xi eme‐ xiii eme siecles - Université Paris-Sorbonne

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16.06.2013 Views

Calvaire. P.A. Sigal 791 dans son ouvrage sur les miracles pointe du doigt quelques conditions astreignantes mises en place par les pèlerins qui ont fait un vœu parmi lesquels : marcher pieds-nus, porter des vêtements de laine brute, marcher avec un cierge allumé à la main… Dans l’ensemble, quelle que seraient ces pratiques, elles ne suffiraient pas au pèlerin. Seul l’accomplissement du vœu efface tous les péchés. Mais là encore, nous rejoignons la problématique évoquée plus haut, portant sur le besoin de parcourir plusieurs sanctuaires : c’est une mortification pour se rapprocher du Christ ou de la foi. Plusieurs études 792 ont pu constater que peu de pèlerins se confessaient pour effacer à jamais leurs péchés, et que la confession privée était très peu répandue avant le XII ème siècle ; d’ailleurs elle ne concernait qu’un nombre infime de laïcs. Cependant, des pèlerins plus éclairés, plus investis peut-être, ressentent cette carence et s’adonnent aux jeûnes, donnent de larges aumônes, adoptent des mortifications diverses afin d’être en paix avec leur conscience. L’aumône est recommandée en plus du jeûne et des oblations, la pratique est d’ailleurs identique chez les musulmans comme en a témoigné Ibn Jubayr dans sa rhila. Par ailleurs, ne devons-nous pas considérer le choix des pèlerins de vivre dans la pauvreté comme une pratique de la dévotion ? Le fait d’avoir adopté un état d’esprit particulier pour le pèlerinage atteste déjà de ce changement. Comment considérer alors ces pèlerins qui préfèrent reconstituer en Orient une vie aussi confortable qu’en Occident ? D. Deux temps différents dans la prière. La pratique de la prière évolue au fil des siècles en raison de changements inhérents au pèlerinage. Le XII ème siècle voit fleurir de nombreuses congrégations, les pèlerins arrivent en masse et parcourent comme bon leur semble, les lieux saints. Puis, on assiste à un recentrage des pratiques votives. Cela est dû aux relations entretenues avec les pays d’Orient, à l’expansion puis à la réduction comme peau de chagrin du Royaume Latin d’Orient. 791 Sigal, P.-A., L’homme et le miracle dans la France médiévale, éditions Le Cerf, Paris, 1985, p.126-134. 792 Labande,E.-R, « Eléments d’une enquête sur les conditions de déplacement du pèlerin aux X-XI ème siècles », Pellegrinaggi e culto dei santi, Rome, 1967, p. 95-111. Chélini, J. et Branthomme, H., op. cit.,p. xx 289

1) L’époque d’une liturgie aux déplacements libres Les premiers témoignages de pèlerinage, dont celui d’Egérie en 395, font état de marches accompagnées de lectures de l’Ancien Testament tout comme du Nouveau Testament, avec force chants et lectures de psaumes. A l’occasion de la fête de Pâques par exemple, tous les passages lus et chantés invitent à une méditation sur le sens de la Passion du Christ, à la lumière des textes bibliques. Ainsi Egérie écrit-elle : « On lit (le vendredi saint) d’abord dans les psaumes tous les passages où il est parlé de la Passion ; on lit ensuite dans les écrits des Apôtres, soit dans les Epîtres, soit dans les Actes, tous les passages où ils ont parlé de la Passion du Seigneur, et, on lit aussi dans les Evangiles les récits de la Passion. Ensuite, dans les Prophètes, les passages où ils ont prédit la Passion du Seigneur, et, dans les Evangiles, ceux où ils ont parlé de la Passion. 793 ». Nous constatons que c’est La Bible dans son ensemble qui est pratiquée et chaque moment important est mis en relation avec un passage du Livre Saint. Ce souhait de comprendre et de revivre au plus près les événements conduit Jean de Würzbourg à relever très méticuleusement les inscriptions en vers et à détailler avec minutie les peintures et les mosaïques faciles à mémoriser représentant des scènes de la Passion. La description des sanctuaires est également très soignée dans le texte de Theodoric. (Nous avons déjà mentionné les détails dans la partie concernant la Terre Sainte). Ces gestes sont effectués dans un souci de reconstituer la liturgie de Jérusalem dans un environnement semblable. Nous pouvons avec H. Leclerq affirmer qu’il s’agit d’une « liturgie pérégrinante, on pourrait presque dire galopante, dont le caractère semble être de commémorer exactement les incidents historiques en temps et lieux voulus » 794 . Les pèlerins des XI-XIII ème siècles, sont libres de leurs déplacements (dans les limites que nous avons établies précédemment), ils reviennent sur les lieux qui les marquent le plus. Burchard de Mont Sion retourne dans la chapelle où Marie et les femmes de son entourage regardaient le Christ en croix. A Nazareth, il note : « plures misas dixi in loco isto, immo ipsa die, scilicet sancte annunciationis, quando fuit verbum caro factum. Sit nomen Domini Ihesu Christi 793 Egérie, Journal de voyage , texte édité par P. Maraval, collection « sources chrétiennes » 296, éditions Le Cerf, Paris, 1982. 794 Leclerq, H., « Pèlerinage aux lieux saints », DACL, op. cit., tome7, col. 2387. 290

