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La babésiose du chamois: une nouvelle maladie? - Chasse & Nature

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C H A S S E E T N A T U R E 30<br />

<strong>La</strong> <strong>babésiose</strong><br />

<strong>du</strong> <strong>chamois</strong>:<br />

<strong>une</strong> <strong>nouvelle</strong><br />

<strong>maladie</strong>?<br />

babeSia: l’aGent inFectieuX<br />

de la babéSioSe<br />

<strong>La</strong> <strong>babésiose</strong> est <strong>une</strong> <strong>maladie</strong> causée par<br />

des babésies, soit des parasites unicellulaires<br />

<strong>du</strong> genre Babesia. Ces parasites sont transmis<br />

par des tiques et peuvent infecter de nombreuses<br />

espèces de mammifères. En Suisse,<br />

on trouve plusieurs espèces de babésies touchant<br />

les animaux domestiques: B. canis principalement<br />

chez le chien, B. divergens chez<br />

les ruminants et B. microti chez les petits<br />

rongeurs sylvestres, pour n’en citer que<br />

quelques-uns. Les babésies sont en effet généralement<br />

spécifi ques à <strong>une</strong> espèce hôte.<br />

En Europe, la <strong>babésiose</strong> n’a que rarement<br />

été observée chez des ruminants sauvages.<br />

L’infection est souvent inapparente<br />

(sans symptômes de <strong>maladie</strong>), mais chez<br />

certains indivi<strong>du</strong>s elle peut causer <strong>une</strong> anémie<br />

hémolytique (manque de globules<br />

rouges dû à leur destruction par les babésies)<br />

pouvant con<strong>du</strong>ire rapidement à <strong>une</strong><br />

perte de la fonction vitale des organes internes<br />

et donc à la mort. <strong>La</strong> gravité des<br />

symptômes dépend de l’âge de l’animal et<br />

de l’état de son système immunitaire.<br />

ÉTHOLOGIE, BIOLOGIE<br />

ET SANTÉ DU GIBIER<br />

la tiQue: paSSaGe obliGé<br />

<strong>du</strong> paRaSite<br />

Les tiques jouent un rôle essentiel dans<br />

le cycle épidémiologique des babésies. En<br />

effet, <strong>une</strong> partie essentielle de leur développement<br />

a lieu dans l’intestin des tiques. Ces<br />

dernières agissent également comme vecteur<br />

des parasites, <strong>une</strong> injection de sang infecté<br />

dans la voie sanguine étant requise<br />

pour qu’il y ait infection. <strong>La</strong> transmission directe<br />

entre deux mammifères n’a ainsi pas<br />

lieu, mais c’est uniquement par l’intermédiaire<br />

d’<strong>une</strong> piqûre de tique que l’animal<br />

(ou l’homme) peut être infecté.<br />

Adam Michel<br />

Alexander Mathis<br />

Stefan Hoby<br />

Marie-Pierre Ryser<br />

pluSieuRS chamoiS<br />

en SuiSSe ont Succombé<br />

à la <strong>maladie</strong><br />

Jusqu’en 2004, seul un cas de <strong>babésiose</strong><br />

mortelle avait été rapporté chez le <strong>chamois</strong><br />

des Alpes. Il s’agissait d’un animal de la région<br />

bâloise trouvé mort en 1965. Avec les<br />

méthodes diagnostiques de l’époque, l’espèce<br />

de Babesia en cause n’avait pas pu être<br />

défi nie avec exactitude. En 2005 et 2006,<br />

cinq cas de <strong>babésiose</strong> mortelle provenant Chamois sain.


31<br />

Claude Mottier<br />

C H A S S E E T N A T U R E<br />

de deux régions distinctes (Tössstock SG/ZH<br />

et Simmental BE/FR) ont été diagnostiqués<br />

au Centre de la médecine des poissons et<br />

des animaux sauvages (FIWI, Université de<br />

Berne). Grâce à <strong>une</strong> collaboration avec l’Institut<br />

de parasitologie de l’Université de Zurich,<br />

l’agent infectieux responsable de la<br />

mort a pu être identifié: il s’agissait de Babesia<br />

capreoli. En 2009, trois nouveaux cas ont<br />

été signalés, un dans le Kandertal (BE), un<br />

dans le Toggenburg (SG) et un dans la vallée<br />

de Vals (GR). Les huit <strong>chamois</strong> ont été retrouvés<br />

<strong>du</strong> mois de mai à juillet, soit pendant<br />

le pic d’activité des tiques.<br />

SymptômeS de la babéSioSe<br />

<strong>du</strong> chamoiS<br />

Les animaux touchés sont dans <strong>une</strong><br />

condition corporelle normale pour la saison.<br />

En effet, la <strong>babésiose</strong> est <strong>une</strong> <strong>maladie</strong> dite<br />

