xi eme‐ xiii eme siecles - Université Paris-Sorbonne

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1) Un environnement difficile sinon hostile a) La géographie La première source de danger réside dans l’espace même des terres d’Orient. En effet, la région est pour la plupart montagneuse, escarpée et les passages souvent étroits. Le frère Thietmar, peut-être parce qu’il est plus habitué à la plaine, est des plus effrayé lorsqu’il parcourt la vallée du Jabok, « horribilem et profundam » 737 pour se rendre au Sinaï ; la voie n’est pas large et loin, sous ses pieds, il entend couler le torrent de l’Arnon. Au bord du précipice, il est terrifié par la profondeur et semble pris de vertiges : « […] cuius profunditas plurimum me turbavit ». Ailleurs, alors qu’il effectue la traversée d’un espace rocheux vers Petra, il rend compte de l’étroitesse du passage et de l’impression de suffocation qui en découle, il se sent oppressé et a l’impression qu’il va être absorbé par la montagne : « Erant enim scropuli hinc inde super me ad instar murorum vel parietum erecti et quandoque desuper clausi ad modum testudinis arcuate ; via quidem profunda, in altum tendens, tenebrosa, quia sepe propter clausuras et conveniencias scopulorum hinc inde aerem videre non potui. » 738 Il faut avoir une certaine condition physique pour gravir tous ces paliers, mais il reconnaît que ses difficultés sont moindres en rapport à celles causées aux personnes qui ont entrepris de creuser un escalier dans la paroi le menant au monastère : « Semita autem, per quam ascenditur, per gradus facta est, arta quidem et adeo preceps, ut si non per gradus ibi ab heremitis et aliis sanctis viris laboriose extructos quispiam ascendere non posset. Sepe enim isti gradus per scopulos et i altum supra modum hinc inde distantes ad similitudinem turrium altissimarum non sine labore excisi sunt. » 739 . » Il n’est pas le seul à se plaindre de l’escarpement des lieux, Burchard de Mont Sion, Riccold de Monte Croce en font aussi la douloureuse expérience. L’auteur des Pelerinages et pardouns de Acre souligne qu’il a été freiné dans sa progression par des éléments naturels : « Plusours autre pelrynages sunt en cele terre que je ne pus ne ne say trestouz nomer. De Sardayne, de le Mont Synay e autres pelrynages que sunt en celes countrès, ne ay ie parlé rien, quar les passages sunt estroytes et les veyes longues 740 » Soit le pèlerin doit effectuer une ascension lente et laborieuse, soit il est confronté au vide, aux éboulements ou aux parois ravinées ou encore aux vapeurs chaudes et 737 Thietmar, op. cit., chapitre XIII, p. 35 (idem pour la citation qui suit). 738 Thietmar, op.cit., chapitre XV, p. 37-38. 739 Thietmar, op. cit., chapitre XXI, p. 45-46. 740 Pelerinage et pardouns d’Acre, texte édité par MM. Michelant et Raynaud, op. cit., p. 235. 267