Calvaire. P.A. Sigal 791 dans son ouvrage sur les miracles pointe du doigt quelques<br />

conditions astreignantes mises en place par les pèlerins qui ont fait un vœu parmi lesquels :<br />

marcher pieds-nus, porter des vêt<strong>eme</strong>nts de laine brute, marcher avec un cierge allumé à la<br />

main… Dans l’ensemble, quelle que seraient ces pratiques, elles ne suffiraient pas au<br />

pèlerin. Seul l’accompliss<strong>eme</strong>nt du vœu efface tous les péchés. Mais là encore, nous<br />

rejoignons la problématique évoquée plus haut, portant sur le besoin de parcourir plusieurs<br />

sanctuaires : c’est une mortification pour se rapprocher du Christ ou de la foi.<br />

Plusieurs études 792 ont pu constater que peu de pèlerins se confessaient pour effacer à<br />

jamais leurs péchés, et que la confession privée était très peu répandue avant le XII ème<br />

siècle ; d’ailleurs elle ne concernait qu’un nombre infime de laïcs. Cependant, des pèlerins<br />

plus éclairés, plus investis peut-être, ressentent cette carence et s’adonnent aux jeûnes,<br />

donnent de larges aumônes, adoptent des mortifications diverses afin d’être en paix avec<br />

leur conscience. L’aumône est recommandée en plus du jeûne et des oblations, la pratique<br />

est d’ailleurs identique chez les musulmans comme en a témoigné Ibn Jubayr dans sa<br />

rhila.<br />

Par ailleurs, ne devons-nous pas considérer le choix des pèlerins de vivre dans la pauvreté<br />

comme une pratique de la dévotion ? Le fait d’avoir adopté un état d’esprit particulier pour<br />

le pèlerinage atteste déjà de ce chang<strong>eme</strong>nt. Comment considérer alors ces pèlerins qui<br />

préfèrent reconstituer en Orient une vie aussi confortable qu’en Occident ?<br />

D. Deux temps différents dans la prière.<br />

La pratique de la prière évolue au fil des siècles en raison de chang<strong>eme</strong>nts inhérents au<br />

pèlerinage. Le XII ème siècle voit fleurir de nombreuses congrégations, les pèlerins arrivent<br />

en masse et parcourent comme bon leur semble, les lieux saints. Puis, on assiste à un<br />

recentrage des pratiques votives. Cela est dû aux relations entretenues avec les pays<br />

d’Orient, à l’expansion puis à la réduction comme peau de chagrin du Royaume Latin<br />

d’Orient.<br />

791 Sigal, P.-A., L’homme et le miracle dans la France médiévale, éditions Le Cerf, <strong>Paris</strong>, 1985, p.126-134.<br />

792 Labande,E.-R, « Eléments d’une enquête sur les conditions de déplac<strong>eme</strong>nt du pèlerin aux X-XI ème siècles »,<br />

Pellegrinaggi e culto dei santi, Rome, 1967, p. 95-111. Chélini, J. et Branthomme, H., op. cit.,p. xx<br />

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