />
« Embrassez du regard la rade : calculez la portée des<br />
môles, et combien il a fallu noyer de ces blocs de béton<br />
pareils à ceux qui les flanquent et les défendent dans<br />
une mer capable, dans ses fureurs, de jongler avec eux,<br />
pour vous ménager la sécurité de cette rade paisible. »<br />
Rémy Beaurieux, 1936 40<br />
Le port a toujours été le moteur économique de la ville même si<br />
aujourd’hui d’autres acteurs l’influencent. Son développement<br />
a donc été une condition sine qua non à la croissance de la<br />
ville. Son expansion s’est faite en lien avec les évolutions de<br />
la navigation et la quantité toujours croissance de matériaux<br />
échangée. C’est lorsque l’évolution de la navigation rendit<br />
obsolète les ports d’estuaire, comme Rabat-Salé, que<br />
Casablanca devint le port le plus important du Maroc allant<br />
même jusqu’à dépasser Tanger en 1906 41. Mais l’accès à ce<br />
port sans aménagement particulier reste malaisé. A l’origine<br />
des braquasses assurent le relais entre les bateaux mouillant<br />
dans la rade de Casablanca. Cependant cela est impossible<br />
en temps de grande tempête. La côte, rocheuse, reste très<br />
dangereuse conduisant certains navires à attendre une<br />
trentaine de jours avant de pouvoir transférer leur cargaison<br />
au port. La construction de jetées sera nécessaire afin d’en<br />
améliorer l’accès.<br />
Par ailleurs, un port à Casablanca n’est pas une évidence : les<br />
marins n’en voulaient pas, lui préférant Mazagan ou Fédala.<br />
Le développement du port sera réellement lancé à partir de<br />
1907. Ce n’est pas pour des considérations hydrographiques<br />
que cet emplacement est choisi comme capitale économique<br />
mais bien pour des conditions terriennes. En effet, la ville est<br />
40. R. Beaurieux, «Casablanca», Le Monde colonial illustré, vol.5, n°161, décembre<br />
1936, cité par J-L Cohen et M. Eleb, op.cit, p.118<br />
41. A. Bounhar (2010), op. cit, p.23<br />
77
choisie en raison de la présence déjà forte des européens et<br />
surtout pour la facilité de ses liaisons terrestres avec les autres<br />
villes. Les réseaux permettent de créer une ville tentaculaire qui<br />
fera office de carrefour entre routes terrestres et maritimes. 42<br />
A. François élabore le plan d’extension du port. 160 hectares,<br />
dont l’ouvrage principal est une digue de 1900 mètres de<br />
long (300 déjà réalisés à l’époque). La jetée s’articule en ‘L’<br />
devenant parallèle au rivage après le premier kilomètre. Elle<br />
est complété d’une jetée transversale fermant le port. Le choix<br />
de Casablanca n’est plus remis en question et les difficultés<br />
marines ne seront évoquées que pour mettre en avant l’audace<br />
et la ténacité de Lyautey. Le dessin du port influence forcément<br />
le développement de la ville. Ce n’est pas la grande jetée,<br />
construite en face de la médina, mais la transversale qui va<br />
changer le rapport à l’atlantique de toute une tranche de ville<br />
qui sera définitivement liée au port.<br />
Après la guerre, il faudra attendre 1920 pour qu’un nouveau<br />
programme plus ambitieux soit établi afin de pouvoir<br />
commencer l’exportation de phosphates. Des terres-pleins<br />
supplémentaires allant du port jusqu’à la jetée transversale<br />
sont prévus, signant l’arrêt de mort de la plage connaissant<br />
jusqu’alors une grande popularité. Coupés définitivement de<br />
la ville, les quais et les terres-pleins reçoivent de nombreux<br />
hangars et abris ainsi que des édifices plus ambitieux, tel qu’un<br />
silo. Les installations permettant de charger le phosphate sont<br />
même considérées comme les plus puissantes au monde.<br />
42. J-L Cohen et M. Eleb, op.cit, p.50<br />
78<br />
1900 1912
1926 1935<br />
« C’est bien une bataille qu’il a fallu mener, bataille<br />
contre l’océan qu’il a fallu refouler, ainsi que deux<br />
puissantes jetées - orgueil de Casablanca, enfermant<br />
désormais des eaux pacifiques - en portent désormais<br />
témoignage. Bataille pour le trafic et les débouchés.<br />
Casablanca devient la tête de lignes des routes et des<br />
voies ferrées du Maroc français. Le port suscite, nourrit<br />
la ville qui l’entoure ; sa vie est une lutte constante, car<br />
<br />
son avenir n’est pas assez dessiné pour qu’il ne laisse<br />
une large part à la spéculation et à l’enthousiasme.<br />
Casablanca est maintenant un organisme achevé et<br />
sainement constitué. »<br />
Albert Charton 43<br />
La croissance tumultueuse de Casablanca vers l’intérieur des<br />
terres ne doit pas faire oublier les modifications qui interviennent<br />
à partir de 1912 dans le rapport de la ville à son rivage,<br />
déterminées à la fois par les besoins de son port et par des<br />
usages plus ludiques du bord de mer. Dès le début du siècle,<br />
les qualités de la belle plage de Casablanca et les ressources<br />
balnéaires de la ville sont vantées. La plage de Sidi Belyout,<br />
au débouché du futur boulevard du IVe- Zouaves, devient un<br />
lieu de rencontre pour les européens à deux pas de la place<br />
de France. Un mur de soutènement est construit en 1912, afin<br />
de protéger la plage et la route et est bordé de cabanons et<br />
de guinguettes amenant de l’animation sur la rue.. Ce lieu, tel<br />
43. A. Charton, La politique des ports du Maroc, le Monde colonial illustré, vol. 5 n°52,<br />
décembre 1927, cité par J-L Cohen et M. Eleb, op.cit, p.114<br />
79
que mentionné plus haut, meurt avec l’extension du port et,<br />
en 1928, n’est plus qu’un souvenir. Les plages sont déplacées<br />
toujours de plus en plus loin du coeur de la ville, à l’inverse de<br />
Barcelone où les plages sont entrées au coeur de la ville après les<br />
investissements infrastructurels des Jeux Olympiques de 1992.<br />
Le port de Barcelone tend par ailleurs à changer de fonction à<br />
l’époque récente, passant des industries à la plaisance, avec le<br />
développement d’infrastructures de loisirs aux alentours (Mare<br />
Magnum, World Trade Center, etc), Les activités industrielles<br />
étant reportées au sud du Parc de Montjuic. Nous avons donc<br />
affaire à un rapport ville/port/mer très différent de celui de<br />
Casablanca à l’océan Atlantique. Le port y est en effet séparé<br />
de la ville depuis la construction de la ligne de chemin de fer<br />
en 1971.<br />
80<br />
1956 2012<br />
<br />
« En 1971 les voies ferrées du Titan Anversois furent<br />
prolongées de 175 mètres vers l’enracinement de la<br />
jetée Moulay Youssef. Le mur de garde fut surélevé<br />
sur une longueur de 150 mètres. Les années 77 à 80<br />
se caractérisèrent par la réalisation du quai F et de la<br />
nouvelle jetée transversale délimitant une rade de 100<br />
ha. » 44<br />
Bien que le port s’étire le long de la côte, on retrouve une<br />
