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la paratopie et le genre dans la littérature ... - Lectures du genre

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<strong>Lectures</strong> <strong>du</strong> <strong>genre</strong> nº 3 : La <strong>paratopie</strong> créatrice 10<br />

hégémonique de trois possibilités d’espace littéraire autour d’el<strong>le</strong>. Premièrement, el<strong>le</strong> est<br />

margina<strong>le</strong> à cause de son sexe ; ensuite, el<strong>le</strong> vit <strong>dans</strong> une époque instab<strong>le</strong> <strong>et</strong> ten<strong>du</strong>e suite au<br />

changement des mentalités de <strong>la</strong> fin <strong>du</strong> sièc<strong>le</strong> ; enfin, son pays, l’Uruguay, s’efforce de<br />

refléter <strong>le</strong>s structures économiques <strong>et</strong> culturel<strong>le</strong>s européennes sans encore y parvenir.<br />

Il est donc légitime de soutenir <strong>la</strong> thèse que Delmira Agustini représente c<strong>et</strong><br />

extraordinaire désir d’inscription ou d’inclusion <strong>dans</strong> un champ littéraire. Toutefois, malgré<br />

tous <strong>le</strong>s efforts de l’auteure, c<strong>et</strong>te inclusion ne peut être que margina<strong>le</strong>, frontalière <strong>et</strong> délicate.<br />

Sa position est bien éloignée <strong>du</strong> centre symbolique configuré par <strong>le</strong> cerc<strong>le</strong> littéraire à <strong>la</strong> mode<br />

à Montevideo, <strong>la</strong> « Generación del 900 » (Herrera y Reissig, Rodó), ou de <strong>la</strong> tendance<br />

« modernista » qui fait florès sur tout <strong>le</strong> continent (Darío, Lugones, Nervo). Il s’agit de<br />

mouvements, de dialogues <strong>et</strong> de cerc<strong>le</strong>s littéraires éminemment masculins où el<strong>le</strong> ne trouve<br />

évidemment pas sa p<strong>la</strong>ce : « La Femme se tient <strong>dans</strong> un ‘non-lieu’ que l’Homme s’efforce de<br />

penser sur <strong>le</strong> mode d’un espace ‘naturel’ où l’on serait nécessairement quelque part <strong>et</strong> à une<br />

distance mesurab<strong>le</strong> de toute chose » (MAINGUENEAU, 1999 : 73). Malgré toutes ces<br />

complications, Agustini est tout à fait consciente que ce qui lui perm<strong>et</strong> de résoudre l’absence<br />

d’espace paratopique est <strong>la</strong> figure de l’autre, de c<strong>et</strong> « autre » <strong>le</strong>cteur ou spectateur social.<br />

Agustini crée ainsi ses propres conditions de pro<strong>du</strong>ction littéraire en même temps qu’el<strong>le</strong> se<br />

voit limitée par el<strong>le</strong>s : « Faire oeuvre c’est d’un seul mouvement pro<strong>du</strong>ire une œuvre <strong>et</strong><br />

construire par là même <strong>le</strong>s conditions qui perm<strong>et</strong>tent de <strong>la</strong> pro<strong>du</strong>ire » (MAINGUENEAU,<br />

2004 : 86).<br />

Dans c<strong>et</strong>te perspective, il faut savoir qu’à partir <strong>du</strong> Romantisme, <strong>la</strong> condition de<br />

l’artiste change <strong>et</strong> son image commence éga<strong>le</strong>ment à désigner <strong>et</strong> souligner une singu<strong>la</strong>rité de<br />

caractère, une personnalité hors <strong>du</strong> commun, voire parfois fantasmée, éloignée de <strong>la</strong> raison.<br />

Le poète révè<strong>le</strong> son génie au travers de <strong>la</strong> recherche de continuité entre sa vie <strong>et</strong> son écriture,<br />

ce qui <strong>le</strong> pousse à incarner ses propres vers d’une manière héroïque -Byron- ou tragique -<br />

