xi eme‐ xiii eme siecles - Université Paris-Sorbonne

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profectus.» 213 , alors que Saewulf décline son identité et accentue sa faute : « Ego Saewlfus, licet indignus et peccator Ierosolimam pergens causa orandi sepulchrum dominicum, dum recto tramite simul cum aliis illuc pergentibus […] » 214 Par ailleurs, les pèlerinages pénitentiels sont la punition d’hommes et de femmes qui ont commis des actions personnelles graves et que seul le toucher du tombeau absoudra. Quel que soit leur motif, ces personnes sont avant tout des pécheurs qui doivent faire pénitence. Nous avons auparavant mentionné les cas d’Othon de Strasbourg et de Guillaume de Boldensele. De plus, les pèlerins souhaitent ardemment atteindre un lieu sanctifié par le passage du Christ ou par la présence d’un corps vénéré, faiseur de miracles, afin de bénéficier de toute la « grâce » de celui-ci. La croyance est sans bornes : l’idée d’être rendu « meilleur » fait son chemin. La force de la foi conduit les hommes à bien des actes. Ces démarches peuvent les mener à une étape spirituelle supplémentaire 215 , comme un désir d’ascétisme les menant à une vie d’ermite dans le désert ou à se refugier dans des conditions de vie différentes de la « norme » 216 . Ce désir de détachement du siècle est analogue à l’entrée en religion. Ainsi, un certain Raoul, baron en Occident, délaisse sa fortune pour devenir ermite à Jérusalem. Gérard de Nazareth s’installe au Mont Thabor alors que la plupart des fidèles désireux de consacrer leur vie à la religion se dirige vers la Montagne Noire près d’Antioche pour vivre pleinement et rigoureusement la règle de saint Benoît, mettant davantage l’accent sur la pénitence, la pauvreté et la rupture avec le monde. Les intentions sont bonnes mais parfois elles tournent vite court, à cause d’un désir d’ostentation ou par la volonté (manifeste chez certains seigneurs) de maintenir un train de vie identique à celui qu’ils connaissent. Le duc de Saxe, Henri le Lion, en Terre Sainte en 1171, se fait remarquer par des dépenses somptuaires, enrichissant les établissements religieux lors de son trajet et envoyant aux Hospitaliers soixante mille besants pour acquérir des terres et des « casaux » dans le but d’assurer son quotidien durant son séjour. 213 Thietmar, op. cit. p. 1, ligne 5. 214 Saewulf, op. cit. p. 59, lignes 1 à 4. 215 Voir l’étude synthétique de Marcel Pacaut Les ordres monastiques et religieux au Moyen-Age coll. Fac Histoire, édition Nathan Université, 1993. Une crise profonde traverse les communautés : soit elles instaurent de nouvelles règles plus strictes au sein même du régime bénédictin jugé trop ouvert sur le monde, soit elles se tournent vers l’érémitisme. 216 Zander, Léon, le pèlerin dans 1054-1954, L’Eglise et les Eglises, études et travaux offerts à Dom Lambert Beaudouin, Chevetogne, 1955, tome 2, p. 472-473. 91

Beaucoup sont rattrapés par la vanité. Des aspects moins avouables se font jour comme l’orgueil ostentatoire et la volonté d’étaler ses largesses. La tentation est grande de se montrer généreux, mais lorsque cela tourne au spectacle, l’acte accompli s’en trouve annulé. L’homme redevient pécheur. C’est en cela que s’appliquent les paroles de Saint Jérôme : « Ce qui est louable, ce n’est point d’avoir vu Jérusalem, mais c’est d’avoir bien vécu à Jérusalem ». C’est la raison pour laquelle les hommes d’Eglise sont si réticents au pèlerinage. Ils y voient une perversion et parlent de Jérusalem comme d’une nouvelle Sodome. Mais que dire du comportement de Foulque Nerra, prodigue en largesses lorsqu’il paie les droits d’entrée à Jérusalem pour sa suite et les badauds alors qu’il était d’usage que le pèlerin le plus riche paie pour les plus pauvres ? 217 . Que dire de l’attitude de l’abbé Richard de Verdun qu’on accuse de s’entourer de sept cents pauvres compagnons par pur orgueil ? Ou encore du train de vie de l’évêque de Bamberg qui ne semble pas correspondre à l’état d’esprit du voyage selon le chroniqueur : « […] Praedicti episcopi Hierosolimam pergentes, dum magnitudinem opum suarum gentibus, per quas iter habebant, inconsultius ostentarent, ultimum sibi periculum consciverant, nisi rem humana temeritate prolapsam divina misericordia restituisset » 218 . Tandis que d’autres évitent ce danger et restent humbles, comme le rappelle Raoul Glaber 219 à propos d’un homme d’Auxerre mourant en odeur de sainteté : « […] iste procul dubio liber a vanitate ob quam multi proficiscuntur, ut solummodo mirabiles habeantur de Jherosolimitano itinere. » Le millénarisme est un facteur supplémentaire, l’idée de mourir sans avoir accompli d’action vertueuse peut décider un futur-pèlerin ou encore le fait d’avoir échapper à une catastrophe naturelle 220 . Mais la crainte de l’Enfer fait également partie de ces mobiles qui poussent un chrétien comme le comte d’Anjou Foulque Nerra à effectuer le pèlerinage. Celui-ci se trouve d’abord destabilisé par les continuelles remarques de l’Eglise sur son comportement trop sanguinaire. Faisant acte de contrition, il revêt les habits de pèlerin. Mais essuyant de nombreuses tempêtes lors de son premier voyage maritime et notamment au large de la Syrie, il y voit là un signe de la colère divine et redouble l’ardeur de ses 217 « Tam pro se quam pro aliis christianis ad portam sibi prohibitam morantibus » Chronique des comtes d’Anjou et des seigneurs d’ Auboise, éd. L Alphen, R. Poupardin, Paris, 1913, p. 50-51. 218 Annales MGH SS V, p.168. 219 Raoul Glaber, Historiae, in Recueil des historiens des Gaules et de la France, sous la direction de M. Bouquet et L. Delisle, V. Palmé, Paris, 1869-1880, tome 10. 220 Labande, E.-R., « Pellegrini o crociati ? Mentalità et comportamenti a Gerusalemme nel secolo XII », aevum, université catholique du Sacré Cœur, Milan, 1980, tome LIV, p. 217-230. 92

