xi eme‐ xiii eme siecles - Université Paris-Sorbonne

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Mais chaque pèlerin est unique et les préoccupations de chacun différentes. Riccold de Monte Croce, en sa qualité de missionnaire Dominicain s’interroge, sur la façon d’évangéliser les régions d’Orient en apportant des informations sur leurs us et coutumes, « […] ut fratres qui vellent laborem pro Christo adsumere pro fides dilatanda sciant quo indigent et ubi et qualiter magis possunt proficere » 200 . Dans une toute autre optique, le sénéchal Joinville cherche à montrer la piété de son roi à travers son récit en soulignant son comportement exemplaire. Son récit s’ouvre sur les paroles suivantes : « Chier sire, je vous foiz a savoir que ma dame la royne, vostre mere, qui moult m’amoit, a cui Dieu bone mer ce face, me pria si a certes comme elle pot que je li feisse faire un livre des saintes paroles et des bons faiz nostre roy saint Looÿs, et je les y oi en convenant, et a l’aide de Dieu, le livre est assouvi en .II. parties » 201 . Son objectif premier vise donc à souligner les hauts-faits du roi et ses efforts pour délivrer la Terre Sainte des Infidèles. C’est un récit de croisade qui expose les motivations de Louis IX avant tout. En outre, les raisons qui conduisent à entreprendre un pèlerinage sont également véhiculées par les sermons des prédicateurs. Ces textes exhortent les fidèles à prendre l’escharpe et le bourdon. Ils tendent à montrer les bienfaits que le pèlerinage leur apportera. Ce sur quoi nous voulons insister, concerne la démarche entreprise par les prédicateurs pour montrer le pèlerinage dans son ensemble. En effet, ils ont recours à une double approche qui souligne la difficulté du pèlerinage et les bienfaits accordés par Dieu à ces fidèles. Les sermons mettent en avant les duretés du quotidien car ils rappellent qu’il s’agit d’une œuvre d’expiation qui nécessite un travail intérieur, personnel, engageant un renoncement à sa famille, une modification de son mode de vie et de son confort personnel. En cela, le discours rejoint pleinement les récits des pèlerins du corpus d’étude qui fait état des difficultés rencontrées. Les aspects les plus triviaux sont ainsi évoqués mais ils sont considérés comme des épreuves pour parvenir à la récompense ultime. Chaque défaut peut être corrigé : celui qui aime à se prélasser dans un lit douillet fera l’expérience du lit de fortune, le paresseux découvrir le réveil matinal, l’économe voire l’avare devra faire face aux dépenses du voyage, le médisant fera l’expérience de la communauté et de ses propos 200 Riccold, op.cit,. p. 36. 201 Joinville « Cher seigneur, je vous fais savoir que madame la reine, votre mère, qui m’aimait beaucoup- que Dieu lui accorde un bon pardon- me pria avec toute l’insistance qu’elle put de lui faire écrire un livre des saintes paroles et des bonnes actions de notre saint roi Louis ; et je m’y engageai et Dieu aidant, le livre est terminé en deux parties » traduction J. Monfrin. 87

désobligeants. Le tout étant de ne pas se laisser gagner par la difficulté de quitter sa famille ou ses proches. C’est ainsi que Jacques de Vitry ne manque pas d’édifier ses fidèles et de prévenir toute plainte du pèlerin 202 : la couche du Christ nourrisson n’était qu’une mangeoire, pourquoi réclamer un bon lit ? Le chemin est long, les pieds sont las, mais que dire du Christ et de sa couronne d’épine ? Les éléments naturels déchaînés causent bien des tourments au pèlerin, pourtant de nombreux épisodes bibliques ne montrent-ils pas la protection qui a été accordée par Dieu ? Ces difficultés servent également par contraste à souligner les bienfaits et les aides accordées par Dieu et les saints à ceux qui souffrent ainsi. A l’image d’Abraham 203 , premier pèlerin puisque Yahvé lui a demandé de quitter sa famille et ses terres, Dieu comblera le pèlerin de biens spirituels, tout comme il l’a promis aux descendants d’Abraham. Le Christ est lui aussi pris à témoin. On souligne sa qualité de pèlerin dès son jeune âge pour montrer combien il peut compatir aux épreuves du pèlerin et lui venir en aide. A travers ces oppositions les prédicateurs souhaitent faire comprendre que les difficultés rencontrées lors du saint voyage seront une source de mérites pour le pèlerin. Très concrètement, le Tractatus d’Etienne de Bourbon consacre un chapitre 204 aux bienfaits accordés aux pèlerins qui en sont dignes et prend en considération douze raisons valables 205 : « Qui super astra tonat peregrinis hec bona donat : Sanctorum meritis hostis quod sit tibi mitis, Pascit, amat, curat, servat sepelireque curat, Ditat et associat, punit sibi si male fiat, Liberat, exaltat, confortat, saluat, inaltat ; Hiis vitam donat et eos in fine coronat. » Deux exempla (repris tels que dans la Scala Coeli de Jean Gobi) exposent des avantages concrets. Ainsi, il est noté que le pèlerinage nourrit. Dans l’un des textes, il est écrit que 202 Longère, J. «Deux sermons de Jacques de Vitry Ad peregrinos», L’image du pèlerin au Moyen Age et sous l’Ancien Régime », op. cit., p. 92-103. 203 La Bible de Jérusalem, op.cit., Galates 3,16. 204 Stephani de Borbone, op. cit, Quartum capitulum, De diversis beneficiis que Deus meritis sanctorum dat peregrinis, p. 221. 205 Stephani de Borbone, op. cit, Quartum capitulum, De diversis beneficiis que Deus meritis sanctorum dat peregrinis, p. 221. Il est question d’apaiser les ennemis des pèlerins, de nourrir, soigner, protéger les pèlerins de la mort, se préoccuper de leur sépulture, de les enrichir spirituellement et parfois matériellement. 88