Hölderlin-. Néanmoins, il est important de considérer que l’oeuvre ne refléte pas <strong>la</strong> vie stricto<br />

sensu <strong>et</strong> que c’est plutôt c<strong>et</strong>te dernière qui essaie d’imiter l’Art. L’expérience origina<strong>le</strong> est<br />

ainsi créée par <strong>le</strong> poème, comme l’affirme Rubén Darío <strong>dans</strong> son essai Los raros (DARÍO,<br />

1896).<br />

La femme-artiste de <strong>la</strong> fin <strong>du</strong> sièc<strong>le</strong> a donc très rarement <strong>la</strong> possibilité d’une vie<br />

contrevenante ou différente. Ses vers ne peuvent presque jamais être vécus comme une<br />

expérience dissidente. Voilà <strong>la</strong> raison de <strong>la</strong> présence obsédante de deux attitudes chez <strong>la</strong><br />

femme-artiste, incroyab<strong>le</strong>ment répan<strong>du</strong>es au cours de <strong>la</strong> Modernité: <strong>la</strong> masculinisation ou<br />

l’androgynie d’un côté <strong>et</strong> <strong>la</strong> dénommée « dynamique des exceptions » de l’autre. De façon<br />

globa<strong>le</strong>, <strong>la</strong> femme commence à s’approcher de <strong>la</strong> création avec une attitude notoirement<br />

masculine <strong>et</strong> el<strong>le</strong> essaie de s’instal<strong>le</strong>r <strong>dans</strong> <strong>le</strong>s modè<strong>le</strong>s préexistants tout en luttant pour une<br />

« chambre à el<strong>le</strong> ». Assumer ce rô<strong>le</strong> est ambigu <strong>dans</strong> <strong>la</strong> perspective de <strong>la</strong> sexualité.<br />

L’ambiguïté est voulue, sans naïv<strong>et</strong>é, parce que <strong>la</strong> dissociation entre ce qui est strictement<br />

féminin, c’est-à-dire <strong>le</strong>s images héritées de <strong>la</strong> « femme fata<strong>le</strong> » <strong>et</strong> <strong>la</strong> « donna angelicata », <strong>et</strong><br />

l’élément masculin suppose <strong>la</strong> possibilité d’une jouissance, bien que partiel<strong>le</strong>, <strong>du</strong> pouvoir ou<br />

<strong>du</strong> prestige associés au masculin. Les conséquences de c<strong>et</strong>te imitation des structures, schémas<br />

<strong>et</strong> attitudes masculines ne tardent pas: <strong>le</strong> déca<strong>la</strong>ge, <strong>la</strong> parodie, l’éc<strong>la</strong>tement ou <strong>la</strong><br />

fragmentation <strong>du</strong> suj<strong>et</strong> créateur féminin font <strong>le</strong>ur apparition. En outre, un sentiment évident de<br />

frustration s’instal<strong>le</strong>. Malgré tout, quand <strong>le</strong>s femmes arrivent à dépasser <strong>le</strong>s obstac<strong>le</strong>s<br />

mentionnés, <strong>la</strong> connaissance de soi <strong>et</strong> <strong>le</strong> ta<strong>le</strong>nt personnel bril<strong>le</strong>nt chez el<strong>le</strong>s d’une façon<br />

éblouissante. Le deuxième schéma fixe qui s’applique à <strong>la</strong> femme, celui de <strong>la</strong> « dynamique<br />

des exceptions », est bien exemplifié par Paul Ver<strong>la</strong>ine. En eff<strong>et</strong>, l’apologie de <strong>la</strong> femme-<br />

Bruña, La <strong>paratopie</strong> <strong>et</strong> <strong>le</strong> <strong>genre</strong> <strong>dans</strong> <strong>la</strong> <strong>littérature</strong> uruguayenne

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