évolution à la barcelonaise avec la construction de la Marina<br />
44. Ministère de l’équipement et des transports, Historique du port de Casblanca,<br />
mtpnet.gov.ma
entre le port et la Mosquée Hassan II, ce projet prévoyant la<br />
désindustrialisation de la zone la plus ancienne du port pour<br />
développer un port de plaisance, capable d’inscrire la ville<br />
sur la carte mondiale des destinations pour paquebots de<br />
croisières. Casablanca s’inscrit donc dans le dernier stade de<br />
l’évolution de la relation entre ville et port décrite par Claude<br />
Chaline (1994) et résumée par Jacquot (2003) 45 :<br />
«Avant le XIX ème siècle, la ville et le port sont fortement<br />
imbriqués l’un dans l’autre : on peut parler de «<br />
relation organique ». Avec la Révolution Industrielle,<br />
il y a toujours lien fort entre les deux (relation<br />
économique et sociale) mais séparation fonctionnelle<br />
et paysagère. Les voies de chemin de fer tracent une<br />
frontière nette entre la ville et le port. Les entrepôts<br />
sont autant d’obstacles supplémentaires. Par la suite<br />
les mutations technologiques (développement de la<br />
conteneurisation, augmentation de la dimension des<br />
navires) rendent obsolètes les installations les plus<br />
proches de la ville, avec des bassins et des aires<br />
de stockage aux dimensions trop réduites, d’où la<br />
nécessité d’un déplacement des installations portuaires.<br />
Ces transformations entraînent un déphasage, un<br />
découplage du port et de la ville. [...] Parallèlement les<br />
villes contrôlent de moins en moins le port : une autorité<br />
autonome le gère, parfois au niveau étatique. [...] Certes<br />
le port reste très important pour l’activité économique et<br />
le niveau d’emploi mais les orientations économiques<br />
ne sont pas définies par les sociétés locales. Enfin, le<br />
dernier stade se traduit par un réinvestissement des<br />
espaces portuaires centraux délaissés ou sous-utilisés,<br />
à l’état de friches : il s’agit du processus de réhabilitation<br />
du port ancien et de l’adaptation à des usages urbains.»<br />
45. S. Jacquot (2003), op. cit, p.22<br />
81
RAPPORT D’APPROPRIATION : PROMENADES, PLAGES,<br />
ET PARCS.<br />
« Les marocains étaient des terriens et l’océan leur<br />
faisait peur. On disait que la mer emmenait »<br />
Brahim Lamine in VH p.100<br />
Ce qui vaut pour les marocains, vaut largement pour les<br />
Casablancais indigènes, pour qui le rapport au bord de mer<br />
reste longtemps empreint d’une certaine méfiance pour le<br />
monde marin. Cependant, «la croissance tumultueuse de<br />
Casablanca vers l’intérieur des terres ne doit pas faire oublier<br />
les modifications qui interviennent à partir de 1912 dans le<br />
rapport de la ville à son rivage.» 46<br />
L’arrivée des européens et le développement du port entraînent<br />
en effet un début de changement du rapport de la ville à la<br />
mer. Le bord de mer autrefois délaissé devient rapidement le<br />
lieu de promenade et de repos privilégié des européens de<br />
Casablanca, en particulier la plage de Sidi Belyout.<br />
« Les baigneurs, les femmes européennes en toilettes<br />
claires et les hommes en pantalon blanc, coiffés<br />
d’un canotier, se retrouvent sur la belle plage de Sidi<br />
Belyout» 47<br />
La construction du port entraîne cependant rapidement la<br />
disparition de cette plage, remplacée par celles du quartier de<br />
la TSF, des Roches Noires (considérée dangereuse) et d’Ain<br />
Sebaa (qui sera occupée par la zone industrielle). Les plages<br />
les plus proches du centre ville sont ainsi rapidement rendues<br />
inappropriées aux loisirs. Laprade (l’un des architectes de<br />
Lyautey), conscient de la place importante que prennent les<br />
plages dans les loisirs de la population, organise donc le<br />
46. J-L Cohen et M. Eleb, op.cit, p.245<br />
47. VH Magazine n°103, Novembre 2011, p.100<br />
83
Les plages dans le temps<br />
Corniche<br />
d’Ain Diab<br />
Corniche<br />
d’Ain Diab<br />
Corniche<br />
d’Ain Diab<br />
.<br />
84<br />
.<br />
Plage d’Anfa<br />
Plage d’Anfa<br />
Plage d’Anfa<br />
Plage T.S.F.<br />
Piscine Orthlieb<br />
Piscine Orthlieb<br />
Plage de Sidi Belyout<br />
Plage des Roches Noires<br />
<br />
1912<br />
Plage d’Ain Sebaa<br />
<br />
1936<br />
Plage d’Ain Sebaa<br />
<br />
1950<br />
Plage d’Ain Sebaa<br />
<br />
2012
dynamitage d’Ain Diab, réalisé par les prisonniers allemands<br />
pendant la première Guerre Mondiale : « on fait sauter des<br />
rochers pour que le sable s’amasse et, peu à peu, le lieu<br />
est transformé en plages » 48 Situé à seulement quelques<br />
kilomètres du centre ville, Ain Diab devient rapidement un lieu<br />
de promenade privilégié.<br />
Laprade ne s’arrête pas là dans son usage des prisonniers<br />
allemands. Ils participeront à la création d’un parc à la française<br />
de 28 hectares, en plein coeur de Casablanca, à l’endroit<br />
même où se trouvait un des campements militaires. 49 Le parc<br />
de la Ligue Arabe, unique en son genre à Casablanca, est<br />
aujourd’hui le plus grand parc de la ville.<br />
En l’absence d’espaces récréatifs urbains, le sport, et<br />
particulièrement la natation, deviendra l’une des principales<br />
préoccupations des Européens de Casablanca. Cependant,<br />
la baignade dans l’océan est rendue risquée par la force des<br />
vagues, les tourbillons et les courants contraires. Une première<br />
piscine, le Lido est ainsi construite à Ain Diab dès 1930. De<br />
nombreuses autres piscines lui succéderont parmi lesquelles la<br />
piscine municipale Georges Orthlieb. Séparée en trois bassins,<br />
la piscine construite en front de mer sur 5,7ha (à l’emplacement<br />
actuel de la mosquée Hassan II) en 1934 est alors considérée<br />
comme le plus grand équipement d’Afrique, voir du monde. 50<br />
« Elle est réservée à une population aux ressources<br />
modestes qui semble ne pas savoir nager - c’est<br />
alors le cas de la plupart des Marocains musulmans<br />
ou israélites, mais aussi des classes populaires<br />
européennes. Le bassin, long de 110 mètres, n’a que<br />
1,50m de profondeur. » 51<br />
48. Monique Eleb, citée dans VH Magazine n°103, Novembre 2011, p.100<br />
49. N. Ouiddar, «Parc de la Ligue Arabe : Où en est le projet de réhabilitation», 02<br />
janvier 2011, lematin.ma<br />
50. VH Magazine n°103, Novembre 2011, p.101<br />
51. J-L Cohen et M. Eleb, op.cit, p.251<br />
85
Dès 1960 la Corniche est entièrement occupée par des plages<br />
privées telles que le Sun Beach, une sorte de Racing Club de<br />
France, qui attire « des clients fortunés, des hommes d’affaires<br />
et leur familles » ou le Miami Beach qui « filtre ses clients par<br />
le jeu du prix d’entrée, comme toutes celles qui suivront sur la<br />
