xi eme‐ xiii eme siecles - Université Paris-Sorbonne

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A. Les motivations matérielles En premier lieu, un pèlerin peut choisir de se déplacer afin de demander une grâce qui sera visible, concrète, si elle est exaucée. La conséquence de cette satisfaction peut se traduire par une guérison, une naissance, un événement à l’issue heureuse, un secours miséricodieux comme sa propre guérison ou celle d’un proche. La nature de cette faveur doit lui être particulièrement chère pour qu’il accomplisse un tel voyage sinon le pèlerin se dirige vers un sanctuaire moins lointain (dans ce cas le pèlerinage s’effectue en trois jours environ). Dans notre corpus Riccold de Monte Croce demande que les efforts missionnaires qu’il accomplira à l’issue du pèlerinage soient couronnés de succès et se traduisent dans la réussite de l’action des autres frères Prêcheurs : « […] ut fratres qui vellent laborem pro Christo adsumere pro fide dilatanda sciant quo indigent et ubi et qualiter magis possunt proficere. Causa movens » 167 . En deuxième lieu, le pèlerinage peut s’effectuer pour remercier Dieu à la suite de l’obtention d’une faveur. En effet, certains pèlerins, qui ont entrepris un précédent voyage pieux non loin de chez eux et qui ont prononcé un vœu conditionnel les conduisant à Jérusalem pour le cas où leur sollicitation serait accordée, se mettent en chemin pour accomplir leur engagement. Ainsi, ils se présentent dans un autre état d’esprit, emprunts de joie et de reconnaissance. Ils voyagent la plupart du temps avec des ex-voto pour donner à leur tour, et remercier des bienfaits accordés. Ils rendent ainsi grâce à Dieu de les avoir soutenus dans une situation délicate, voire vitale ou à la suite d’une catastrophe… Certains se présentent avec des objets réels, d’autres avec des représentations symboliques 168 (en cire ou en fer selon leurs moyens financiers) comme un cierge correspondant au membre guéri. D’autres encore forgent les fers qui les entravaient durant leur pénitence. Tous sont animés d’un même désir de témoigner du miracle reçu, et cela se traduit concrètement par la cicatrice (preuve matérielle s’il en est d’une atteinte au corps), par les objets rendus inutiles comme des béquilles, des escabeaux, des chaînes. Cette offrande compensatoire 167 Riccold, op. cit., p. 36. 168 Brown P., The cult of the Saints : its Rise and Fonction in Latin Christianity, Chicago, 1981 et Hermann- Mascard, N., Les reliques des Saints, formation coutumière d’un droit, Paris, 1975. 79

ainsi proposée est généralement en matière précieuse ou en argent, voire en métal afin de durer dans le temps. Nous avons mentionné plus haut l’épisode du péril de mer du sénéchal Joinville et le vœu conditionnel qu’il a prononcé pour un pèlerinage à Saint-Nicolas de Varange puisque le danger se présente durant leur retour de Terre Sainte. La reine avait promis un objet en argent d’une valeur de cinq marcs. Celui-ci prend la forme d’une nef, il est représentatif de l’environnement maritime dans lequel l’assemblée se trouve au moment de la prononciation du voeu et il incarne le péril de mer. Le sénéchal et la reine tiennent parole et la réalisation finale est ainsi faite : «et estoit en la nef le roy, la royne, et les III enfans, touz d’argent, le marinier, le mat, le gouvernail, les cordes, tout d’argent, et le voile tout d’argent 169 ». Chacun des personnages importants, présents sur l’embarcation lors du danger de naufrage, figure sur la réalisation finale, de même que les matériaux qui ont subi des dommages mais que l’adresse du capitaine a permis de maîtriser malgré les avaries. La matière première employée à cet effet est l’argent, matériau qui a fait ses preuves pour ses qualités de résistance. Foucher de Chartres, quant à lui, rapporte une anecdote mettant en avant l’offrande compensatoire offerte par un certain comte Josselin. Ce dernier s’est enfui du château de Balak aidé d’un paysan. Il parvient à rentrer sain et sauf chez lui et décide de se rendre à Jérusalem pour remercier le Ciel : « […] là, il paie au Seigneur un juste tribut de louanges et d’actions de grâces, lui offre deux chaînes, de celles qu’on attache aux pieds, l’une en fer, l’autre en argent, qu’il avait apportées avec lui et les suspend pieusement sur la montagne du Calvaire, en mémoire de sa captivité ainsi qu’en reconnaissance de sa glorieuse délivrance 170 . » Les arbres servent de support pour les ex-voto et il n’est pas rare d’apercevoir de tels supports sur des lieux de pèlerinage de quelque importance qu’ils soient. Quelques autres pèlerins se présentent avec des offrandes, font des dons d’argent et dispensent des largesses infinies pour marquer leur reconnaissance. En outre, le désir de toucher de ses propres mains les lieux saints, les vestiges ou les reliques - qu’elles soient constituées à proprement parler de ces objets sacrés ou par 169 Joinville, op. cit., §633. 170 Foucher de Chartres, op.cit., p. 238. 80

