xi eme‐ xiii eme siecles - Université Paris-Sorbonne

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De même, il fait quelques commentaires sur les caravansérails en Syrie. Ceux qui se trouvent dans la localité de Bâdiqîn sont très sécurisants, ils « sont aussi bien défendus et fortifiés que des citadelles », le caravansérail édifié par Saladin à Homs est à la foi esthétique, sûr et commode : « C’est un édifice très solide et très beau, muni d’une porte en fer comme le sont les caravansérails sur cette route avec le souci de la robustesse. Cette hôtellerie à l’eau courante » 751 . Ce sont des informations précieuses qui contribuent à nous éclairer sur ce qu’étaient ces voyages. Par ailleurs, les propos d’Ibn Jubayr se veulent rassurants et laissent entendre que le désert est tranquille, il rapporte cette anecdote : « Voici ce qui nous a étonné et dont nous avons été témoins : nous avons vu dans ce désert des charges de poivre, de cannelle et autre marchandise qui avaient été abandonnées sur la route et étaient donc restées sans surveillance, soit parce que les chameaux qui les transportaient étaient à bout de forces ou pour une autre raison. Ces marchandises restent là jusqu’à ce que le propriétaire vienne les chercher et elles ne subissent aucun dommage bien que les passages soient très nombreux.» 752 . Toutefois, il n’en a pas toujours été ainsi puisque les pèlerins étaient souvent rançonnés et pillés et il n’en demeure pas moins risqué de s’y aventurer sans guide fiable. e) Quelques solutions de survie Face à ces multiples pièges, les pèlerins vont réagir de façon toute personnelle. Pour éviter les problèmes liés à leur foi, ils vont avoir recours à une solution pratique, en adoptant le camouflage, le déguisement, afin de se fondre dans la foule anonyme. Thietmar revêt des vêtements de moine Grégorien, laisse pousser sa barbe pour accéder au monastère de Sainte Catherine, Benjamin de Tudèle se déguise en Jacobite pour traverser sans encombre la Terre Sainte, Jacob ben Natanel ha-Cohen se déguise en pèlerin chrétien pour entrer à Hébron au XII ème siècle. Des anecdotes sont rapportées par divers pèlerins, notamment celle des moniales installées aux environs de Bethléem qui n’hésitent pas à se mutiler pour échapper aux troupes de Saladin. Une escorte est créée et est assignée à la protection des pèlerins. Ce nouvel ordre dont les bases sont jetées par Hugues de Payns et Geoffroy de Saint Omer est fondé au début du XII ème siècle. Le roi Baudoin II leur offre de résider au Temple de Salomon d’où leur nom 751 Ibn Jubayr, op. cit., p. 278 et p. 283. 752 Ibn Jubayr, op. cit., p. 101. 271

de Templiers. La règle aurait été écrite par Saint Bernard lors du concile de Troye en 1128 ; mais déjà en 1119, des chevaliers escortent les pèlerins. Certains le font le temps de leur propre pèlerinage, d’autres en font un sacerdoce. Il y a également des hommes qui résident à l’Hôpital Saint-Jean, fondé quarante années avant la première croisade (puisque à l’origine ce n’était pas un ordre militaire). C’est Daniel qui mentionne le plus souvent cette escorte. Par exemple il est accompagné de Bethléem à Hébron (§51) car le passage est jugé dangereux à cause d’une forteresse Sarrasine à proximité. Théodoric rappelle leur présence au Jourdain : « Tribus quippe lateribus ipsius Orti adversus paganorum insidias *** tuentur, a quarto Hospitariorum et Templariorum custodiis observantur. » 753 Afin de parer aux problèmes liés à l’environnement, les pèlerins recommandent de se faire accompagner par des hommes du désert, experts dans leur domaine. 2) Les dangers spirituels Toutefois, les dangers de la Terre Sainte ne s’arrêtent pas à de simples considérations d’ordre matériel ou physique, même si ceux–là peuvent coûter la vie. Les pèlerins doivent aussi se garder de pièges moins décelables mais tout aussi dangereux car leur salut en dépend. En premier lieu, le risque d’oublier l’objectif et la démarche du pèlerinage. En effet, portés par la foule et l’exaltation, ils peuvent perdre de vue leur vœu, et s’égarer dans ces nouvelles contrées aux charmes certains. La possibilité de s’établir, d’exercer une profession, dans un lieu aux règles différentes en est l’un des risques. En deuxième lieu, les pèlerins peuvent être amenés à souhaiter rester en Terre Sainte. Ils s’inquiètent de leur vie terrestre future et se plaisent finalement dans cet environnement baigné de religion, où ils sont relativement bien pris en charge. Certains même y voient une échappatoire à la vie courante et au retour au pays avec ses obligations et ses contraintes. De plus, rester en Terre Sainte permettrait de se soustraire à une vie familiale qui ne convient pas ou plus, depuis le voyage. Ce sont là diverses représentations de la lâcheté de ces personnes qui oublieraient les serments qu’elles ont pu prêtés. Enfin, c’est aussi dans le souci de sauver leur âme que certains choisissent de ne plus repartir. Ils pensent ainsi se préserver de tout pécher en restant sur la terre consacrée. 753 Theodoric, op. cit., p. 177, lignes 1048-1050. 272