Corniche. » 52<br />
Aujourd’hui, le centre ville étant séparé de la mer par le port,<br />
la médina et le chantier de la marina, l’utilisation du front de<br />
mer reste intimement liée aux piscines et autres bars sur le<br />
front de la Corniche, rendant d’autant plus important l’objectif<br />
de bien résoudre le site de la baie de Casablanca. Ce site<br />
ressemble par bien des aspects au Malecon de la Havane. Il<br />
est constitué d’une large avenue (2 fois 3 voies) devant un front<br />
de constructions de hauteur moyenne (4/5 étages maximum),<br />
il forme une longue digue («el muro») devant un terre-plein<br />
depuis lequel il est possible de voir l’immensité de l’océan.<br />
Cependant, à l’inverse de l’actuelle friche casablancaise, le<br />
Malecon est « le coeur de la ville, fidèle reflet de la vie de ses<br />
habitants, de leurs amours, de leurs jeux, de leurs tristesses<br />
et leurs rencontres, le tout concentré sur quelques milliers de<br />
mètres » 53<br />
Casablanca ne possède pas de tel lieu. Peu de lieux sont<br />
propices au rassemblement et à la promenade. À l’exception<br />
de la place Mohammed V et du parc de la ligue Arabe, la ville<br />
ne dispose pas de promenades urbaines comme peuvent<br />
l’être le boulevard Mohammed V à Rabat ou l’avenue Hassan II<br />
à Fès. Seul la végétalisation des boulevards et les arcades des<br />
avenues permettent de rendre plus agréable les déplacements<br />
urbains et ce, alors même que les avenues sont encombrées<br />
par les embouteillages (et les actuels travaux du tram) et que<br />
les arcades et trottoirs sont encombrés par les terrasses des<br />
52. VH Magazine n°103, Novembre 2011, p.102<br />
53. DT Cuba, Malecón de La Habana: Punto de encuentro en la capital, dtcuba.com<br />
86
cafés, les automobiles parquées 54 et les vendeurs de rues qui<br />
leur font face, s’appropriant le peu d’espace public qu’offre la<br />
ville.<br />
La terrasse du café, avec ses sièges soigneusement tournés<br />
vers la rue et non l’une en face de l’autre est le théâtre de<br />
toute une série d’échanges. Chacun vient s’y asseoir, sans<br />
préoccupation hiérarchique ou ethnique. Cette agencement<br />
engendre des échanges visuels ; évidemment, rien n’est plus<br />
agréable que de boire son thé en regardant le flux des passants<br />
et des voitures. Mais les échanges sont aussi commerciaux<br />
; quel aubaine pour le cireur de chaussures que de voir une<br />
rangée de chaussures salies par la poussière alignées et prêtes<br />
à être brossées. L’intérieur des cafés se transforme en salle de<br />
projection lors des matchs de foot.<br />
On observe en effet que le soir, les habitants sortent en masse<br />
déambuler en ville. L’offre en logement étant souvent minimale<br />
(72’150 ménages vivent dans une seule pièce) 55 et les parcs<br />
urbains se faisant rares 56, rendre ces moments de divertissement<br />
non commerciaux plus agréables est primordial. Le parc de la<br />
Ligue Arabe grouille d’activités en soirée. On y fait du football,<br />
on y boit du thé acheté sur le pouce ou on discute en groupe<br />
épars assis sur les murets et les bacs à fleurs. La journée,<br />
la population se camoufle du soleil sous une arborisation<br />
abondante, permettant de se reposer du tumulte ambiant.<br />
Casablanca n’a certes que très peu de parcs urbains mais la<br />
majorité de ses rues sont arborisées selon deux typologies<br />
principales. Tantôt les arbres (feuillus) sont plantés directement<br />
sur le trottoir, tantôt ils s’élancent au milieu du boulevard<br />
(palmiers), participant à la hiérarchisation des différentes rues<br />
54. 41 places/ha vs 25 places/ha à Barcelone et Paris (SDAU, Synthèse de 2008, p.8)<br />
55. A. Meskine, Le logement à Casablanca : Ampleur et causes de la crise, Mémoire,<br />
Ecole de statistique, 2002<br />
56. 0,91m 2 d’espace vert public/habitant (SDAU, Synthèse de 2008, p.11) contre<br />
20m 2 à Rabat (A. El Hassaniya, «Rabat, cité modèle des villes vertes», 02 avril 2010,<br />
lematin.ma)<br />
87
Végétation<br />
Arcades<br />
Parcours côtiers<br />
Zones piétones<br />
89
et avenues de la ville où la perspective est souvent interrompue<br />
par la divergence entre intérêts publics et privés. 57<br />
La rue s’augmente par ailleurs parfois (surtout dans la partie<br />
art-déco de la ville) d’une arcade. Cette typologie enrichit d’un<br />
espace supplémentaire la promenade piétonne et est utilisée<br />
principalement par des marchands ambulants. Il n’y a que<br />
très peu de zones piétonnes à Casablanca, si l’on ne prend<br />
pas en considération la médina où la circulation automobile<br />
est limitée par l’étroitesse des rues. À l’inverse, les voiries de<br />
la ville moderne ont en effet été dessinées par Prost, avec la<br />
circulation automobile en tête, bien qu’elle en soit encore à<br />
ses prémicese. Dans une ville à forte spéculation, où chaque<br />
parcelle se négocie et s’échange constamment, l’arcade<br />
permet de réduire l’emprise des rues en englobant dans le bâti<br />
la circulation piétonne. Aujourd’hui le boulevard Mohammed V<br />
57. «Prost réalisa la gageure de créer les énormes artères indispensables à la circulation<br />
moderne en évitant presque tous les grands immeubles dont la démolition eût<br />
entraîné de trop gros frais.» A. Laprade, cité par J-L Cohen et M. Eleb, op.cit, p.77<br />
90<br />
VÉGÉTATION ET PROMENADES À CASABLANCA
en est le meilleur exemple, filant au travers du quartier art-déco,<br />
de la place des Nations Unies à la gare de Casa-voyageur, il est<br />
l’un des boulevards structurants la ville.<br />
L’offre en transports publics reste aujourd’hui encore limitée<br />
mais elle s’augmentera en décembre 2012 d’un réseau de tram,<br />
à l’image de celui de Rabat. Il irriguera une bonne partie de la<br />
ville et notamment la baie de Casablanca. Le taxi est somme<br />
toute le moyen de transport le plus facile à Casablanca mais la<br />
congestion des artères risque de le mettre en péril.<br />
91
RAPPORT D’OBSERVATION : PERCEMENTS, AXES<br />
PÉNÉTRANTS ET MISE A DISTANCE<br />
« Ces villes renferment des trames urbaines<br />
contradictoires coupant la ville de Casablanca de son<br />
ancrage historique en bord de mer. Autrement dit, la ville<br />
est née au bord de l’eau sans composer avec la mer. »<br />
R. Haouch, 2011 58<br />
La ville, est historiquement fortifiée sur la mer par les murailles<br />
de la médina et peut être comparée à un fort de bord de mer<br />
pouvant résister aux assauts de l’océan tumultueux. En sortant<br />
des murs, elle tend à s’ouvrir sur la mer, son développement<br />
venant du port, mais en reste fondamentalement séparée par<br />
ledit port, le cimetière puis par les rails et la gare de Casa port à<br />
