xi eme‐ xiii eme siecles - Université Paris-Sorbonne

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tel saint si Dieu m’accorde telle faveur ». C’est exactement le type de vœu que le sénéchal Joinville prononce lors de l’épisode du péril de mer. Il rapporte que son embarcation a heurté un banc de sable. Malheureusement une tempête se lève et met en péril de noyade tout son équipage. La reine demande conseil à Joinville qui lui propose de promettre un pèlerinage à Saint-Nicolas s’ils s’en sortent avec en cadeau une nef d’argent : « Dame, prometés la voie a mon seigneur saint Nicholas de Warangeville » ou encore «vous li promettrés une nef d’argent de V marrs pour le roy, pour vous et pour vos III enfans ; et je vous sui plege que Dieu vous ramenra en France, car je promis a saint Nicholas que se il nous reschapoit de ce peril la ou nous avions la nuit esté, que je l’iroie requerre de Joinville a pié et deschaus ». Ce qu’il ne manquera pas d’accomplir à son retour 148 . Le frère Felix Fabri, dont la traversée est très chaotique, rapporte les diverses pratiques dont il a été témoin au cours des nombreuses tempêtes. Les marins en pareille situation, inscrivent chacun un souhait sur un morceau de papier en précisant à quel saint il est destiné avec la promesse de se rendre sur leur lieu de culte s’ils s’en sortent ou les diverses promesses d’effectuer un pèlerinage en des lieux précis avant la fin de leur voyage 149 . Il est important de noter le caractère contraignant du vœu. C’est un véritable engagement dont on ne peut se dédire à moins que le vœu ne soit conditionnel et que la partie contingente ne soit pas réalisée. Ou à moins que la personne qui l’ait prononcé ne rentre pas dans le cadre institué, ou encore qu’un supérieur en dispense, comme le peut un évêque. Cependant, ce voeu peut être transmis. C’est le cas du chevalier Josselin auquel le père transmet le vœu sur son lit de mort. Il existe des pèlerins vicaires, certains s’en font même une profession. 150 Le vœu est spontané dans la plupart des cas évoqués car il est d’ordre personnel mais il peut aussi être suggéré par un confesseur même si aucun péché notoire n’a été commis. C’est ainsi qu’en 1142, Louis VII fait vœu de pénitence à cause de sa passivité lors de l’incendie de l’église de Vitry en Champagne. L’accident est catastrophique car la plupart des habitants de la ville s’y sont réfugiés et ils périssent, immolés. C’est son vœu de pénitence qui sera adapté afin de trouver un écho à l’appel à la deuxième croisade. 148 Jean de Joinville, Vie de Saint Louis , édition J. Monfrin, Paris, 1995, §632-633. 149 Félix Fabri, op. cit. Chaque incident potentiellement grave est l’occasion de s’en remettre à Dieu. « Peregrini vero et alii ad hos discursus et labores inutiles Deum orabant, et sanctos invocabant. Aliqui suas confessiones facievant, tamquam jam in procinctu constitui, articulum ultimum mortis expectantes. Aliqui vota magna emittebant ad Romam, ad S. Jacobum, et ad Beatam virginem hinc inde se ituros promittebant, ut hanc mortem evadere possent.» p. 70. « Ideo propter instans periculum devenit dominus Patronus, quod statim adepto portu Parentino cum omnibus peregrinis vellet navigare ad insulam S. Nicolai ibique Missas pro gratiarumactione legere et cantare, quod et fatum est. » p. 76. 150 Dossat, Y., op. cit., p. 207-225. 69

) La loi ou lex peregrinorum La lex peregrinorum n’est pas fermement constituée dès le premier âge des pèlerinages 151 . Elle se précise au fil du temps et devient une réalité au XIII ème siècle. Elle est composée de mesures essentiellement protectrices envers le pèlerin. Celui-ci, de par son statut de miserabiles personae, doit être assisté de l’Eglise. Cette aide est concrétisée à travers des actions ou des mesures qui embrassent la protection de la personne, la protection des biens matériels pendant le voyage (notamment à cause de transporteurs ou d’hôteliers malhonnêtes qui subtiliseraient certains bagages, les montures ou des objets personnels pendant le sommeil des pèlerins), et la préservation des intérêts menacés par l’absence du pèlerin. Sans oublier les secours portés durant les diverses étapes du voyage. Ces mesures juridiques fondamentales sont comprises dans l’oraison invocatoire accompagnant la remise des insignes : in via defensio, in domo protectio, ubique presidium. Ainsi, les pèlerins acquièrent un statut différent, quasi privilégié. Nous nous sommes dirigés sur une première question assez simple au premier abord qui concerne l’accueil du pèlerin. En effet, l’Eglise recommande de prendre soin du pèlerin comme s’il s’agissait du Christ lui-même. Mais qu’en est-il dans la réalité ? Quelle idée du pèlerin les personnes rencontrées se font-elles ? Les exempla nous donnent quelques pistes sur cette question. Ici, il s’agit d’un exemplum extrait du recueil de Jean Gobi. Il témoigne de l’accueil particulier qui lui est fait dans une auberge 152 . Le récit met en scène une femme avec deux pèlerins de retour de leur voyage, elle prend la parole et s’exprime sur l’acte qu’ils accomplissent : « Refert Gregorius quod quedam matrona sepe ecclesias sanctorum visitans, cum magna devotione peregrinos suscipiebat dicens : « In peregrinacione homo imitatur Deum et sanctus homo satisfacit de peccatis propriis. Homo acquirit suffragia sanctorum. Homo vincit tres hostes : mundum terrena expendendo, carnis afflictionem sustinendo, demonem celestia affectando. Et ideo ex quo non possum peregrinacionem facere in pedibus omnium ero et recipiam eos libenter. » Cumque precepisset dispensatori suo ut favoribiliter eos tractaret, venerunt duo peregrini et dum cum magna devotione elemosinam ab ea suscepissent, dixerunt : « Tu 151 Gilles, H., « Lex peregrinorum » in Cahiers de Fangeau, les pèlerinages, n°15, Toulouse, 1980, p. 161- 189. 152 Jean Gobi, op. cit. , exemplum n°845, p. 532. 70