de Templiers. La règle aurait été écrite par Saint Bernard lors du concile de Troye en<br />

1128 ; mais déjà en 1119, des chevaliers escortent les pèlerins. Certains le font le temps de<br />

leur propre pèlerinage, d’autres en font un sacerdoce. Il y a égal<strong>eme</strong>nt des hommes qui<br />

résident à l’Hôpital Saint-Jean, fondé quarante années avant la première croisade (puisque<br />

à l’origine ce n’était pas un ordre militaire). C’est Daniel qui mentionne le plus souvent<br />

cette escorte. Par exemple il est accompagné de Bethléem à Hébron (§51) car le passage<br />

est jugé dangereux à cause d’une forteresse Sarrasine à pro<strong>xi</strong>mité. Théodoric rappelle leur<br />

présence au Jourdain : « Tribus quippe lateribus ipsius Orti adversus paganorum insidias<br />

*** tuentur, a quarto Hospitariorum et Templariorum custodiis observantur. » 753<br />

Afin de parer aux problèmes liés à l’environn<strong>eme</strong>nt, les pèlerins recommandent de se<br />

faire accompagner par des hommes du désert, experts dans leur domaine.<br />

2) Les dangers spirituels<br />

Toutefois, les dangers de la Terre Sainte ne s’arrêtent pas à de simples considérations<br />

d’ordre matériel ou physique, même si ceux–là peuvent coûter la vie. Les pèlerins doivent<br />

aussi se garder de pièges moins décelables mais tout aussi dangereux car leur salut en dépend.<br />

En premier lieu, le risque d’oublier l’objectif et la démarche du pèlerinage. En effet, portés<br />

par la foule et l’exaltation, ils peuvent perdre de vue leur vœu, et s’égarer dans ces nouvelles<br />

contrées aux charmes certains. La possibilité de s’établir, d’exercer une profession, dans un<br />

lieu aux règles différentes en est l’un des risques.<br />

En deu<strong>xi</strong>ème lieu, les pèlerins peuvent être amenés à souhaiter rester en Terre Sainte. Ils<br />

s’inquiètent de leur vie terrestre future et se plaisent final<strong>eme</strong>nt dans cet environn<strong>eme</strong>nt<br />

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plus, rester en Terre Sainte permettrait de se soustraire à une vie familiale qui ne convient pas<br />

ou plus, depuis le voyage. Ce sont là diverses représentations de la lâcheté de ces personnes<br />

qui oublieraient les serments qu’elles ont pu prêtés.<br />

Enfin, c’est aussi dans le souci de sauver leur âme que certains choisissent de ne plus<br />

repartir. Ils pensent ainsi se préserver de tout pécher en restant sur la terre consacrée.<br />

753 Theodoric, op. cit., p. 177, lignes 1048-1050.<br />

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