l’Est et par la médina et le camp militaire au centre et à l’Ouest.<br />
Un premier plan d’aménagement, faisant suite aux travaux<br />
de A. Tardif, est réalisé sous l’impulsion du général Lyautey.<br />
Les plans de Prost ne montrent pas seulement le tracé des<br />
voies, mais aussi les emplacements réservés et les parcs.<br />
À plus large échelle, il délimite le contour de grandes zones<br />
fonctionnelles, conformément à l’urbanisme allemand. Il s’agit<br />
d’implanter une règle et non un modèle théorique de ville.<br />
Certains lotissements sont tout simplement annulés et les<br />
camps militaires sont interdits de constructions en dur, ce qui<br />
étranglerait définitivement une ville s’étendant inexorablement<br />
vers l’intérieur des terres. Les voiries doivent répondre au<br />
développement précoce des automobiles. Les garages<br />
prennent alors leur place parmi les premiers monuments de<br />
la ville.<br />
58. R. Haouch, 2011, op. cit.<br />
93
AXES PÉNÉTRANTS et POINTS DE VUE<br />
Anfa<br />
Twin Center
Quartier financier
96<br />
1905 1910<br />
1913 1913<br />
1925 1926<br />
1935<br />
1992
Le plan de Prost prévoit de larges avenues et un boulevard<br />
circulaire dont les extrémités s’ouvrent sur l’océan : à l’ouest<br />
dans la baie de Casablanca, à l’est sur la plage de Sidi Belyout<br />
(aujourd’hui le port). En parallèle à ce boulevard circulaire, des<br />
avenues radiales partent du coeur de ville (place de France,<br />
aujourd’hui des Nations Unies) vers l’intérieur des terres.<br />
Prost considère que «la ville nouvelle doit arriver à s’étendre<br />
directement en contact avec le port sur toute son étendue.» 59<br />
On observe cependant que le centre ville est étonnement mieux<br />
relié à l’intérieur des terres qu’à la côte, dont il est pourtant<br />
géographiquement plus proche. Seul le percement du IV ème<br />
Zouaves (aujourd’hui Av. des Félix Houphouët Boigny) marque<br />
une volonté de relier le coeur de ville à la côte (via son port).<br />
La canebière de Casablanca est percée pour l’arrivée en 1922<br />
du président Millerand. Lyautey ne voulait pas devoir conduire<br />
le président à travers un goulet d’étranglement jusqu’à la place<br />
de France.<br />
«Regardez cette rue, c’est l’axe de ma ville. Elle ira droit<br />
à la mer.»<br />
H. Lyautey 60<br />
Prost va plus loin et propose de déplacer le rivage en gagnant<br />
des terrains sur l’océan. Le projet possède un caractère<br />
hypothétique tout au long de son développement puisqu’il<br />
n’est pas inséré à la ville. Il sera au final abandonné en raison<br />
de son coût comparé à l’abondance de zone à bâtir en ville.<br />
Cette avenue eut comme extension maximale les quelques<br />
centaines de mètres qui séparent la place de France de la côte<br />
avant d’être réduite et coupée du front de mer par le port.<br />
59. J-L Cohen et M. Eleb, op.cit, p.82<br />
60. André Maurois, Lyauthey, Paris : Plon, 1931, cité par J-L Cohen et M. Eleb, op.cit,<br />
p.105<br />
97
G<br />
A<br />
B<br />
C<br />
D<br />
E<br />
F<br />
G<br />
98<br />
F<br />
E<br />
Zone industrielle<br />
Zone industrielle<br />
Zone industrielle<br />
Zone industrielle<br />
Zone industrielle<br />
Zone industrielle<br />
Zone industrielle<br />
Port Roches - Noires<br />
Port Roches - Noires<br />
Port Roches - Noires<br />
Port Roches - Noires<br />
Port Roches - Noires<br />
Port Roches - Noires<br />
Port Roches - Noires<br />
Marina Médina Ilôts<br />
Marina Médina Ilôts<br />
Marina Médina Ilôts<br />
Marina Médina Ilôts<br />
Marina Médina Ilôts<br />
Marina Médina Ilôts<br />
Marina Médina Ilôts<br />
Hassan II Foire<br />
Bidonville Trame Ecochard Ilôts<br />
Hassan II Foire<br />
Bidonville Trame Ecochard Ilôts<br />
Hassan II Foire<br />
Bidonville Trame Ecochard Ilôts<br />
Hassan II Foire<br />
Bidonville Trame Ecochard Ilôts<br />
Hassan II Foire<br />
Bidonville Trame Ecochard Ilôts<br />
Hassan II Foire<br />
Bidonville Trame Ecochard Ilôts<br />
Hassan II Foire<br />
Bidonville Trame Ecochard Ilôts<br />
Terre plein Ilôts<br />
Bidonville Ilôts<br />
Terre plein Ilôts<br />
Bidonville Ilôts<br />
Terre plein Ilôts<br />
Bidonville Ilôts<br />
Terre plein Ilôts<br />
Bidonville Ilôts<br />
Terre plein Ilôts<br />
Bidonville Ilôts<br />
Terre plein Ilôts<br />
Bidonville Ilôts<br />
Terre plein Ilôts<br />
Bidonville Ilôts<br />
El Hank Immeubles orientés Ilôts<br />
El Hank Immeubles orientés Ilôts<br />
El Hank Immeubles orientés Ilôts<br />
El Hank Immeubles orientés Ilôts<br />
El Hank Immeubles orientés Ilôts<br />
El Hank Immeubles orientés Ilôts<br />
El Hank Immeubles orientés Ilôts<br />
D<br />
Corniche Terrain vague Villas<br />
Corniche Terrain vague Villas<br />
Corniche Terrain vague Villas<br />
Corniche Terrain vague Villas<br />
Corniche Terrain vague Villas<br />
Corniche Terrain vague Villas<br />
Corniche Terrain vague Villas<br />
C<br />
B<br />
A
Tout comme ce projet de terre plein, certains projets<br />
d’urbanismes ou de promotion immobilière non réalisés<br />
encourageaient beaucoup plus les liens entre la ville et son<br />
port. Le plus connu est sans nul doute celui de percement entre<br />
la place des Nations-Unies et la Mosquée : l’Avenue Royale. Ce<br />
projet aurait permis d’ouvrir un peu plus le centre ville à son<br />
front de mer mais ne s’est toujours pas fait près de 30 ans<br />
après les premiers plans en raison de la difficulté sociale et<br />
économique de déloger des habitants intégrés dans la vie de<br />
ce quartier.<br />
Par ailleurs, la topographie de la ville et l’urbanisme de Prost<br />
n’encouragent pas l’observation de l’océan. Par cet aspect,<br />
le sentiment d’appartenance à ce monde marin pourtant si<br />
proche, est beaucoup moins fort à Casablanca qu’il ne peut<br />
l’être à Tanger, Valparaiso ou Marseille, villes où la mer est<br />
omniprésente de part la topographie des lieux.<br />
« L’urbanisme militaire et stratégique mis en place par<br />
le Maréchal Lyautey était celui qui cadrait et contrôlait<br />
la seule porte de la médina ‘Bab Marrakech’. Prost<br />
a dessiné des axes qui convergeaient vers cette<br />
porte et qui constituaient la trame urbaine semiradioconcentrique<br />
autour de la Médina. La ville<br />
d’Ecochard a accentué ce phénomène de coupure en<br />
étirant la ville vers Mohammedia, en la dotant d’autoroute<br />
et en renforçant la voie ferrée tout en marginalisant<br />
le littoral. Alors que la ville de Casablanca abrite le<br />
cinquième de la population du pays, sa représentation<br />
mentale et sa fréquentation s’arrête à la trame de Prost et<br />
au premier plan d’aménagement. Ainsi, la ville originelle<br />
a tourné définitivement le dos à l’entité paysagère<br />
maritime qui lui a donné naissance. »<br />
R. Haouch, 2011 61<br />
61. R. Haouch, 2011, op. cit.<br />
99
