xi eme‐ xiii eme siecles - Université Paris-Sorbonne

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16.06.2013 Views

témoignage de ses propres yeux ne tarda pas à l'instruire complètement. Ayant fait quelque séjour dans la ville, et visitant toutes les églises, Pierre y trouva l'entière confirmation de tout ce que ses frères lui avaient raconté ». En plus de la faim et de la misère, les pèlerins sont confrontés à l’insécurité : « L’on craignait sans cesse, dit le même historien, qu’en se promenant sans précaution, ils ne fussent frappés, souffletés, outragés ou même mis à mort en secret. 729 » Ces dysfonctionnements vont très tôt les amener à se rendre en troupes assez nombreuses pour se protéger mutuellement. Riccold de Monte Croce et ses compagnons craignent pour leur vie et s’investissent pleinement dans leur remémoration des messes sur la montagne du Sion car ils redoutent une arrestation des Musulmans : « genentes et flentes et vehementer timentes occidi a sarracenis. » 730 . Nous avons fait état du quotidien auquel les pèlerins sont confrontés lorsque Jérusalem est sous domination musulmane et nous avons souligné les aspects pratiques et commerciaux développés par la cité. Maintenant, nous allons envisager la ville sous son aspect religieux. Alors que trois textes du corpus nous présentent la ville sous un jour concret, la plupart des autres ne voient en elle qu’une succession d’églises, de reliquaire ou de témoignage de la vie du Christ. Ces pèlerins ont alors entrepris de brosser un portrait exclusivement religieux de ce qui les attendait dans la ville sainte. Ils commencent par spécifier les communautés religieuses rencontrées et répertorient les monuments et autres traces de leur foi. Le guide intitulé Les chemins et les pèlerinages de la Terre Sainte en dresse une liste assez complète : le Saint Sépulcre, le calvaire, la colonne de la flagellation, la prison de Jésus et la chapelle des Grecs, Sainte Marie la Latine, le rocher et la sépulture de Saint Jacques au dessous, le Temple de Salomon ou mosquée al-Aqsa, la piscine probatique/ le prétoire de Caîphe où l’esprit Saint descend sur les apôtres, le Sion, la fontaine de Siloe/ Gethsemani et le Mont des Oliviers. L’emplacement des chapelles et des autres églises est organisé par rapport au Saint Sépulcre. Parfois, les pèlerins commentent l’architecture. La chapelle de la Sainte Trinité est considérée comme spacieuse : « car on i espousoit toutes les femes de la cité et 729 Lalanne, L., op. cit. 730 Riccold, op. cit., p. 50. 263

là estoient li fons où on baptisoit tous les enfants de la cité 731 » De la mosquée al-Aqsa il est rapporté : « […] est li moustiers tous reons. Et si est ouvers par deseure, sains covreture. » à propos du chevet : « là cante on cascun jour messe al point del jour », au sujet de la belle place pavée et aménagée : « […] si c’on va à procession entour le monument 732 » Le chœur est très long, c’est là que chantent les chanoines. Nous avons vu plus haut que Theodoric et Jean de Würzbourg décrivent avec minutie ces deux édifices. Jérusalem est bien plus qu’une succession de monuments et d’églises pour le pèlerin, elle concentre toutes les énergies positives des événements qui s’y sont déroulés à travers ces emplacements. Aussi, ils sont envisagés dans leur portée symbolique 733 . b) Jérusalem céleste, lieu de théophanie ultime. Quand ils s’engagent dans le pèlerinage, les pèlerins ont un objectif premier, c’est celui de prier sur les lieux même de la passion du Christ (nous l’avons mis en évidence au début de notre étude). De ce fait, la cité de Jérusalem est d’emblée perçue comme un gigantesque reliquaire. Les pèlerins se préparent mentalement à revivre les derniers jours du Christ afin d’endosser une part de sa souffrance, tout comme ils souhaitent également partager la joie des actions de Dieu. Cela se traduit assez concrètement par la recherche des traces des événements et par le délaissement graduel des épisodes de l’Ancien Testament au profit de ceux du Nouveau Testament. Deux moments majeurs retiennent ici notre attention pour montrer combien le pèlerin va se projeter au cœur même de sa foi. Il s’agit du chemin de croix et du Sépulcre. Le Saint Sépulcre est le but ultime des pèlerins, il incarne le lieu de délivrance des péchés. Il faut le toucher pour considérer que son vœu a été accompli. Nous pouvons mesurer la déception et le désarroi de Riccold de Monte Croce quand il s’en voit refuser l’accès. Et tout autant, nous pouvons exulter quand il le visite à la faveur d’une procession. Cet aspect matériel est fondamental pour comprendre ce que le pèlerin recherche, ce qu’il trouve, ce qu’il comprend et comment il l’envisage. L’attitude du pèlerin italien nous paraît emblématique d’une quête spirituelle. En effet, il part à la recherche de son Seigneur. Cette quête, commencée dès son arrivée en Terre 731 Ernoul, op. cit., p. 35. 732 Ernoul, op. cit., p. 36. 733 Bredero, A., H., op.cit., p. 259-272. 264

