xi eme‐ xiii eme siecles - Université Paris-Sorbonne

xi eme‐ xiii eme siecles - Université Paris-Sorbonne xi eme‐ xiii eme siecles - Université Paris-Sorbonne

theses.paris.sorbonne.fr
from theses.paris.sorbonne.fr More from this publisher
16.06.2013 Views

Daniel de Tchernikov a une vision plus intime du déroulement de la cérémonie. Il explique comment il a rencontré le roi Baudouin à la première heure du vendredi, s’est incliné devant lui et a obtenu une faveur personnelle, à savoir, placer sa lampe dans le tombeau du Christ au nom de la terre de Russie. Après en avoir reçu l’autorisation, il se rend le lendemain matin au Saint Sépulcre muni d’une grande lampe en verre remplie d’huile pure. L’obligation lui est formulée de retirer ses chaussures, et il reste seul, nu-pied dans le tombeau. Il fait remarquer que sa lampe est placée aux pieds du Christ, celle des grecs à sa tête, et celle du monastère de Saba et des autres monastères à la poitrine, parce que le titre est établi depuis de longues années. Le miracle du feu sacré s’effectue, seule la lampe des Francs placée trop loin, selon l’analyse du Russe, ne s’allume pas. Le fervent croyant qu’est Daniel est persuadé qu’il s’agit là de la grâce de Dieu qui vient invisible, inaperçue du ciel. Son témoignage fait foi, il écarte toutes les hypothèses religieuses entendues autour de lui. Certaines rapportent que l’Esprit Saint prendrait la forme d’une colombe, d’autres qu’il s’agirait d’éclairs. D’ailleurs, soucieux d’apporter un témoignage exact des préparatifs pascals, il décrit le nettoyage minutieux du tombeau et des lampes après les vêpres. Il fait remarquer que les lampes sont remplies d’huile pure, c’est à dire non coupée d’eau, et que de nouvelles mèches sont ajoutées mais demeurent cachetées. A la deuxième heure de la nuit, toutes les lampes et les bougies des églises de Jérusalem sont éteintes, dans l’attente du miracle du feu sacré. Cette coutume est également signalée par Theodoric qui ajoute que sept lampes en argent sont suspendues devant le Saint Sépulcre. Le samedi saint, le rassemblement devant le Saint Sépulcre est très dense. Tous les fidèles tiennent une bougie éteinte à la main et psalmodient « Seigneur prend pitié ». Cependant, Daniel rapporte que les pèlerins attendent le miracle du feu sacré et qu’il tarde à venir. Chacun s’inquiète, verse des larmes, s’introspecte. A la sixième heure, on entonne le Kyrie Eleison mais cela demeure sans effet. Une heure plus tard, l’inquiètude grandissant, Baudouin et sa suite se rendent de chez eux au Saint Sépulcre à pied (une variante mentionne pied-nu). Tous y écoutent l’office et après délibération avec les autorités religieuses, ils décident de former un cortége pour se rendre au tombeau. Mais les portes sont bloquées par la multitude. Les soldats dégagent la foule manu militari. Il est commandé que chaque groupe se mette à prier. L’attente angoissée et bruyante est rapportée par Theodoric qui souligne bien que le miracle à lieu après la neuvième heure. C’est l’évêque qui le premier allume sa bougie auprès des lampes, alors que sous le regard ému de Daniel, Baudouin entre en tête constater le miracle. Une flamme rouge cinabre qui 281