Un des rares endroits où la ville s’ouvre sur l’océan est Aïn Diab,<br />
où s’est développé un quartier de villas d’où l’on peut observer<br />
la mer depuis les hauteurs de la colline d’Anfa. Longtemps<br />
interdit aux non-européens, 62 ce quartier s’est agrandi en lien<br />
avec le développement de la Corniche. Cependant il prend de<br />
la distance de par sa prise de hauteur et le faible nombre de<br />
axes pénétrants le liant au front de mer.<br />
En l’absence de grands axes rectilignes et sans relief sur la<br />
majorité de la ville, la mer ne pénètre pas en profondeur dans<br />
la masse du bâti (cf carte des axes pénétrants p.94). Il est<br />
difficile de sentir l’océan. Il est vrai que le climat nous donne<br />
62. VH Magazine n°103, Novembre 2011, p.70<br />
100<br />
Perspectives sur l’océan et la Mosquée Hassan II
une indication quant à la proximité d’une étendu d’eau mais<br />
mis à part la mosquée Hassan II, qui de par son minaret nous<br />
indique la côte, rares sont les éléments signalant sa présence.<br />
Aujourd’hui encore, même si le bord de mer est de moins en<br />
moins considéré comme dangereux, il n’en est reste pas moins<br />
une certaine mise à distance : l’océan étant un élément que l’on<br />
observe plus qu’on embrasse. Ainsi, le soir, l’océan est éclairé<br />
par des spots. Il est mis en valeur pour pouvoir se donner en<br />
spectacle sans pour autant que la population ne s’en approche<br />
trop. On reste bien au chaud dans sa piscine ou son bar, à<br />
l’abri des éléments naturels.<br />
101
102
RAPPORT D’ÉCHELLE : LE FRONT DE MER<br />
« Le panorama de Casablanca, lorsqu’on arrive sur la<br />
mer, est assez désespérant, c’est une ligne horizontale<br />
sans aucun effet et, si cinq ou six grandes verticales<br />
venait s’ériger sur le paysage, il y a lieu d’espérer que<br />
l’aspect de Casablanca serait beaucoup plus satisfaisant<br />
qu’actuellement. »<br />
Henri Prost 63<br />
Au début du développement de la ville, Dar el Beïda n’était<br />
constituée que de la médina et ne formait donc qu’une ligne<br />
horizontale avec pour seuls éléments verticaux les minarets des<br />
mosquées et les palmiers. Cependant, bien qu’horizontale, les<br />
maisons blanches de la ville étaient un repère pour les navires.<br />
Elles lui donnèrent son nom.<br />
« Entourée d’une ceinture de jardins aux épaisses<br />
frondaisons d’où s’élancent les silhouettes gracieuses<br />
de quelques palmiers, ses murs crénelés, ses terrasses<br />
plates, ses minarets blanchis à la chaux, éblouissants<br />
sous le soleil africain, se détachent du bleu sombre de la<br />
rade. » 64<br />
Avec l’arrivée des européens la ville se développe hors les murs<br />
de la médina, mais garde cependant un aspect principalement<br />
horizontal, seuls quelques éléments verticaux s’ajoutent sur le<br />
front de mer. Ces constructions vont rythmer l’horizontalité de<br />
la ville, participant à son aspect extérieur.<br />
Parmi ces éléments verticaux figurent de nombreuses<br />
constructions liées au port et à la circulation marine : la grue du<br />
63. H. Prost, «Chantiers nord-africains», L’urbanisme au Maroc, février 1932, Cité par<br />
J-L Cohen et M. Eleb, op.cit, p.120<br />
64. Dr. Félix Weisgerber, Trois mois de campagnes au Maroc, étude géographique de<br />
la région parcourue, Paris, Ernest Leroux; 1904, p.21, Cité par J-L Cohen et M. Eleb,<br />
op.cit, p.24<br />
103
0 50 100 200<br />
port (appelée Titan), le silo à grain (qualifié de cathédrale du front<br />
de mer), ainsi que le phare d’El Hank. Ces éléments forment un<br />
début de skyline qui participe à l’imaginaire casablancais d’une<br />
New-York marocaine. Le Corbusier regrettera cependant que la<br />
ville ne soit pas plus verticale : selon lui, une «ville debout aurait<br />
inspirée le respect» aux arabes. 65<br />
104<br />
« Dar El Beïda est la petite maison blanche qui servait de<br />
repère aux navires portugais et où l’architecte Laprade a<br />
bâti le phare à son emplacement.(...) Elle symboliserait<br />
cette relation à la mer et la naissance de la ville blanche.<br />
Cependant, ce symbole ne suffit pas pour faire une ville<br />
maritime dont la trame urbaine est composée avec la<br />
mer. » 66<br />
Le lien entre la trame urbaine de la ville, le front de mer et son<br />
échelle sont ainsi au coeur du débat sur l’image que la ville<br />
donne d’elle-même. Débat que l’on retrouve aujourd’hui avec<br />
des projets comme celui de la Marina, qui prévoit une série de<br />
tours entre le port et la Mosquée Hassan II, mais aussi dans de<br />
nombreuses autres villes du monde telles que Barcelone où,<br />
une série de travaux d’amélioration des quartiers populaires,<br />
ont permit la naissance d’un consensus politique menant à une<br />
série de travaux d’aménagements sur le front de mer en lien<br />
avec les Jeux Olympiques de 1992. Ces travaux ayant permis<br />
une meilleure «promotion de la ville dans son ensemble» 67<br />
Comme Barcelone, Casablanca possède une «longue tradition<br />
urbanistique» 68 remontant aux premiers plans de Tardif, suivi de<br />
65. Cité par J-L Cohen et M. Eleb, op.cit, p.120<br />
66. R. Haouch, 2011, op. cit.<br />
67. J. Roca i Albert et P. Faigenbaum, « Le front de mer de Barcelone : chronique<br />
d’une transformation » , Cités, 2002/3, n° 11, p. 51<br />
68. J. Borja, interviewé par A. Thomann, «Barcelone, une ville en perpétuelle transfor-<br />
Roches Noires Port
celui de Prost qui prévoit la construction d’un quartier financier<br />
à la place du cimetière de Sidi Belyout. Le déplacement du<br />
cimetière deviendra une condition nécessaire à la réalisation<br />
d’un projet mobilisant toutes les forces planificatrices. Le<br />
nouveau quartier entre la place de France et la mer prend des<br />
allures de Manhattan. C’est un centre d’affaire qui y est projeté.<br />
Pour Prost il était nécessaire de verticaliser une partie de la ville<br />
afin d’offrir une vue de ville plus moderne en arrivant de la mer<br />
plutôt «qu’une ligne horizontale sans aucun effet.»<br />
Le processus de poussée verticale des quartiers du port s’inscrit<br />
dans un américanisme architectural de la culture moderne<br />
européenne. Dès la fin des années 20, la possibilité de créer<br />
un centre proche du port est discuté, et ceci en parallèle aux<br />
débats sur les hauteurs admissibles autour de la place de<br />
France. Labonne parle de «refonte du centre ville». Pour lui,<br />
l’extension du port vers l’Est rend caduc les plans de Prost. Les<br />
ordonnances, les perspectives, les plans et les dispositions<br />
ornementales font les grandes villes en formation aujourd’hui.<br />
Il préconise donc la création d’un autre centre ville grâce a des<br />
voies de dégagement et des constructions verticales.<br />
Ces volontés de verticalisation de la ville sont cependant<br />
