xi eme‐ xiii eme siecles - Université Paris-Sorbonne

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Par ailleurs, nous remarquons que la majorité des pèlerins du corpus sont des religieux, allant du simple moine, en passant par l’abbesse jusqu’à l’évêque (les Scandinaves mis à part 26 ). Certains appartiennent à l’ordre des frères mineurs. Thietmar est peut être l’un des premiers frères mineurs à se rendre en Terre Sainte précédant Saint-François d’Assises de quelques mois. La confrérie des Dominicains ne voit le jour qu’à la fin du XIII ème siècle aussi se fait-elle discrète dans le corpus. Les religieux se distinguent ici pour diverses raisons : en premier lieu, ils se déplacent au nom de la foi qu’ils professent et qu’ils pratiquent, ainsi ils obtiennent des laisser-passer et voyagent souvent gratuitement. De plus, ils ont l’érudition nécessaire pour prendre des notes au cours de leur périple ou avoir accès à des textes de référence. Enfin, leurs récits ont eu de meilleures conditions de conservation ou de transmission qui nous permettent de les lire aujourd’hui encore. La plupart des textes sont écrits en latin, mais le corpus édité par MM. Michelant et Raynaud 27 a la particularité d’être rédigé en ancien français. Nous pouvons considérer cela comme la volonté manifeste de mettre les « merveilles » de l’Orient et les itinéraires de pèlerinages à la portée de tous. Nous n’avons pas de sources sur l’âge des participants, celles-ci auraient pu nous éclairer sur le moment considéré comme propice au pèlerinage. Cependant, nos informations corroborent le fait que l’on se rend en pèlerinage de préférence avant d’entrer dans les ordres (c’est peut-être le cas de ces moines qui écrivent leur relation de pèlerinage après coup et qui, au moment de l’énonciation, ont prononcé leurs voeux) à moins que l’on n’accompagne un personnage de haut rang comme le font Foucher de Chartres, chapelain du roi Baudouin ou Ludolph de Sudheim chapelain d’un prince Arménien. On peut encore envisager que l’on se soit vu confier une mission de la plus haute importance, ou que l’on voyage dans la force de l’âge, voire dans le déclin de sa vie afin de toucher le tombeau du Christ avant de mourir. L’abbesse Euphrosine aura l’insigne honneur de finir sa vie à Jérusalem et d’y être mise en terre. 26 Force est de constater que ce sont des rois. La Knytlinga Saga relate l’histoire des rois du Danemark et raconte comment Eirik le Bon décida sa visite à Jérusalem. Thorvald le Lointain-voyageur (vers 990), un noble islandais, fut l’un des premiers pèlerins venu du Nord. Le dernier chef nordique dont on garde des traces de la visite à Constantinople et en Terre Sainte est Jarl Rognvald. D’après l’Orkneyinga Saga, l’expédition de quinze navires comprenait plusieurs Scandinaves de haut rang, ainsi que quatre poètes, tandis que l’évêque Guillaume, de Paris, servait d’interprète. Accostant à Acre, ils visitèrent également tous les lieux saints de Palestine avant de repartir vers le Nord par la voie terrestre. 27 Itinéraires à Jérusalem et descriptions de la Terre Sainte rédigés en français aux XI ème , XII ème et XIII ème siècles édités par MM. Michelant et Raynaud, Osnabrück, O., Zeller (éd.), 1966. 25

La date de ces voyages contribue à souligner la fréquence des pèlerinages. Nous pouvons constater que l’ensemble des relations se situe toujours entre deux épisodes militaires puisque l’accès aux Lieux saints subit les contingences des trêves et des batailles. Par ailleurs, ces dates permettent de saisir rapidement la durée du pèlerinage, laquelle, nous le verrons au cours de l’étude, est soumise aux contraintes belliqueuses, aux saisons et au bon vouloir des guides. De la même façon, le trajet emprunté varie pour de semblables raisons, il permet de montrer l’importance de telle route plutôt que telle autre à une époque donnée, et les réalités du chemin. Certains se déplacent par voie terrestre, en grande compagnie, en « meute », d’autres naviguent sur la mer Méditerranée. Nous pouvons déjà faire remarquer que les voyageurs maritimes n’empruntent pas encore majoritairement le port de Venise qui deviendra un lieu incontournable dès la fin du XIII ème siècle. Seul Thietmar ne rend pas entièrement compte de son pèlerinage à Jérusalem parce qu’il estime le sujet rebattu 28 alors qu’il décrit son excursion dans le Sinaï avec force détails. Tous les autres placent leurs pas dans ceux du Christ, en particulier sur les lieux de sa Passion. Cependant nous montrerons que le degré d’intérêt accordé à telle église ou tel monument dépend plutôt de certaines confréries. Nous avons été marqués par des particularités dans les relations des pèlerinages, c’est pour cette raison que nous les avons préférées dans notre tableau aux guides plus « conventionnels ». Ainsi, chacun a pu transmettre ce qui lui a paru fondamental lors de son périple et certains voyageurs ont retenu davantage notre attention pour leur originalité. Ils se distinguent en cela des nombreuses énumérations existantes. En effet, le narrateur s’implique davantage et les remarques personnelles sont multiples au regard des conditions du voyage en mer, des dangers rencontrés, du quotidien à Jérusalem, de l’état des églises, ou encore de l’environnement naturel au Proche-Orient. C’est pourquoi des pèlerins comme le russe Daniel, le chanoine Rorgo Fretellus de Nazareth, l’allemand Jean de Würzbourg et ses compatriotes le moine Theodoricus et le frère Thietmar ou encore le franc Burchard du Mont Sion et l’italien Riccold de Monte Croce sont au cœur de nos analyses car ils apportent maintes informations sur leur voyage. Parmi les itinéraires, deux textes ont cependant retenu notre attention. Le premier est à considérer pour son changement d’énonciation. Il faut noter que la plupart des récits 28 Thietmar, Thietmari peregrinatio, chapitre IX, p. 26, édition J-C-M Laurent, Leipzig, Heinrich Bibliopola, 1873. 26