tel saint si Dieu m’accorde telle faveur ». C’est exact<strong>eme</strong>nt le type de vœu que le sénéchal<br />

Joinville prononce lors de l’épisode du péril de mer. Il rapporte que son embarcation a<br />

heurté un banc de sable. Malheureus<strong>eme</strong>nt une tempête se lève et met en péril de noyade<br />

tout son équipage. La reine demande conseil à Joinville qui lui propose de promettre un<br />

pèlerinage à Saint-Nicolas s’ils s’en sortent avec en cadeau une nef d’argent : « Dame,<br />

prometés la voie a mon seigneur saint Nicholas de Warangeville » ou encore «vous li<br />

promettrés une nef d’argent de V marrs pour le roy, pour vous et pour vos III enfans ; et je<br />

vous sui plege que Dieu vous ramenra en France, car je promis a saint Nicholas que se il<br />

nous reschapoit de ce peril la ou nous avions la nuit esté, que je l’iroie requerre de Joinville<br />

a pié et deschaus ». Ce qu’il ne manquera pas d’accomplir à son retour 148 . Le frère Felix<br />

Fabri, dont la traversée est très chaotique, rapporte les diverses pratiques dont il a été<br />

témoin au cours des nombreuses tempêtes. Les marins en pareille situation, inscrivent<br />

chacun un souhait sur un morceau de papier en précisant à quel saint il est destiné avec la<br />

promesse de se rendre sur leur lieu de culte s’ils s’en sortent ou les diverses promesses<br />

d’effectuer un pèlerinage en des lieux précis avant la fin de leur voyage 149 .<br />

Il est important de noter le caractère contraignant du vœu. C’est un véritable engag<strong>eme</strong>nt<br />

dont on ne peut se dédire à moins que le vœu ne soit conditionnel et que la partie<br />

contingente ne soit pas réalisée. Ou à moins que la personne qui l’ait prononcé ne rentre<br />

pas dans le cadre institué, ou encore qu’un supérieur en dispense, comme le peut un<br />

évêque. Cependant, ce voeu peut être transmis. C’est le cas du chevalier Josselin auquel le<br />

père transmet le vœu sur son lit de mort. Il e<strong>xi</strong>ste des pèlerins vicaires, certains s’en font<br />

même une profession. 150<br />

Le vœu est spontané dans la plupart des cas évoqués car il est d’ordre personnel mais il<br />

peut aussi être suggéré par un confesseur même si aucun péché notoire n’a été commis.<br />

C’est ainsi qu’en 1142, Louis VII fait vœu de pénitence à cause de sa passivité lors de<br />

l’incendie de l’église de Vitry en Champagne. L’accident est catastrophique car la plupart<br />

des habitants de la ville s’y sont réfugiés et ils périssent, immolés. C’est son vœu de<br />

pénitence qui sera adapté afin de trouver un écho à l’appel à la deu<strong>xi</strong>ème croisade.<br />

148 Jean de Joinville, Vie de Saint Louis , édition J. Monfrin, <strong>Paris</strong>, 1995, §632-633.<br />

149 Félix Fabri, op. cit. Chaque incident potentiell<strong>eme</strong>nt grave est l’occasion de s’en r<strong>eme</strong>ttre à Dieu. « Peregrini<br />

vero et alii ad hos discursus et labores inutiles Deum orabant, et sanctos invocabant. Aliqui suas confessiones<br />

facievant, tamquam jam in procinctu constitui, articulum ultimum mortis expectantes. Aliqui vota magna<br />

emittebant ad Romam, ad S. Jacobum, et ad Beatam virginem hinc inde se ituros promittebant, ut hanc mortem<br />

evadere possent.» p. 70. « Ideo propter instans periculum devenit dominus Patronus, quod statim adepto portu<br />

Parentino cum omnibus peregrinis vellet navigare ad insulam S. Nicolai ibique Missas pro gratiarumactione<br />

legere et cantare, quod et fatum est. » p. 76.<br />

150 Dossat, Y., op. cit., p. 207-225.<br />

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