freinées par la crainte de Prost de saturation des marchés<br />
immobiliers, si trop de constructions se font en hauteur. L’édile<br />
craint par ailleurs une congestion de voies déjà saturées et le<br />
redéveloppement de la tuberculose dans des rues sans lumière.<br />
Le débat reprendra en 1945 avec Ecochard qui prévoira une<br />
verticalisation progressive de l’urbain en lien avec «l’élévation<br />
du standard de vie»<br />
« La trame d’Ecochard : il s’agit d’une forme d’habitat<br />
évolutif : dans un premier temps, un habitat horizontal<br />
mation», Interview de, 25 novembre 2010, Crédit-suisse.com<br />
Marina HassanII Baie El Hank Corniche<br />
105
Sidi Belyout, Av des F.A.R, 1992<br />
106<br />
Sidi Belyout, Av des F.A.R, 1988
formé d’une maison de trois pièces avec une cour selon<br />
les principes traditionnels, sur une trame carrée de<br />
8mx8m, auquel se substituerait, dans un second temps,<br />
avec ‘l’élévation du standard de vie’, un habitat vertical.» 69<br />
L’évolution de l’horizontal au vertical du front de mer a ainsi<br />
rapidement été considéré comme un acquis, si ce n’est une<br />
nécessité pour cette ville entourée d’un littoral si morne et plat.<br />
« Il semble qu’elle ait résolu de chercher dans l’élévation<br />
verticale la formule de son évolution architecturale:<br />
autant il serait illogique de faire pousser Alger en hauteur<br />
par des gratte-ciel démesurés - car la beauté d’Alger est<br />
dans les étagements horizontaux de ses boulevards qui<br />
se superposent autour du golf -, autant le jaillissement<br />
vertical d’une cité d’affaires, dans les terrains proches<br />
des quais, semble naturel au visage futur de Casablanca.<br />
(...) Le jour n’est sans doute pas loin où sa rade aura<br />
trouvé le cadre majestueux qui lui manque, dans une<br />
couronne de buildings, couronne modeste d’immeubles<br />
de dix ou quinze étages, aux multiples redans, retraits et<br />
terrasses, liés par des portiques et par des jardins qui<br />
seront pour son port une toile de fond accueillante et<br />
gaie»<br />
Fernand Benoit 70<br />
Aujourd’hui, le front de mer présente un nombre certain de<br />
bâtiments verticaux tels que les barres de logement construites<br />
dans les années 1950 pour les israélites, en vue de la destruction<br />
de la médina (seule une partie du Mellah sera finalement détruite<br />
pour agrandir la place de France). Elles furent construites sur<br />
le site d’El Hank qui fut écarté pour les 8’000 européens vivant<br />
69. Agence Urbaine de Casablanca, « Le plan d’aménagement de Michel Ecochard»,<br />
auc.ma<br />
70. F. Benoit, «L’évolution des villes et le décor architectural au Maroc» La renaissance<br />
de l’art, vol 14, n°8, aout 1931, cité par J-L Cohen et M. Eleb, op.cit, p.120<br />
107
Le silo du port<br />
Immeubles Rousseau<br />
108<br />
Habitat israélite
dans les médinas, à l’hôtel ou dans les bidonvilles car «leur<br />
installation à proximité de la mer aurait offert certainement plus<br />
d’inconvénients que d’avantages.» 71 Ces bâtiments s’orientent<br />
en général avec le soleil, faisant abstraction de l’océan telle la<br />
«barre» construite par Zéligson en 1950 le long du boulevard<br />
de la Corniche, juste derrière El Hank, qui «tourne le dos aux<br />
vents marins.» 72 Plus à l’est, les huit immeubles de l’équipe<br />
de Rousseau s’orientent au sud, cherchant l’ensoleillement<br />
maximum plutôt que la vue sur la baie. La façade sur mer<br />
«comporte les galeries d’accès, les escaliers et les pièces<br />
secondaires avec des ouvertures réduites au minimum.» 73<br />
Ces constructions devraient être au coeur d’une «cité-jardin»<br />
mais le terme est largement «usurpé» 74 en raison du manque de<br />
moyens mis à disposition des espaces communs (rappelons<br />
que ces barres sont destinées à une population principalement<br />
populaire) et ce, combiné aux vents et embruns qui concourent<br />
à rendre le site inhospitalier.<br />
Plus au nord-est, la mosquée Hassan II prend position sur le<br />
front de mer. Telle Oqba Ibn Naafi (conquérant du Maroc), «elle<br />
s’avance dans l’Atlantique comme si elle flottait, signifiant par<br />
là que seul l’océan peut arrêter la progression de l’islam.» 75<br />
Son minaret de 210 mètres de haut, le plus grand du monde,<br />
fait aujourd’hui figure de signal sur la côte comme le phare<br />
d’El Hank le faisait aux origines de la ville. S’inspirant du verset<br />
coranique «le trône de Dieu était sur l’eau», le laser dirigé vers<br />
la Mecque, au sommet de la tour, fait aujourd’hui figure de<br />
guide pour les croyants plutôt que les marins d’autrefois.<br />
71. Fines, chef du Cabinet civil, note au directeur de l’intérieur, Vallat, 24 janvier 1953,<br />
MAE, Cabinet civil, carton 122, dossier Habitat européen cité par J-L Cohen et M.<br />
Eleb, op.cit, p.349)<br />
72. J-L Cohen et M. Eleb, op.cit, p.351<br />
73. P. Parinet, L’habitat marocain, cité par J-L Cohen et M. Eleb, op.cit, p.352<br />
74. J-L Cohen et M. Eleb, op.cit, p.356<br />
75. P. Saharoff et S. Bouvet, L’art de vivre au Maroc, Paris : Flammarion, 2002<br />
109
Terre plein de la Corniche<br />
Baie de Casablanca<br />
110<br />
Projet de la Marina
Élément clef de la façade de la ville actuelle, la Mosquée va<br />
bientôt être rejointe par les tours de la Marina et celle associée<br />
à la nouvelle gare de Casa-Port, qui participent à la volonté de<br />
donner une nouvelle image de la ville sur son front de mer avec<br />
des grappes de projets définissant des pôle de développement.<br />
Comme à Barcelone en son temps, on observe à Casablanca<br />
une tertiarisation du front de mer et le développement de l’offre<br />
touristique. Un début de strip de front de mer se forme avec<br />
des immeubles de grande hauteur le long de la côte et des<br />
immeubles de moindre hauteur à l’intérieur des terres.<br />
A Barcelone, cette évolution s’est faite selon une «politique à<br />
double voie (...) d’une part, on a visé la réduction des inégalités<br />
sociales par la revalorisation des quartiers ou l’amélioration<br />
des infrastructures. D’autre part, on a constamment encouragé<br />
la place économique de Barcelone, on a rendu la ville<br />
attirante pour les investisseurs internationaux, augmentant<br />
ainsi la compétitivité de la ville» 76 Cependant, ceci a eu des<br />
inconvénients tels qu’un renchérissement des prix des terrains<br />
et des immeubles, dont les prix ont fortement grimpés, non<br />
seulement en raison de l’embellissement de la ville, mais aussi<br />
à cause d’une législation laissant une trop grande part de<br />
liberté d’action à la spéculation. Ceci a conduit à une évolution<br />
du consensus olympique, qui «cède peu à peu la place à de<br />
nouvelles formes de réponses des citadins et que les habitants,<br />
