xi eme‐ xiii eme siecles - Université Paris-Sorbonne
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modo visitas nos sed nos in die judicii te requiremus et quicquid boni poterimus tibi prestabimus. » Il est noté que la femme accueille ses hôtes « cum magna devotione ». Elle leur témoigne ainsi une considération certaine. L’hôtesse exprime ensuite en quelques mots l’idéal de pauvreté et de solitude qu’incarnent ses visiteurs, rendus marginaux par leur propre volonté de mettre leurs pas dans ceux du Christ. Leur errance n’est pas négative. Elle souligne aussi les compensations qui en résultent comme le contact privilégié avec les Saints, La Vierge ou le Christ (voir le Diable) et le fait de transcender des éléments problématiques majeurs. Les souffrances encourues sont donc largement compensées au regard de ces liens personnels tissés avec le Ciel. Par conséquent, elle dresse un portrait positif des pèlerins. Par ailleurs, elle mentionne son impossibilité à se rendre personnellement en pèlerinage, mais elle indique qu’elle le réalise par procuration, en apportant sa propre contribution consistant en l’accueil des pèlerins. Nous remarquons ainsi que l’œuvre de piété vaut autant que le pèlerinage. A travers cet exemplum, il est montré que l’accueil des pèlerins constitue, certes, une bonne action qui correspond bien aux préceptes de l’Eglise mais qu’il est aussi favorable à ceux qui ne partent pas. C’est cette idée de vases communicants, d’osmose que les prédicateurs tendent à souligner : le pèlerinage des uns se répercute sur le bien-être des autres. La sensation positive est immédiate grâce au service rendu et se prolonge jusqu’au jour du Jugement puisqu’elle aura des conséquences dans l’au-delà. Par ailleurs, l’expression « cum magna devotione » porte également sur la façon dont les hôtes perçoivent l’aumône qui leur est faite. Chacun retire une satisfaction concluante de cette expérience fondée sur un équilibre tangible. C’est au XIII ème siècle que se concrétisent 153 , malgré de nombreuses équivoques, les mesures de protection de la personne contre les arrestations arbitraires, les agressions, ou l’exploitation économique. Déjà au VIII ème siècle avec la paix du Prince, et au X ème siècle avec la paix de Dieu, les pèlerins bénéficient d’une protection juridique, car leurs agresseurs sont frappés d’excommunication, et les peines encourues par ceux-là sont plus lourdes que celles concernant l’agression d’un simple voyageur. Les pèlerins bénéficient d’une reconnaissance sociale de leur statut. En effet, il devenait capital de lutter contre les faux pèlerins, ces criminels usant des droits et du costume des vrais pèlerins pour les détrousser ou encore pour abuser des honnêtes gens qui leurs 153 Gilles, H., op.cit. , p.165-166. 71
venaient en aide, sans compter que certains en profitaient pour mendier, ce qui n’est pas autoriser pour le pèlerin. Par conséquent, des confréries vont être créées 154 pour légitimer le statut de pèlerin, état dont la frontière avec la marginalité a été ténue aux premiers âges, comme nous l’avons vu dans la définition. Ces dernières vont instituer une délivrance de certificats permettant de renforcer le cadre juridique avec pour objectif secondaire de prolonger au-delà du pèlerinage, les effets de celui-ci et de l’exploit qui a été accompli. Cette marque officielle dont nous avons parlée précédemment implique un droit naturel au logement (nous verrons que l’Eglise pourvoit à l’accueil des pèlerins) au feu, au pain et à l’eau. A cela, s’ajoutent des avantages économiques comme l’exemption de tonlieux et de péages. Cela est mis en place très tôt car un capitulaire de Pépin le Bref 155 les affranchit de certaines redevances. De plus, nul ne peut saisir leurs biens et les intérêts générés par ceuxci pendant leur absence. Ils jouissent de prérogatives particulières comme le bénéfice d’un délai supplémentaire avant le partage de leurs biens entre leurs héritiers. Par ailleurs, certaines mesures ont été prises afin de protéger les pèlerins durant leur trajet. Ainsi, la peine encourue est plus lourde pour l’attaque ou le détroussement d’un pèlerin que pour un méfait ordinaire. Des textes de loi, regardent bientôt l’accueil et la sécurité dans les bateaux les menant au Proche-Orient 156 . Des structures hospitalières particulières voient le jour en France et à l’étranger… Les mesures concernent aussi le retour du pèlerin qui doit pouvoir retrouver sa maison et sa famille. Aussi, une durée légale a-t-elle été impartie avant d’accorder le droit à une nouvelle union pour éviter les remariages et la redistribution des biens précocément. C’est en 1072 que le Concile de Rouen interdit aux femmes de se remarier trop tôt après le présumé retour de leur mari. Il déclarait excommuniée la femme qui, pendant l’absence de son mari parti pour un pèlerinage, se serait remariée avant d’avoir eu la certitude de la mort de son époux. En effet, plusieurs cas sont mentionnés où le mari revenant de son pèlerinage bien après la date estimée au départ retrouve une femme qui a refait sa vie. Quant à lui, il ne posséde plus rien puisque ses biens ont été dispersés… 157 Ces éventualités trouvent un écho dans les exempla. Jean Gobi rapporte l’aventure citée par Césaire de Hesteirbach. Un chevalier, à l’instar de Saint Martin, vient en aide à un 154 Dom Jacques Dubois, op. cit., p. 322. 154 Orderic Vital Historia Ecclesiastica, A Leprevost, L Delisle (éd.), tome 2, 1840, p. 185. 155 Cap. , IV ann. 754-755 dans Boretius Capitularia reg. Franc. , tome1, p. 32. 156 Cf. la partie intitulée « le voyage ». 157 Orderic Vital, op. cit., p.185. et Ludovic Lalanne Des pèlerinages en Terre sainte avant les croisades in « bibliothèque de l’école des chartes », tome 7, 1845-1846, p. 10, n°1. 72
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Par ailleurs, certaines mesures ont été prises afin de protéger les pèlerins durant<br />
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Rouen interdit aux femmes de se remarier trop tôt après le présumé retour de leur mari. Il<br />
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pèlerinage, se serait remariée avant d’avoir eu la certitude de la mort de son époux. En<br />
effet, plusieurs cas sont mentionnés où le mari revenant de son pèlerinage bien après la<br />
date estimée au départ retrouve une femme qui a refait sa vie. Quant à lui, il ne posséde<br />
plus rien puisque ses biens ont été dispersés… 157<br />
Ces éventualités trouvent un écho dans les exempla. Jean Gobi rapporte l’aventure citée<br />
par Césaire de Hesteirbach. Un chevalier, à l’instar de Saint Martin, vient en aide à un<br />
154 Dom Jacques Dubois, op. cit., p. 322.<br />
154 Orderic Vital Historia Ecclesiastica, A Leprevost, L Delisle (éd.), tome 2, 1840, p. 185.<br />
155 Cap. , IV ann. 754-755 dans Boretius Capitularia reg. Franc. , tome1, p. 32.<br />
156 Cf. la partie intitulée « le voyage ».<br />
157 Orderic Vital, op. cit., p.185. et Ludovic Lalanne Des pèlerinages en Terre sainte avant les croisades in<br />
« bibliothèque de l’école des chartes », tome 7, 1845-1846, p. 10, n°1.<br />
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