xi eme‐ xiii eme siecles - Université Paris-Sorbonne

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De façon systématique, les textes commencent par une présentation historique de la cité, il est fait mention de l’expansion de la ville et du déplacement de ses limites. Ensuite, il s’agit de la description des quatre portes de la ville à savoir : la Porte de David, la Porte dorée et sa ruelle conduisant à celle de Saint Etienne, et la Porte de Tibériade. Les auteurs organisent leur propos en partant d’un point d’entrée pour ce lieu fortifié. Les portes sont disposées selon les points cardinaux de sorte à faciliter les trajets vers l’extérieur. Il existe aussi des poternes par lesquelles il est possible d’accéder à de proches églises. D’ailleurs, il est précisé que les pèlerins en provenance de Saint-Jean d’Acre pénètrent dans la cité par la Porte Saint Etienne 718 . En troisième lieu, la ville est appréhendée sous son aspect commercial. Cela débute par le lieu où les transactions monétaires s’effectuent. Ainsi il est fait mention du « change des Syriens » et « du change des Latins ». Tout semble s’organiser autour de ce nerf central. Chaque activité commerçante va être répertoriée, car située entre les deux « changes ». Par ailleurs, ces emplacements se situent à l’intersection des deux principales rues de la ville (reliant les portes deux à deux). Qui plus est, le change des Syriens est proche du Saint Sépulcre. Enfin, les textes reviennent sur des détails liés à un emplacement, à une porte, à une bâtisse. En outre, les informations sont extrêmement précises, au point qu’il serait possible de réaliser une carte : « Et d’autres parts des canges vent on les dras de la cité. Par deviers porte Oirres, vent on la mercherie, et au chief vent on les herbes, et derrière tane on les cuirs. Et si a une place où les cuves d’un bourgois estoient et qui tant faisoit de bien en Iherusalem, d’abrever les povres gens, chil meïsmes ki avoit a non Germains 719 . » Toutes les activités semblent regroupées autour d’un même emplacement, sans doute pour des raisons pratiques. Ainsi, il est possible de se procurer fruits, légumes et épices dans « une rue toute couverte à vaute » dite rue aux herbes : « on vent tout le fruit de la ville, et les herbes et les espesses. ». Le marché aux grains se situe auprès de la tour de David. Plus loin on trouve du poisson, sur une autre place : « on vent les oes et les fromages et les poules et les ânes ». Ailleurs encore on est spécialisé dans la boucherie : « où l’en vent le car de le vile ». Certaines rues portent des noms évocateurs, il va ainsi de la rue Malcuisinat sans doute pour la (mauvaise) qualité de ses restaurants : « « en celle rue 718 Ernoul, op. cit., « Par celle porte entroient li pelerin en le cité et tout cil qui par deviers Acre venoient en Iherusalem et de par toute le tiere dusques al flun, desci que a le mer d’Escalone » , p. 41. Le Continuateur anonyme, op. cit., « Par cele porte entroient trestuit li pelerin et tuit cil qui par deverz Acre venoient en Iherusalem et de par toute la terre del flum de ci iusques a la mer d’Escalone. », p. 153. 719 Ernoul, L’estat de la cité, op. cit. p. 26. 259