malodorantes de la Mer Morte, risquant alors la suffocation. L’ensemble n’est guère engageant, mais il va son chemin au nom de la foi et grâce à la force qu’il puise dans celle-ci. b) Les animaux Quelques animaux peuvent causer du tort aux pèlerins. Ce sont Thietmar et Daniel qui les pointent du doigt. Ils signalent la présence de serpents, notamment dans les reliefs rocheux et surtout dans le désert du Sinaï. Leur morsure est mortelle. Ils mentionnent des lions, dont les empreintes fraîches inquiètent, ainsi que les panthères. Nous avons déjà recensé tous les animaux rencontrés lors de ces voyages : la hyène et les félins en général peuvent paraître dangereux, cependant, ils s’intéressent pour la plupart aux cadavres et décharnent les corps laissés sans sépulture comme le note en frissonnant Saewulf. 268 c) Le danger humain : Sarrasins et Bédouins, voleurs de tous ordres. Les routes ne sont pas toujours sûres, entre les combats idéologiques et les brigands, les pèlerins passent de Charybde en Scylla. Déjà en 1120 un raid des émirs de Damas aurait coûté la vie à trois cents pèlerins et soixante auraient été capturés. Saewulf est frappé par les nombreux cadavres qu’il voit de part et d’autres de la route, beaucoup de corps sont mutilés à cause des bêtes sauvages, il s’interroge sur le fait de laisser les corps sans sépulture : « Quod quislibet illud iter agens videre potest, qualiter humana corpora et in via et iuxta viam inumerabilia a feris jacent omnino dilacerata. Miratur fortasse aliquis Christianorum corpora ibi iacere inhumata, sed non est mirandum, quia ibi minime est humus et rupes non leviter se prebet fodere. Quod si ibi humus est, quis adeo esset idiota ut comitatum suum relinqueret et quasi solus socio sepulchrum foderet ? » 741 Rapidement, il comprend qu’il vaut mieux préserver sa propre vie, car il sent le danger rôder autour de lui. Les bandits tendent des embuscades, se cachent dans la moindre grotte, et sont prompts à l’attaque : « Iter duorum dierum per viam montuosam, asperrimam, pericolosissimam qui Sarracenis insidias Christianis semper tendentes, absconditi latent in cavernis montium et in speluncis rupium die noctuque pervigiles, semper perscrutantes si quos invadere possint vel penuria comitatus vel 741 Saewulf, op. cit., p. 64, lignes 156-162.

malodorantes de la Mer Morte, risquant alors la suffocation. L’ensemble n’est guère<br />

engageant, mais il va son chemin au nom de la foi et grâce à la force qu’il puise dans celle-ci.<br />

b) Les animaux<br />

Quelques animaux peuvent causer du tort aux pèlerins. Ce sont Thietmar et Daniel qui les<br />

pointent du doigt. Ils signalent la présence de serpents, notamment dans les reliefs rocheux<br />

et surtout dans le désert du Sinaï. Leur morsure est mortelle. Ils mentionnent des lions,<br />

dont les empreintes fraîches inquiètent, ainsi que les panthères. Nous avons déjà recensé<br />

tous les animaux rencontrés lors de ces voyages : la hyène et les félins en général peuvent<br />

paraître dangereux, cependant, ils s’intéressent pour la plupart aux cadavres et décharnent<br />

les corps laissés sans sépulture comme le note en frissonnant Saewulf.<br />

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c) Le danger humain : Sarrasins et Bédouins, voleurs de<br />

tous ordres.<br />

Les routes ne sont pas toujours sûres, entre les combats idéologiques et les brigands, les<br />

pèlerins passent de Charybde en Scylla. Déjà en 1120 un raid des émirs de Damas aurait coûté<br />

la vie à trois cents pèlerins et soixante auraient été capturés.<br />

Saewulf est frappé par les nombreux cadavres qu’il voit de part et d’autres de la route,<br />

beaucoup de corps sont mutilés à cause des bêtes sauvages, il s’interroge sur le fait de<br />

laisser les corps sans sépulture : « Quod quislibet illud iter agens videre potest, qualiter<br />

humana corpora et in via et iuxta viam inumerabilia a feris jacent omnino dilacerata.<br />

Miratur fortasse aliquis Christianorum corpora ibi iacere inhumata, sed non est<br />

mirandum, quia ibi minime est humus et rupes non leviter se prebet fodere. Quod si ibi<br />

humus est, quis adeo esset idiota ut comitatum suum relinqueret et quasi solus socio<br />

sepulchrum foderet ? » 741 Rapid<strong>eme</strong>nt, il comprend qu’il vaut mieux préserver sa propre<br />

vie, car il sent le danger rôder autour de lui. Les bandits tendent des embuscades, se<br />

cachent dans la moindre grotte, et sont prompts à l’attaque : « Iter duorum dierum per viam<br />

montuosam, asperrimam, pericolosissimam qui Sarracenis insidias Christianis semper<br />

tendentes, absconditi latent in cavernis montium et in speluncis rupium die noctuque<br />

pervigiles, semper perscrutantes si quos invadere possint vel penuria comitatus vel<br />

741 Saewulf, op. cit., p. 64, lignes 156-162.

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