aiguë, donc de courte <strong>du</strong>rée, les animaux<br />

n’ayant pas le temps de maigrir avant de<br />

mourir. A l’autopsie, ils présentent des muqueuses<br />

très pâles. Les organes internes tels<br />

que le foie et les poumons ainsi que la musculature<br />

peuvent également présenter <strong>une</strong>


C H A S S E E T N A T U R E 32<br />

Tique sur <strong>chamois</strong>. FIWI Berne Fig. 1. Chamois atteint de <strong>babésiose</strong> dont<br />

l’abdomen a été ouvert. <strong>La</strong> surface<br />

des organes est fortement jaunie.<br />

couleur anormalement claire. <strong>La</strong> cavité péritonéale<br />

ainsi que la surface des organes abdominaux<br />

sont parfois ja<strong>une</strong>s (fi gure 1) et<br />

l’urine est souvent rougeâtre. L’observation<br />

la plus typique et présente dans tous les cas<br />

concerne la rate: celle-ci est enfl ée et molle,<br />

d’apparence plutôt irrégulière, et la surface<br />

de coupe révèle un tissu sanguinolent qui<br />

«dégouline «(fi gure 2). Un frottis sanguin<br />

permet ensuite de confi rmer la présence <strong>du</strong><br />

parasite au microscope, mais ce n’est qu’avec<br />

<strong>une</strong> analyse biomoléculaire que B. capreoli<br />

peut ensuite être identifi ée avec certitude.<br />

le cheVReuil: RéSeRVoiR<br />

natuRel et poRteuR Sain<br />

Suite aux premiers cas observés chez les<br />

<strong>chamois</strong>, le FIWI a mené deux études épidé-<br />

Fig. 3. Carte de la Suisse présentant la provenance des cas mortels de <strong>babésiose</strong> documentés<br />

au FIWI à ce jour et des animaux échantillonnés dans l’étude 2009–2010. FIWI Berne<br />

