xi eme‐ xiii eme siecles - Université Paris-Sorbonne
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Plusieurs questions peuvent se poser pour lesquelles nous n’avons, pour l’heure, pas de réponse à apporter : étaient-ils escortés ? Dans le cas d’une réponse positive, quelle autorité les accompagnait (celle de leur seigneur ? celle de l’Eglise ?) Etaient-ils libres de leurs mouvements malgré ces entraves ? N’étaient-elles pas uniquement symboliques ? Ne les revêtait-on pas uniquement à Jérusalem ? L’étude de M. Vogel sur le pèlerinage pénitentiel signale une source 133 mettant en évidence que les corps sont pleinement entravés : « ferrum, ferrei nexus, ferrei circuli, catenae, vincula ferrea, ferrum penitentiale », précisant aussi que les anneaux sont forgés à partir de l’arme du crime : « ex ipso gladio ferrei nexus componantur et collum peccatoris, venter atque brachia strictim innectantur ex ipsis ferreis vinculis », ou encore que la peau de certaines parties du corps comme les pieds, est dénudée : « nudi homines, nudis pedibus », à l’exception des femmes revêtues d’un vêtement blanc. D’autres porteraient un cilice autour du cou. La chronique d’Anjou rapporte que le comte Foulque Nerra parcourt les rues de Jérusalem, la corde au cou et battu de verges par ses serviteurs, en répétant à haute voix les paroles suivantes : « Seigneur, ayez pitié d’un chrétien infidèle et parjure, d’un pécheur errant loin de son pays ». Toutefois, aucune autre mention n’est faite sur la façon dont le reste du voyage a été réalisé. Nous pouvons conjecturer que les manisfestations de pénitence ne se pratiquent qu’autour du Saint Sépulcre. D’ailleurs, la pitié médiévale n’est-elle pas ostensible ? Ainsi, le pèlerin se perçoit par la vue. Il n’est aucunement nécessaire d’expliquer les circonstances de son voyage. L’étude remarquable de F. Garrisson 134 s’interrogeant sur la façon dont les enseignes sont devenues caractéristiques de l’état de pèlerin souligne que toute inégalité disparaît grâce au port de l’insigne. Idéalement, il n’y a plus de distinction de sexe, d’âge, de condition sociale. Riche et pauvre, noble et vilain, clerc et laïc, homme et femme sont placés sur le même pied d’égalité. Cependant, il montre aussi qu’au quotidien, les distinctions perdurent et que sous ces pièces uniformes, chacun retrouve sa condition. Cette identification aisée sert les pèlerins, dans le contexte du voyage, à favoriser l’accueil et l’écoute auprès des populations. Mais elle les dessert tout autant : ces 133 Vogel, C., op. cit. et Guillaume de Malmesbury, Gesta pontificum anglorum, M.G.H. ss XIII, p.138-139. Un habitant de Cologne, en 1060, est envoyé à Rome puis à Jérusalem avec des chaînes. 134 Garrison, F., « A propos des pèlerins et de leur condition juridique » Mélanges Gabriel Le Bras, tome 2, Paris, 1965, p. 1165-1189. 63
voyageurs sont des proies ou des cibles vite repérables. Selon les contingences militaires ou historiques, nous l’avons mentionné plus haut, certains vont même jusqu’à se déguiser pour échapper à d’éventuels dangers. Nous avons montré que la qualité de pèlerin pouvait se définir à partir d’insignes. Cependant il serait réducteur de ne conserver que les apparences qu’il offre aux yeux d’autrui. Nous pouvons aussi nous interroger sur l’image, la réputation qu’il véhicule. Comment est-il perçu par le restant de la population ? Cela tient avant tout à son statut et aux conditions juridiques qui l’entourent. C. Aspect juridique La bénédiction qui accompagne la cérémonie d’attribution des insignes confère un état au pèlerin. Il devient « miserabiles personae » et à ce titre, on se doit de l’accueillir comme s’il était le Christ. Loin de l’errance et de la divagation attachées aux origines du mot, le pèlerin inspire désormais confiance. C’est un être qui a un but, une éthique et qui se plie aux règles imposées par sa démarche spirituelle. Autrement dit, le pèlerinage est cautionné par l’Eglise. Cela offre au pèlerin un statut, important nous le verrons, et reconnu de tous, en particulier des autorités. 1) Qui peut revêtir les attributs du pèlerin ? Le pèlerinage est en soi un acte de foi, de courage et de bravoure. Au vu des nombreuses difficultés matérielles que cela peut engager, la personne qui va faire vœu de pèlerinage se doit de remplir certains critères 135 . Ils se résument tous à une somme de négations. Le premier étant la capacité même de prendre un engagement de cette importance. Aussi le futur pèlerin a-t-il l’obligation d’être un homme libre, majeur, non soumis à l’autorité paternelle et célibataire 136 . De plus, il ne doit pas avoir fait profession de vie religieuse et ne doit pas non plus avoir reçu les ordres sacrés (et encore moins appartenir à un ordre majeur). Par ailleurs et en toute logique, les personnes aliénées mentalement en sont exclues. 135 Gilles, H., Lex peregrinorum, Le pèlerinage, Cahiers de Fanjeaux,15, Toulouse, 1980, p. 161-189. 136 Chélini, J., Branthomme, op. cit., « le pèlerin médiéval », p. 189. 64
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Le pèlerinage est en soi un acte de foi, de courage et de bravoure. Au vu des<br />
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Par ailleurs et en toute logique, les personnes aliénées mental<strong>eme</strong>nt en sont exclues.<br />
135 Gilles, H., Lex peregrinorum, Le pèlerinage, Cahiers de Fanjeaux,15, Toulouse, 1980, p. 161-189.<br />
136 Chélini, J., Branthomme, op. cit., « le pèlerin médiéval », p. 189.<br />
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