cuisoit on le viande c’on vendoit as pelerins ». Il y a aussi des draps, des bijoux et autres orfèvreries et des souvenirs, « les paumes que li pèlerin aportent d’Outremer ». Si les produits sont réunis, il n’en demeure pas moins que les Syriens et les Latins occupent un emplacement distinct, chacun bénéficiant d’un côté de la rue. En fait, les Syriens s’acquittent d’un impôt, ils demeurent dans un quartier qui leur est particulier « a rues aussi com une ville. Là manoient li plus des Suriiens de Jérusalem » et se spécialisent dans les tissus et la cire : « s’i fait on les candelles de cire 720 ». Dans une étude consacrée au marché de Jérusalem 721 , l’historien Jean Richard précise que chaque communauté avait son quartier mais que le marché était commun à tous. Les Syriens sont soumis à un régime fiscal qui diffère de celui des Latins et le fait d’attribuer un espace pour chacun facilite la perception des droits de tonlieu dont ils doivent s’acquitter. Les Latins quant à eux bénéficient de franchises sur le tonlieu et les péages. Les auteurs ont la volonté de rendre attrayante cette visite virtuelle, en employant de nombreux déictiques spatiaux tels que: « et d’autre part », « par deviers », « deriere », « par devant », « droit a main seniestre », « là », « et d’autre part assez près », « a main seniestre ». Ils tendent à renseigner le lecteur, ils visent une représentation mentale des lieux. Toutefois ce parti-pris est rendu possible par la disposition même des espaces commerciaux. Jean Richard élabore ainsi un plan précis des quartiers aux environs de 1187. Selon son étude, trois rues parallèlles parcouraient l’espace : à l’ouest la rue aux herbes, au centre la rue couverte et à l’est la rue Coquatrice ou Malcuisinat. Elles donnaient au nord dans le marché au poisson, à l’ouest duquel une grande place servait de marché aux œufs, aux volailles et aux fromages. Une rue qui partait de cette place, à l’ouest de celle-ci accueillait des marchands qui vendaient des palmes aux pèlerins. Les orfèvres latins et syriens chacun de leur côté de la chaussée y avaient leurs boutiques et les drapiers étaient installés dans la rue du Saint Sépulcre, près de la porte Saint Etienne avec les ciriers. Mais il est probable qu’initialement la place réservée au marché du poisson accueillait les drapiers, les primeurs et les maraîchers. D’ailleurs, l’église de Sainte Marie latine se trouvait devant cette même place à l’angle de la rue des palmes et de celle des drapiers, à l'issue de ces trois grandes rues. 720 Ernoul, op. cit., p. 36, 38, 43. 721 Richard, J., « Sur un passage du pèlerinage de Charlemagne : le marché de Jérusalem», Revue Belge de Philologie et d’Histoire, tome XLIII, 1965, n°2, p. IX-XII. 260

cuisoit on le viande c’on vendoit as pelerins ». Il y a aussi des draps, des bijoux et autres<br />

orfèvreries et des souvenirs, « les paumes que li pèlerin aportent d’Outr<strong>eme</strong>r ». Si les<br />

produits sont réunis, il n’en d<strong>eme</strong>ure pas moins que les Syriens et les Latins occupent un<br />

emplac<strong>eme</strong>nt distinct, chacun bénéficiant d’un côté de la rue. En fait, les Syriens<br />

s’acquittent d’un impôt, ils d<strong>eme</strong>urent dans un quartier qui leur est particulier « a rues<br />

aussi com une ville. Là manoient li plus des Suriiens de Jérusalem » et se spécialisent dans<br />

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marché de Jérusalem 721 , l’historien Jean Richard précise que chaque communauté avait<br />

son quartier mais que le marché était commun à tous. Les Syriens sont soumis à un régime<br />

fiscal qui diffère de celui des Latins et le fait d’attribuer un espace pour chacun facilite la<br />

perception des droits de tonlieu dont ils doivent s’acquitter. Les Latins quant à eux<br />

bénéficient de franchises sur le tonlieu et les péages.<br />

Les auteurs ont la volonté de rendre attrayante cette visite virtuelle, en employant de<br />

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« par devant », « droit a main seniestre », « là », « et d’autre part assez près », « a main<br />

seniestre ». Ils tendent à renseigner le lecteur, ils visent une représentation mentale des<br />

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1187. Selon son étude, trois rues parallèlles parcouraient l’espace : à l’ouest la rue aux<br />

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les ciriers. Mais il est probable qu’initial<strong>eme</strong>nt la place réservée au marché du poisson<br />

accueillait les drapiers, les primeurs et les maraîchers. D’ailleurs, l’église de Sainte Marie<br />

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720 Ernoul, op. cit., p. 36, 38, 43.<br />

721 Richard, J., « Sur un passage du pèlerinage de Charlemagne : le marché de Jérusalem», Revue Belge de<br />

Philologie et d’Histoire, tome XLIII, 1965, n°2, p. IX-XII.<br />

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