eux-mêmes, commencent à considérer cet espace comme une<br />
zone unitaire.» 77<br />
Dans un Casablanca où le législatif commence à peine à<br />
rattraper les errements de la spéculation à outrance qui suivit<br />
l’indépendance, où l’on observe déjà qu’une frange importante<br />
de la population peine à se loger, une grande attention doit<br />
donc être portée au maintien du caractère public et populaire<br />
de ce front de mer qui appartient à tous.<br />
76. J. Borja (2010), op. cit<br />
77. J. Roca i Albert et P. Faigenbaum (2002/3), op. cit, p.54<br />
111
112
SYNTHESE<br />
Corniche (subst. fém) :<br />
ARCHIT. Bordure, formée d’une ou plusieurs moulures en<br />
saillie, couronnant un mur, un piédestal, qui protège de la pluie<br />
les parties sous-jacentes et, le cas échéant, supporte la base<br />
du comble<br />
GÉOGR. PHYS. Saillie naturelle, généralement constituée de<br />
roche dure, courant le long d’une pente à une altitude à peu<br />
près constante.<br />
113
114
« Beaucoup de projets voient le jour, mais beaucoup<br />
d’autres restent lettres mortes, rêves, ambitions,<br />
prétentions Par leur effet d’annonce, ces fameux projets<br />
demeurent longtemps sur toutes les lèvres, à l’état<br />
de «dossiers» meublant les bureaux. L’un d’entre eux<br />
concerne la Corniche de Casablanca. » 78<br />
Casablanca est une ville récente mais qui a pu inscrire son nom<br />
sur l’Atlas du monde en devenant mythique. Le développement<br />
de l’aéropostale (ouverture de la ligne Toulouse/Casablanca/<br />
Dakar en 1918), le film éponyme de Curtiz ainsi que la<br />
Conférence d’Anfa en 1943 et les innovations architecturales<br />
des années ‘50, gravèrent son nom dans l’imaginaire populaire.<br />
«C’est une ville qui a une histoire particulière, qui offre<br />
énormément de possibilités et de liberté. C’est l’une<br />
des plus grandes mégapoles du monde. Et c’est une<br />
véritable école.»<br />
Rachid Andaloussi 79<br />
Aujourd’hui, après des années d’errements, les autorités<br />
reprennent conscience de l’immense capital sympathie dont la<br />
ville dispose de par le monde, et un grand nombre de projets<br />
de grande envergure sont menés pour aller de l’avant. Une<br />
grande partie de ces projets sont menés sur le front de mer et<br />
cherchent à développer la capacité touristique et financière de<br />
la ville. Comme le signale Jacquot dans son DEA, «le tourisme<br />
est perçu à la fois comme une ressource de développement<br />
local et un moyen d’améliorer l’image globale de ces villes,<br />
avec une composante ludique et culturelle et une capacité à<br />
attirer les investissements internationaux.» 80<br />
78. J. Idrissi, «Le corniche de Casablanca : gestations, gel et dégel», L’Economiste<br />
n°2111, 19 septembre 2005.<br />
79. VH Magazine n°103, Novembre 2011, p.119<br />
80. S. Jacquot (2003), op. cit, p.15<br />
115
Dans le cadre de son développement, la ville tend à se<br />
retourner vers cet océan qui l’a faite naître, alors que l’usage<br />
qui en a été fait fut longtemps uniquement utilitaire (via le port<br />
notamment), tandis que l’appropriation de ce front de mer<br />
par l’entier de la population ne s’est faite que tardivement<br />
(à l’exception des piscines). Un état de fait qui se retrouve<br />
jusque dans l’urbanisme de la ville, dont les artères principales<br />
ont longtemps été coupées de ce front de mer, induisant un<br />
rapport majoritairement visuel créé par la mise à distance et les<br />
quelques rares percements. Aujourd’hui, le front de mer tend à<br />
se verticaliser, contrastant ainsi avec l’horizontalité du paysage<br />
de la Chaouïa .<br />
Dans l’évolution vers une plus grande contiguïté entre la<br />
ville et l’océan Atlantique que marque le développement<br />
récent de Casablanca, bien construire le front de mer prend<br />
donc une importance primordiale. Les projets qui participent<br />
à cette réappropriation du front de mer par la ville font face<br />
à de nombreux défis parmi lesquels l’aspect vitrine que ce<br />
positionnement induit, la particularité de la construction en<br />
zone «hostile» (comme l’a montré la fissuration des pilotis de<br />
la Mosquée Hassan II, l’océan sait se faire violent 81) ainsi que<br />
la nécessité de répondre à d’autres thématiques qui touchent<br />
la ville dans son ensemble tel que le manque d’espaces<br />
publics, la pénurie de logement et la nécessité de contrôler la<br />
spéculation privée.<br />
Aussi appelé ‘la corniche’ du nom du boulevard qui le longe, le<br />
site de la baie de Casablanca s’étend de la Mosquée Hassan<br />
II au cap d’El Hank. Il permet d’adresser l’ensemble de ces<br />
problématiques, d’une part en raison de son positionnement et<br />
de son histoire et d’autre part en raison de son échelle.<br />
Entre ville et mer, il se présente comme une synthèse de<br />
l’évolution de la ville tout autant qu’il peut représenter l’image<br />
81. C. Le Bec, «Casablanca : vague de neuf sur le front de mer», 25 juin 2010, jeuneafrique.com<br />
116
du développement futur de la cité. Un développement réussi<br />
de cette parcelle permettrait de tourner la page de la série<br />
d’échecs récurants qui la concernaient. Depuis le premier<br />
concours de juillet 1985, lié au percement de l’Avenue Royale<br />
puis à la rénovation de la médina (et à la construction de<br />
la marina), aucun des projets n’a vu le jour, entraînant un<br />
désintérêt progressif de la population pour ce site qui n’a<br />
pas évolué en vingt ans. Aujourd’hui, le site est associé de<br />
fait à l’embellissement de l’ensemble du front de mer (de<br />
Mohammedia à Sidi Abderrahmane), sous le contrôle de la<br />
Région.<br />
Enfin, considérer ce site dans sa spécificité, sans le lier à un autre<br />
projet, permettrait finalement de faire avancer le débat. Toute<br />
solution concernant ce projet doit s’inscrire dans l’évolution<br />
de la ville, en prenant aussi bien en compte son retournement<br />
progressif sur la mer dans la lignée de nombreuses villes<br />
portuaires autour du monde, que ses besoins propres tant en<br />
matière d’espace publics que de logement sans pour autant<br />
négliger le rayonnement que peut donner à la ville un site si bien<br />
situé.<br />
Un site de la taille de la baie de Casablanca permettra d’aborder<br />
ce lieu avec des modes d’interventions variés, adaptés à<br />
chacune de ses différentes parties. Dans la partie de la baie<br />
longée par la Corniche, le développement cherchera à offrir<br />
aux casablancais un lieu de promenade et de divertissement.<br />
Il s’agira donc essentiellement d’un travail d’aménagement<br />
public (espace public, petit commerce).<br />
En parallèle, le site d’El Hank, par sa taille, sa forme et son<br />
