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xi eme‐ xiii eme siecles - Université Paris-Sorbonne

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condition de vie. Aucun but concret n’est précisé. Il n’y a pas de site déterminé au terme de<br />

cette errance mais l’essentiel consiste en la démarche spirituelle.<br />

Dans le sillage du monachisme ancien, l’e<strong>xi</strong>l volontaire passe par l’ascèse. Le chrétien<br />

quitte famille, biens, patrie, sol natal, très souvent à cause de Jésus-Christ : « Patriae<br />

solum, divitias parentesque relinquere, et nudos dudum Christum sequi ». Le but ultime est<br />

de vivre en présence de Dieu seul. Ceci est scandé par la phrase nominale « sibi solique<br />

Deo ». Par ailleurs, un motif secondaire, comme le désir de visiter les lieux sacrés peut<br />

alors se greffer sur celui-ci. Mais la pérégrination n’est pas le pèlerinage. Celui qui se rend<br />

étranger volontair<strong>eme</strong>nt veut avant tout vivre en e<strong>xi</strong>l, où que ce soit. Ainsi, dans la<br />

construction « peregrins a » recensée vers 1120, il désigne spécifiqu<strong>eme</strong>nt l’être humain de<br />

passage sur terre. La métaphore associe alors le chemin<strong>eme</strong>nt terrestre vers la cité céleste.<br />

Cependant, cette notion d’errance, de vagabondage, éloignée de toute idée du<br />

pèlerinage est très vite perçue négativ<strong>eme</strong>nt. Comme en témoigne Félix Fabri dans son<br />

prologue au premier traité sur le pèlerinage en Terre Sainte, sa condamnation se poursuit<br />

au XV ème siècle. Définissant les conditions à remplir pour réaliser un digne pèlerinage, il<br />

reprend la citation d’Esaie 77 (57-17) et explique combien est dans l’erreur celui qui<br />

entreprend une telle démarche : « Quicumque enim peregrinari vult, ut ex hoc in hoc, et ex<br />

hoc in aliud evagetur, ordinem non habet, et virtute caret. Evagatio enim simpliciter sonat<br />

vitium, et ideo, qui peregrinatur ut evagetur, vitiosus est ; non autem qui evagatur, ut<br />

peregrinetur. » 78 .<br />

Enfin, le terme « peregrinus » signifie égal<strong>eme</strong>nt « étranger ». Et effectiv<strong>eme</strong>nt, le pèlerin<br />

est par définition étranger puisqu’il vient d’un autre lieu, plus ou moins lointain. C’est<br />

ainsi que l’envisage Dante Alighieri : « Et je dis pèlerins selon la signifiance large du mot ;<br />

car on peut entendre « pèlerins » en deux manières, une large et une étroite : au sens large,<br />

on nomme pèlerin quiconque est hors de sa patrie ; au sens étroit on n’entend par pèlerin<br />

que celui qui va vers la maison de Saint-Jacques, ou en revient » 79 . Par conséquent, il est<br />

un étranger pour les personnes qu’il va rencontrer. Cela implique les visages nouveaux,<br />

croisés au fil du voyage mais égal<strong>eme</strong>nt ceux qu’il retrouve au terme de son pèlerinage,<br />

77<br />

La Bible de Jérusalem, op. cit., Esaie 57,17 Considération sur le fait que son ouvrage s’intitule evagatio. Il<br />

suit le modèle du Deutéronome et l’idée que les Hébreux se faisaient de la terre Promise. Au terme de l’errance<br />

se trouve la Gloire de Dieu et ses bienfaits pour le pèlerin.<br />

78<br />

Fabri, Félix, Evagatorium ou Les Errances de frère Félix, pèlerin en Terre Sainte, en Arabie, et en Egypte,<br />

tome 1, premier et deu<strong>xi</strong>ème traités, <strong>Université</strong> Paul Valéry, publication du Cercam, 2000. Prima pars, prologus,<br />

p.16.<br />

79<br />

Dante Alighieri, Vie nouvelle, XL, Oeuvres complètes, édition Pléiade, Gallimard, <strong>Paris</strong>, 1965, p.80.<br />

(traduction et commentaires André Pézard).<br />

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