miologiques en collaboration avec les gardesfa<strong>une</strong><br />

et les chasseurs, d’abord uniquement<br />

dans les régions initialement touchées, puis<br />

dans toute la Suisse. <strong>La</strong> première étude suggérait<br />

que le chevreuil et le cerf étaient tous<br />

deux porteurs sains de B. capreoli, un porteur<br />

sain correspondant à un animal infecté mais<br />

ne présentant pas de symptômes de <strong>babésiose</strong>.<br />

En revanche, l’infection semblait très<br />

rare chez les <strong>chamois</strong> sains.<br />

Afi n de compléter ces résultats, <strong>une</strong> seconde<br />

étude a ensuite été menée à l’échelle<br />

suisse chez le chevreuil, le cerf, le <strong>chamois</strong><br />

ainsi que le bouquetin. Pour ce faire, le sang<br />

de 985 animaux a été testé. Ces échantillons<br />

ont été récoltés dans le cadre d’<strong>une</strong> étude<br />

sur la fi èvre catarrhale ovine (ou <strong>maladie</strong> de<br />

la langue bleue) et la diarrhée bovine virale<br />

(BVD) grâce à la généreuse collaboration<br />

des gardes-fa<strong>une</strong> et chasseurs de la plupart<br />

des cantons de Suisse <strong>du</strong>rant la saison de<br />

chasse 2009–2010.<br />

Au total, 25% des chevreuils et 19% des<br />

cerfs présentaient <strong>une</strong> infection avec des<br />

babésies (Babesia spp.), contre seulement<br />

3% des <strong>chamois</strong> et 1,5% des bouquetins, ce<br />

qui correspond à <strong>une</strong> différence statistiquement<br />

signifi cative entre les cervidés et les<br />

ongulés de haute montagne. De plus, les


FIWI Berne<br />

analyses biomoléculaires visant à identifier<br />

les espèces de babésies en cause ont montré<br />

que 11% des chevreuils, 0,4% des cerfs,<br />

0,7% des <strong>chamois</strong> et aucun des bouquetins<br />

testés étaient infectés par B. capreoli, les<br />

autres infections étant <strong>du</strong>es à d’autres espèces<br />

de babésies. Les résultats de cette seconde<br />

étude ont ainsi confirmé que l’infection<br />

avec B. capreoli est fréquente chez le<br />

chevreuil et rare chez le <strong>chamois</strong>. Ils ont<br />

également démontré la large distribution de<br />

ce parasite en Suisse (figure 3). De plus,<br />

contrairement à l’hypothèse émise à la fin de<br />

la première étude, les récents résultats suggèrent<br />

que le cerf ne joue pas de rôle dans<br />

l’épidémiologie de B. capreoli en Suisse.<br />

leS chamoiS: hautement<br />

SuSceptibleS à la <strong>maladie</strong>?<br />

A l’échelle suisse, 2 <strong>chamois</strong> sur 267<br />

étaient infectés avec B. capreoli (1%). Ce<br />

faible pourcentage de porteurs sains peut<br />

être expliqué de deux façons: soit les <strong>chamois</strong><br />

ne sont pas souvent en contact avec<br />

l’agent infectieux, soit ils sont très susceptibles<br />

à la <strong>maladie</strong> et succombent rapidement<br />

à <strong>une</strong> infection, soit les deux. Au vu<br />

des cas fatals diagnostiqués ces dernières<br />

années, cette dernière explication semble la<br />

33<br />

plus plausible: en effet, si les infections de<br />

<strong>chamois</strong> étaient fréquentes, plus de cas<br />

mortels seraient observés.<br />

Le faible pourcentage de <strong>chamois</strong> infectés<br />

par B. capreoli est probablement lié au<br />

fait que cette espèce vit généralement à <strong>une</strong><br />

altitude qui ne correspond ni à l’habitat des<br />

tiques, ni à celle où se tiennent les chevreuils<br />

infectés par B. capreoli. En Suisse, la tique la<br />

plus répan<strong>du</strong>e est Ixodes ricinus, qui se<br />

trouve principalement en dessous 1000 m,<br />

et en effet la majorité des animaux échantillonnés<br />

(toutes espèces confon<strong>du</strong>es) infestés<br />

de tiques se trouvaient en dessous de<br />

1000 m, alors que la grande majorité des<br />

<strong>chamois</strong> et bouquetins provenaient d’<strong>une</strong><br />

C H A S S E E T N A T U R E<br />

Fig. 2. Rate d’un <strong>chamois</strong> mort de <strong>babésiose</strong>. L’organe est enflé<br />

et d’apparence irrégulière, et la surface de coupe «dégouline». FIWI Berne<br />

altitude plus élevée. Quant aux chevreuils<br />

porteurs sains de B. capreoli, ils venaient de<br />

régions d’<strong>une</strong> altitude de 800–900 m.<br />

Sur la base de ces observations, on peut<br />

poser l’hypothèse que le système immunitaire<br />

<strong>du</strong> <strong>chamois</strong> n’a pas pu s’adapter à B.<br />

capreoli au cours de son évolution biologique<br />

vu le peu de contacts avec le parasite.<br />

Par conséquent, cette espèce serait très susceptible<br />

et la plupart des indivi<strong>du</strong>s mourraient<br />

de <strong>babésiose</strong>. L’augmentation <strong>du</strong> pourcentage<br />

de tiques survivant à haute altitude<br />

suite au réchauffement climatique pourrait<br />

ainsi augmenter les risques d’infection chez<br />

le <strong>chamois</strong> et donc engendrer de nouveaux<br />

cas de <strong>babésiose</strong> chez cette espèce.<br />

Le Centre pour la médecine des poissons et de la fa<strong>une</strong> sauvage (FIWI) de<br />

l’Université de Berne est mandaté par l’Office fédéral de l’environnement et<br />

l’Office vétérinaire fédéral pour effectuer la surveillance de la santé de la<br />

fa<strong>une</strong> sauvage en Suisse. Les chasseurs, gardes-fa<strong>une</strong> et privés peuvent<br />

envoyer tout cas suspect (animal trouvé mort ou abattu présentant des<br />

signes de <strong>maladie</strong>) au FIWI pour analyse. L’envoi est aux frais de l’expéditeur,<br />

mais l’analyse est gratuite (tél. 031 631 24 00). L’envoi de cadavres<br />

suspects permet de détecter la présence de <strong>maladie</strong>s pouvant nuire à la<br />

fa<strong>une</strong>, aux animaux domestiques et à l’être humain.

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