A. Les motivations matérielles<br />

En premier lieu, un pèlerin peut choisir de se déplacer afin de demander une grâce qui sera<br />

visible, concrète, si elle est exaucée. La conséquence de cette satisfaction peut se traduire<br />

par une guérison, une naissance, un évén<strong>eme</strong>nt à l’issue heureuse, un secours<br />

miséricodieux comme sa propre guérison ou celle d’un proche. La nature de cette faveur<br />

doit lui être particulièr<strong>eme</strong>nt chère pour qu’il accomplisse un tel voyage sinon le pèlerin se<br />

dirige vers un sanctuaire moins lointain (dans ce cas le pèlerinage s’effectue en trois jours<br />

environ). Dans notre corpus Riccold de Monte Croce demande que les efforts<br />

missionnaires qu’il accomplira à l’issue du pèlerinage soient couronnés de succès et se<br />

traduisent dans la réussite de l’action des autres frères Prêcheurs : « […] ut fratres qui<br />

vellent laborem pro Christo adsumere pro fide dilatanda sciant quo indigent et ubi et<br />

qualiter magis possunt proficere. Causa movens » 167 .<br />

En deu<strong>xi</strong>ème lieu, le pèlerinage peut s’effectuer pour r<strong>eme</strong>rcier Dieu à la suite de<br />

l’obtention d’une faveur. En effet, certains pèlerins, qui ont entrepris un précédent voyage<br />

pieux non loin de chez eux et qui ont prononcé un vœu conditionnel les conduisant à<br />

Jérusalem pour le cas où leur sollicitation serait accordée, se mettent en chemin pour<br />

accomplir leur engag<strong>eme</strong>nt. Ainsi, ils se présentent dans un autre état d’esprit, emprunts de<br />

joie et de reconnaissance. Ils voyagent la plupart du temps avec des ex-voto pour donner à<br />

leur tour, et r<strong>eme</strong>rcier des bienfaits accordés. Ils rendent ainsi grâce à Dieu de les avoir<br />

soutenus dans une situation délicate, voire vitale ou à la suite d’une catastrophe… Certains<br />

se présentent avec des objets réels, d’autres avec des représentations symboliques 168 (en<br />

cire ou en fer selon leurs moyens financiers) comme un cierge correspondant au membre<br />

guéri. D’autres encore forgent les fers qui les entravaient durant leur pénitence. Tous sont<br />

animés d’un même désir de témoigner du miracle reçu, et cela se traduit concrèt<strong>eme</strong>nt par<br />

la cicatrice (preuve matérielle s’il en est d’une atteinte au corps), par les objets rendus<br />

inutiles comme des béquilles, des escabeaux, des chaînes. Cette offrande compensatoire<br />

167 Riccold, op. cit., p. 36.<br />

168 Brown P., The cult of the Saints : its Rise and Fonction in Latin Christianity, Chicago, 1981 et Hermann-<br />

Mascard, N., Les reliques des Saints, formation coutumière d’un droit, <strong>Paris</strong>, 1975.<br />

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