ne brûle pas comme les autres est visible de tous. Le peuple retourne aux Vêpres puis les particuliers rentrent chez eux. Théodoric entend les cloches retentir dans toute la ville. Celui-ci signale une autre pratique. En haut du mont Calvaire, après une messe dans une petite chapelle bien décorée commémorant l’une des étapes du chemin de croix, il rapporte une cérémonie pendant laquelle les nombreuses croix portées par les pèlerins à leur arrivée à Jérusalem sont au cœur de l’action : « In cuius summitate peregrini cruces, quas de terris suis secum illo adduxerint, solent deponere, quarum magnam ibi copiam vidimus, quas omnes custodes Calvarie in sabbato sancto ignibus solent exurere. » 778 Ainsi une foule se presse pour les apporter là avant de les brûler, comme le veut la coutume ; d’autres se font fouetter au Mont des Oliviers, tout comme le Christ l’avait été. Ils souhaitent revivre la Passion du Christ dans ses moindres détails afin de s’impliquer davantage dans la foi. (Nous pouvons naturellement nous interroger sur cette cérémonie ayant pour terme la crémation des croix, en effet, est-elle particulière au samedi saint ou est-elle étendue à toutes les autres cérémonies ?) Le dimanche est le jour de l’absolution, à la cinquième heure du jour, l’abbé prend la croix et se rend au tombeau en chantant « kontakion ». Daniel de remarquer encore que trois lampes brillent de façon particulière, non pas comme des bougies. Les Grecs célèbrent également la résurrection. Le chanoine Rorgo Fretel est témoin des mêmes faits. 3) Que dit-on ? Prières, psaumes et neuvaines Nous disposons de peu d’informations sur les prières récitées ou les chants. Seuls Riccold de Monte Croce (peut-être en sa qualité de missionnaire dominicain) et Jean de Würzbourg en font le détail. Le premier pèlerin rapporte tout. Il a pour coutume d’associer ses lectures, ses chants ou encore ses prêches aux lieux saints parcourus. Riccold de Monte Croce témoigne d’une prière en continuel déplacement. Chaque lieu est l’objet d’une lecture des Evangiles et d’un prêche. Il se réfère constamment aux Ecritures, le texte le plus souvent cité étant celui de Saint Matthieu. Les épisodes sont chantés, comme il le précise à chaque fois, parfois ils sont lus. Son récit est truffé des trois verbes d’action ci-contre : « cantavimus », « predicavimus », « legimus ». Ainsi la descente vers la ville de Génésareth sur le lac de 778 Theodoric, op. cit., p.156, lignes 415-418. 282

ne brûle pas comme les autres est visible de tous. Le peuple retourne aux Vêpres puis les<br />

particuliers rentrent chez eux. Théodoric entend les cloches retentir dans toute la ville.<br />

Celui-ci signale une autre pratique. En haut du mont Calvaire, après une messe dans une<br />

petite chapelle bien décorée commémorant l’une des étapes du chemin de croix, il rapporte<br />

une cérémonie pendant laquelle les nombreuses croix portées par les pèlerins à leur arrivée<br />

à Jérusalem sont au cœur de l’action : « In cuius summitate peregrini cruces, quas de terris<br />

suis secum illo adduxerint, solent deponere, quarum magnam ibi copiam vidimus, quas<br />

omnes custodes Calvarie in sabbato sancto ignibus solent exurere. » 778 Ainsi une foule se<br />

presse pour les apporter là avant de les brûler, comme le veut la coutume ; d’autres se font<br />

fouetter au Mont des Oliviers, tout comme le Christ l’avait été. Ils souhaitent revivre la<br />

Passion du Christ dans ses moindres détails afin de s’impliquer davantage dans la foi.<br />

(Nous pouvons naturell<strong>eme</strong>nt nous interroger sur cette cérémonie ayant pour terme la<br />

crémation des croix, en effet, est-elle particulière au samedi saint ou est-elle étendue à<br />

toutes les autres cérémonies ?)<br />

Le dimanche est le jour de l’absolution, à la cinquième heure du jour, l’abbé prend la croix<br />

et se rend au tombeau en chantant « kontakion ». Daniel de remarquer encore que trois<br />

lampes brillent de façon particulière, non pas comme des bougies. Les Grecs célèbrent<br />

égal<strong>eme</strong>nt la résurrection. Le chanoine Rorgo Fretel est témoin des mêmes faits.<br />

3) Que dit-on ? Prières, psaumes et neuvaines<br />

Nous disposons de peu d’informations sur les prières récitées ou les chants. Seuls Riccold<br />

de Monte Croce (peut-être en sa qualité de missionnaire dominicain) et Jean de Würzbourg<br />

en font le détail.<br />

Le premier pèlerin rapporte tout. Il a pour coutume d’associer ses lectures, ses chants ou<br />

encore ses prêches aux lieux saints parcourus. Riccold de Monte Croce témoigne d’une<br />

prière en continuel déplac<strong>eme</strong>nt. Chaque lieu est l’objet d’une lecture des Evangiles et<br />

d’un prêche. Il se réfère constamment aux Ecritures, le texte le plus souvent cité étant celui<br />

de Saint Matthieu. Les épisodes sont chantés, comme il le précise à chaque fois, parfois ils<br />

sont lus. Son récit est truffé des trois verbes d’action ci-contre : « cantavimus »,<br />

« predicavimus », « legimus ». Ainsi la descente vers la ville de Génésareth sur le lac de<br />

778 Theodoric, op. cit., p.156, lignes 415-418.<br />

282

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!