là estoient li fons où on baptisoit tous les enfants de la cité 731 » De la mosquée al-Aqsa il<br />

est rapporté : « […] est li moustiers tous reons. Et si est ouvers par deseure, sains<br />

covreture. » à propos du chevet : « là cante on cascun jour messe al point del jour », au<br />

sujet de la belle place pavée et aménagée : « […] si c’on va à procession entour le<br />

monument 732 » Le chœur est très long, c’est là que chantent les chanoines. Nous avons vu<br />

plus haut que Theodoric et Jean de Würzbourg décrivent avec minutie ces deux édifices.<br />

Jérusalem est bien plus qu’une succession de monuments et d’églises pour le<br />

pèlerin, elle concentre toutes les énergies positives des évén<strong>eme</strong>nts qui s’y sont déroulés à<br />

travers ces emplac<strong>eme</strong>nts. Aussi, ils sont envisagés dans leur portée symbolique 733 .<br />

b) Jérusalem céleste, lieu de théophanie ultime.<br />

Quand ils s’engagent dans le pèlerinage, les pèlerins ont un objectif premier, c’est celui de<br />

prier sur les lieux même de la passion du Christ (nous l’avons mis en évidence au début de<br />

notre étude). De ce fait, la cité de Jérusalem est d’emblée perçue comme un gigantesque<br />

reliquaire. Les pèlerins se préparent mental<strong>eme</strong>nt à revivre les derniers jours du Christ afin<br />

d’endosser une part de sa souffrance, tout comme ils souhaitent égal<strong>eme</strong>nt partager la joie<br />

des actions de Dieu. Cela se traduit assez concrèt<strong>eme</strong>nt par la recherche des traces des<br />

évén<strong>eme</strong>nts et par le délaiss<strong>eme</strong>nt graduel des épisodes de l’Ancien Testament au profit de<br />

ceux du Nouveau Testament.<br />

Deux moments majeurs retiennent ici notre attention pour montrer combien le pèlerin va se<br />

projeter au cœur même de sa foi. Il s’agit du chemin de croix et du Sépulcre.<br />

Le Saint Sépulcre est le but ultime des pèlerins, il incarne le lieu de délivrance des péchés.<br />

Il faut le toucher pour considérer que son vœu a été accompli. Nous pouvons mesurer la<br />

déception et le désarroi de Riccold de Monte Croce quand il s’en voit refuser l’accès. Et<br />

tout autant, nous pouvons exulter quand il le visite à la faveur d’une procession. Cet aspect<br />

matériel est fondamental pour comprendre ce que le pèlerin recherche, ce qu’il trouve, ce<br />

qu’il comprend et comment il l’envisage.<br />

L’attitude du pèlerin italien nous paraît emblématique d’une quête spirituelle. En effet, il<br />

part à la recherche de son Seigneur. Cette quête, commencée dès son arrivée en Terre<br />

731 Ernoul, op. cit., p. 35.<br />

732 Ernoul, op. cit., p. 36.<br />

733 Bredero, A., H., op.cit., p. 259-272.<br />

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