Par ailleurs, nous remarquons que la majorité des pèlerins du corpus sont des religieux,<br />

allant du simple moine, en passant par l’abbesse jusqu’à l’évêque (les Scandinaves mis à<br />

part 26 ). Certains appartiennent à l’ordre des frères mineurs. Thietmar est peut être l’un des<br />

premiers frères mineurs à se rendre en Terre Sainte précédant Saint-François d’Assises de<br />

quelques mois. La confrérie des Dominicains ne voit le jour qu’à la fin du XIII ème siècle<br />

aussi se fait-elle discrète dans le corpus. Les religieux se distinguent ici pour diverses<br />

raisons : en premier lieu, ils se déplacent au nom de la foi qu’ils professent et qu’ils<br />

pratiquent, ainsi ils obtiennent des laisser-passer et voyagent souvent gratuit<strong>eme</strong>nt. De<br />

plus, ils ont l’érudition nécessaire pour prendre des notes au cours de leur périple ou avoir<br />

accès à des textes de référence. Enfin, leurs récits ont eu de meilleures conditions de<br />

conservation ou de transmission qui nous permettent de les lire aujourd’hui encore. La<br />

plupart des textes sont écrits en latin, mais le corpus édité par MM. Michelant et<br />

Raynaud 27 a la particularité d’être rédigé en ancien français. Nous pouvons considérer cela<br />

comme la volonté manifeste de mettre les « merveilles » de l’Orient et les itinéraires de<br />

pèlerinages à la portée de tous.<br />

Nous n’avons pas de sources sur l’âge des participants, celles-ci auraient pu nous éclairer<br />

sur le moment considéré comme propice au pèlerinage. Cependant, nos informations<br />

corroborent le fait que l’on se rend en pèlerinage de préférence avant d’entrer dans les<br />

ordres (c’est peut-être le cas de ces moines qui écrivent leur relation de pèlerinage après<br />

coup et qui, au moment de l’énonciation, ont prononcé leurs voeux) à moins que l’on<br />

n’accompagne un personnage de haut rang comme le font Foucher de Chartres, chapelain<br />

du roi Baudouin ou Ludolph de Sudheim chapelain d’un prince Arménien. On peut encore<br />

envisager que l’on se soit vu confier une mission de la plus haute importance, ou que l’on<br />

voyage dans la force de l’âge, voire dans le déclin de sa vie afin de toucher le tombeau du<br />

Christ avant de mourir. L’abbesse Euphrosine aura l’insigne honneur de finir sa vie à<br />

Jérusalem et d’y être mise en terre.<br />

26 Force est de constater que ce sont des rois. La Knytlinga Saga relate l’histoire des rois du Danemark et raconte<br />

comment Eirik le Bon décida sa visite à Jérusalem. Thorvald le Lointain-voyageur (vers 990), un noble islandais,<br />

fut l’un des premiers pèlerins venu du Nord. Le dernier chef nordique dont on garde des traces de la visite à<br />

Constantinople et en Terre Sainte est Jarl Rognvald. D’après l’Orkneyinga Saga, l’expédition de quinze navires<br />

comprenait plusieurs Scandinaves de haut rang, ainsi que quatre poètes, tandis que l’évêque Guillaume, de <strong>Paris</strong>,<br />

servait d’interprète. Accostant à Acre, ils visitèrent égal<strong>eme</strong>nt tous les lieux saints de Palestine avant de repartir<br />

vers le Nord par la voie terrestre.<br />

27 Itinéraires à Jérusalem et descriptions de la Terre Sainte rédigés en français aux XI ème , XII ème et XIII ème siècles<br />

édités par MM. Michelant et Raynaud, Osnabrück, O., Zeller (éd.), 1966.<br />

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