positionnement, permet une intervention plus emblématique,<br />
ouverte à l’intervention du privé. Le décideur se placera donc<br />
dans la lignée des interventions historiques à Casablanca, où il<br />
s’agit plus d’encadrer la spéculation privée (logement et bureau)<br />
en dessinant les réseaux et les espaces publics que de projeter.<br />
117
El Hank<br />
118<br />
Bidonvilles<br />
Façade de la ville<br />
Thématique de la hauteur<br />
Habitat orienté<br />
Grande variété de bâti<br />
Liberté formelle<br />
Problème de logement<br />
Bout de ville<br />
Axes pénétrants<br />
Lien ville-océan<br />
Espace public
Digue<br />
Océan violent<br />
Contraintes typologiques<br />
Mosquée Hassan II<br />
Projet emblématique<br />
Site sensible<br />
119
120
BIBLIOGRAPHIE<br />
121
LIVRES<br />
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J-L. Cohen, M. Eleb, Casablanca, Mythes et figures d’une<br />
aventure urbaine, Paris : Hazan, 1998<br />
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Flammarion, 2002<br />
122
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http://www.scribd.com/doc/25848936/Maroc-Contribution-<br />
Sectorielle-des-Regions-a-la-Creation-de-la-Richesse-Nationale<br />
DT Cuba, Malecón de La Habana: Punto de encuentro en la<br />
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http://www.hcp.ma/Maroc-en-cartes_a643.html<br />
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de Casablanca, mtpnet.gov.ma (http://www.mtpnet.gov.ma/<br />
Vpm/Maroc%20Maritime/ports/PortsAtlantiques/Casablanca/<br />
historique.htm)<br />
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Encyclopédie Univeralis. http://www.universalis.fr/<br />
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M. Ameskane, O. Mrani, L. Oiknine, «1920-1970, L’âge d’or de<br />
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Novembre 2011.<br />
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com (https://infocus.credit-suisse.com/app/article/index.cfm?f<br />
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25 juin 2010, jeuneafrique.com (http://www.jeuneafrique.com/<br />
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Musset, Université Paris X - Nanterre, 2003<br />
FILM<br />
M Curtiz, Casablanca, Warner Bros, First National Pictures,<br />
1942<br />
125
126
TABLE DES<br />
ILLUSTRATIONS<br />
127
p.14-15 : Atlas du Maroc<br />
Via Carte des reliefs du Maroc, Géoatlas<br />
p.16-17 : Atlas de la Région du Grand Casablanca<br />
Via Plan de développement stratégique - Schéma directeur<br />
d’aménagement urbain de la Wilaya du Grand Casablanca.<br />
p.18-19 : Orthophoto de la Région du Grand Casablanca<br />
Via Google Maps<br />
p.20-21 : Photo aérienne de Casablanca<br />
Via Luc Fougère / www.lucplanete.net<br />
p.26-27 : Extension maximale des principaux empires marocains.<br />
- Maurétanie Tingitane : Tingis (Tanger)<br />
Via H. Kiepert, Atlas antiquus, Berlin (Reimer) o.J.<br />
- Empire Idrisside (789 - 985) : Walili (Volubilis) puis Fès.<br />
Via Carte du Maroc pdt. l’ere idrisside. Omar-Toons, Wikipedia<br />
- Empire Almoravide : Aghmat (1040 - 1062) puis Marrakech<br />
(1062 - 1147)<br />
Via Location of Almoravid Empire, KarnRedsun, Wikipedia<br />
- Empire Almohades (1147 - 1269) : Marrakech, Séville, Rabat<br />
Via Histoire et territoires, vers 1180, Qantara<br />
- Empire Mérinide (1244 - 1465) : Fès<br />
Via The Marinid empire at its maximal extent, 1347-1348,<br />
Ligue Arabe<br />
- Empire Saadien (1554 - 1660) : Marrakech<br />
Via C.R Pennell, Morocco: From Empire to independence,<br />
Oneworld, Oxford, 2003<br />
-Empire Alaouite : Sijilmassa (1631 - 1672) puis Meknès (1672<br />
- 1912)<br />
Via Maroc, les frontières incertaines / Le dessous des Cartes,<br />
Mars 2006<br />
-Protectorat français : Rabat (1912 - 1956)<br />
Via Jean Sellier, Atlas des peuples d’Afrique, p 84<br />
128
p.32-33 : Évolution démographique des principales villes<br />
du Maroc<br />
Via <strong>Ville</strong>s et Sociétés au Maghreb, op. cit<br />
p.34 : Photos du cimetière de Rabat et de la plage d’Anfa,<br />
2011<br />
p.36-37 : Carte de densité de population du Maroc, 2004<br />
Via HCP - RGPH - 2004<br />
p.44-45 : Casablanca en 1900<br />
Dr. Félix Weisgerber, plan de Casablanca, 1900. via J-L Cohen<br />
et M. Eleb (1998), p.25<br />
p.48 : Vue des ruines d’Anfa,<br />
Georg Braun, Franz Hogenberg, Civitates orbis terrarum,<br />
Cologne, Bertram, via J-L. Cohen et M. Eleb (1998), p.25<br />
p.48 : Casablanca, le Port,<br />
Carte postale, Ed. Lévy et Neurdein, 1912, via A. Bounhar<br />
(2010) p.322<br />
p.49 : La route des Ouled Harriz 1895<br />
Auteur inconnu, via A. Bounhar (2010) p.215<br />
p.54-55 : Casablanca en 1912<br />
Plan de Casablanca au 5’000 ème , 1912, A. Tardif<br />
p.60 : Plan des secteurs d’habitat musulman<br />
Service de l’urbanisme, 1951, via J-L. Cohen et M. Eleb<br />
(1998), p.271<br />
p.60 : Croquis d’Ecochard<br />
via A. Bounhar (2010) p.57 et p. 63<br />
129
p.62-63 : Casablanca en 1950<br />
Archives du cadastre de la ville de Casablanca, Plan de<br />
Casablanca, 1950.<br />
p.66-67 : Casablanca en 1980<br />
Cadastre de la ville de Casablanca, Plan de Casablanca, 1980<br />
p.70-71 : Principaux points de développement, Casablanca<br />
p.72-73 : Casablanca en 2000<br />
Ecole d’architecture de Casablanca, Cadastre de la ville de<br />
Casablanca<br />
p.78-80 : Évolution du port de Casablanca<br />
Via Les travaux du port en 1900, 1912, 917, 1926, 1935 et<br />
1952, dessins de P. Simon, via J-L. Cohen et M. Eleb (1998),<br />
p.116<br />
p.84 : Les plages dans le temps<br />
Les implantations des plages et des piscines sur le littoral de<br />
Casablanca, dessins de P. Simon, via, J-L. Cohen et M. Eleb<br />
(1998), p.241<br />
p.88-89 : Végétation et promenades à Casablanca<br />
p.90 : Brasserie La Coupe<br />
P. Jabin, Bd de la Gare, c.1932, Bâtir, 1932, via, J-L. Cohen et<br />
M. Eleb (1998), p.241<br />
p.91 : Photo de la rue Mohammed V, 2011<br />
p.94-95 : Axes pénétrants<br />
p.96 : Cartes postales de l’avenue du IV ème Zouave<br />
via A. Bounhar (2010) pp.166-175<br />
130
p.98 : Coupes dans le littoral<br />
p.100-101 : Perspective sur l’océan et la Mosquée Hassan II<br />
p.104-105 : Élévation schématique du front de mer<br />
p.106 : Sidi Belyout, Av des F.A.R, 1988/1992<br />
Photos de A. Bounhar (2010) p.184 et p.189<br />
p.108 : Le silo du port<br />
via, J-L. Cohen et M. Eleb (1998), p.119<br />
p.108 : Immeubles Rousseau et Habitat Israélite<br />
via, J-L. Cohen et M. Eleb (1998), p.353<br />
p.110 : le terre-plein de la Corniche<br />
p.110 : Baie de Casablanca<br />
Gran Meziquita de Casablanca, Javiercanon, Panoramio.com<br />
p.110 : Le projet de la Marina<br />
CGI, Maroc<br />
p.118-119 : Carte de synthèse<br />
p.118-119 : Panorama du terre-plein de la Corniche<br />
131
132
133