désobligeants. Le tout étant de ne pas se laisser gagner par la difficulté de quitter sa famille<br />

ou ses proches. C’est ainsi que Jacques de Vitry ne manque pas d’édifier ses fidèles et de<br />

prévenir toute plainte du pèlerin 202 : la couche du Christ nourrisson n’était qu’une<br />

mangeoire, pourquoi réclamer un bon lit ? Le chemin est long, les pieds sont las, mais que<br />

dire du Christ et de sa couronne d’épine ? Les éléments naturels déchaînés causent bien des<br />

tourments au pèlerin, pourtant de nombreux épisodes bibliques ne montrent-ils pas la<br />

protection qui a été accordée par Dieu ?<br />

Ces difficultés servent égal<strong>eme</strong>nt par contraste à souligner les bienfaits et les aides<br />

accordées par Dieu et les saints à ceux qui souffrent ainsi. A l’image d’Abraham 203 ,<br />

premier pèlerin puisque Yahvé lui a demandé de quitter sa famille et ses terres, Dieu<br />

comblera le pèlerin de biens spirituels, tout comme il l’a promis aux descendants<br />

d’Abraham. Le Christ est lui aussi pris à témoin. On souligne sa qualité de pèlerin dès son<br />

jeune âge pour montrer combien il peut compatir aux épreuves du pèlerin et lui venir en<br />

aide.<br />

A travers ces oppositions les prédicateurs souhaitent faire comprendre que les difficultés<br />

rencontrées lors du saint voyage seront une source de mérites pour le pèlerin.<br />

Très concrèt<strong>eme</strong>nt, le Tractatus d’Etienne de Bourbon consacre un chapitre 204 aux<br />

bienfaits accordés aux pèlerins qui en sont dignes et prend en considération douze raisons<br />

valables 205 :<br />

« Qui super astra tonat peregrinis hec bona donat :<br />

Sanctorum meritis hostis quod sit tibi mitis,<br />

Pascit, amat, curat, servat sepelireque curat,<br />

Ditat et associat, punit sibi si male fiat,<br />

Liberat, exaltat, confortat, saluat, inaltat ;<br />

Hiis vitam donat et eos in fine coronat. »<br />

Deux exempla (repris tels que dans la Scala Coeli de Jean Gobi) exposent des avantages<br />

concrets. Ainsi, il est noté que le pèlerinage nourrit. Dans l’un des textes, il est écrit que<br />

202<br />

Longère, J. «Deux sermons de Jacques de Vitry Ad peregrinos», L’image du pèlerin au Moyen Age et sous<br />

l’Ancien Régime », op. cit., p. 92-103.<br />

203<br />

La Bible de Jérusalem, op.cit., Galates 3,16.<br />

204<br />

Stephani de Borbone, op. cit, Quartum capitulum, De diversis beneficiis que Deus meritis sanctorum dat<br />

peregrinis, p. 221.<br />

205<br />

Stephani de Borbone, op. cit, Quartum capitulum, De diversis beneficiis que Deus meritis sanctorum dat<br />

peregrinis, p. 221. Il est question d’apaiser les ennemis des pèlerins, de nourrir, soigner, protéger les pèlerins de<br />

la mort, se préoccuper de leur sépulture, de les enrichir spirituell<strong>eme</strong>nt et parfois matériell<strong>eme</strong>nt.<br />

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