Beaucoup sont rattrapés par la vanité. Des aspects moins avouables se font jour comme<br />

l’orgueil ostentatoire et la volonté d’étaler ses largesses. La tentation est grande de se<br />

montrer généreux, mais lorsque cela tourne au spectacle, l’acte accompli s’en trouve<br />

annulé. L’homme redevient pécheur. C’est en cela que s’appliquent les paroles de Saint<br />

Jérôme : « Ce qui est louable, ce n’est point d’avoir vu Jérusalem, mais c’est d’avoir bien<br />

vécu à Jérusalem ». C’est la raison pour laquelle les hommes d’Eglise sont si réticents au<br />

pèlerinage. Ils y voient une perversion et parlent de Jérusalem comme d’une nouvelle<br />

Sodome. Mais que dire du comport<strong>eme</strong>nt de Foulque Nerra, prodigue en largesses<br />

lorsqu’il paie les droits d’entrée à Jérusalem pour sa suite et les badauds alors qu’il était<br />

d’usage que le pèlerin le plus riche paie pour les plus pauvres ? 217 . Que dire de l’attitude<br />

de l’abbé Richard de Verdun qu’on accuse de s’entourer de sept cents pauvres compagnons<br />

par pur orgueil ? Ou encore du train de vie de l’évêque de Bamberg qui ne semble pas<br />

correspondre à l’état d’esprit du voyage selon le chroniqueur : « […] Praedicti episcopi<br />

Hierosolimam pergentes, dum magnitudinem opum suarum gentibus, per quas iter<br />

habebant, inconsultius ostentarent, ultimum sibi periculum consciverant, nisi rem humana<br />

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danger et restent humbles, comme le rappelle Raoul Glaber 219 à propos d’un homme<br />

d’Auxerre mourant en odeur de sainteté : « […] iste procul dubio liber a vanitate ob quam<br />

multi proficiscuntur, ut solummodo mirabiles habeantur de Jherosolimitano itinere. »<br />

Le millénarisme est un facteur supplémentaire, l’idée de mourir sans avoir accompli<br />

d’action vertueuse peut décider un futur-pèlerin ou encore le fait d’avoir échapper à une<br />

catastrophe naturelle 220 . Mais la crainte de l’Enfer fait égal<strong>eme</strong>nt partie de ces mobiles qui<br />

poussent un chrétien comme le comte d’Anjou Foulque Nerra à effectuer le pèlerinage.<br />

Celui-ci se trouve d’abord destabilisé par les continuelles remarques de l’Eglise sur son<br />

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Mais essuyant de nombreuses tempêtes lors de son premier voyage maritime et notamment<br />

au large de la Syrie, il y voit là un signe de la colère divine et redouble l’ardeur de ses<br />

217 « Tam pro se quam pro aliis christianis ad portam sibi prohibitam morantibus » Chronique des comtes<br />

d’Anjou et des seigneurs d’ Auboise, éd. L Alphen, R. Poupardin, <strong>Paris</strong>, 1913, p. 50-51.<br />

218 Annales MGH SS V, p.168.<br />

219 Raoul Glaber, Historiae, in Recueil des historiens des Gaules et de la France, sous la direction de M. Bouquet<br />

et L. Delisle, V. Palmé, <strong>Paris</strong>, 1869-1880, tome 10.<br />

220 Labande, E.-R., « Pellegrini o crociati ? Mentalità et comportamenti a Gerusalemme nel secolo XII », aevum,<br />

université catholique du Sacré Cœur, Milan, 1980, tome LIV, p. 217-230.<br />

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