xi eme‐ xiii eme siecles - Université Paris-Sorbonne
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l’objet de leur quête. Le bonheur indiscible d’être parvenu en vie au terme du pèlerinage, la joie de la prière, la joie d’accomplir son vœu et l’appréhension aussi de ce qui les attend. Cette ville chargée d’Histoire, détruite par l’empereur Hadrien, rebaptisée Aelia Capitolina puis rebâtie retrouve sa valeur symbolique au IV ème siècle sous l’empereur Constantin. Elle est considérée par certains comme l’ombilic 710 . Elle abrite le Saint Sépulcre, elle symbolise la victoire du christianisme sur le paganisme, et de nombreuses églises y sont érigées comme témoignage de mémoire collective. Quel regard les pèlerins portent-ils sur la ville ? Nous allons organiser notre analyse en deux temps, en essayant d’abord d’esquisser une peinture de la ville telle qu’elle est présentée notamment dans le récit d’Ernoul ou dans la Continuation dite de Rothelin puis nous nous attacherons à la symbolique de la ville et aux échos qu’elle trouve dans les récits des pèlerins. 1) Rituel d’arrivée L’émotion est vive une fois Jérusalem en vue. Plusieurs pèlerins laissent entendre leur voix et rapportent les gestes qu’ils ont exécutés, tel un rituel, une fois parvenus aux abords de la cité. C’est une intense activité qui est suggérée par la chronique : « On ne peut pas décrire avec des mots les fontaines de larmes qui furent versées, le nombre et la pureté des prières et des hosties consacrées qui furent sacrifiées à Dieu, ou l’esprit joyeux avec lequel, après bien des soupirs, les pèlerins psalmodiant à présent : Prosternons-nous devant son marchepied. » 711 . Mais ils entonnent aussi un des cantiques de la montée 712 : « Seigneur, je n’ai pas le cœur fier, Ni le regard hautain. Je n’ai pas pris un chemin de grandeur Ni de prodigent qui me dépassent. Non, je tiens mon âme en paix et silence ; Comme un petit enfant contre sa mère, Comme un petit enfant, telle est mon âme en moi. Mets ton espoir, Israël, dans le Seigneur, 710 Matthieu Paris, Légendes de l’itinéraire de Londres à Jérusalem, texte édité par MM. Michelant et Raynaud, op. cit. « E la est le midliu du mund, cum li prophete Davi et plusurs avoient avant dit ke la nesteroit le Sauveres », p. 133. 711 La Bible de Jérusalem, op. cit., Psaume 131,7. 712 La Bible de Jérusalem, op. cit., Psaume 131 (130) « L’esprit d’enfance ». 255
Dès maintenant et à jamais ! » Saewulf rapporte l’action de grâce destinée au Seigneur, le remerciant notamment de l’avoir accompagné de sa clémence divine durant tout son périple: « Modo vos obsecro, omnes amici mei dilectissimi, expansis in altum manibus plaudite, iubilate deo una mecum in voce exultationis, quia fecit mecum in omni itinere meo misericordiam qui potens est : sit nomen eius benedictum ex hoc nunc et usque in saeculum. » 713 De la même façon, le prêtre Daniel note avec force détails les gestes qu’il a accomplis à la vue de Jérusalem. A un endroit déterminé par les guides, tout le monde a mis pied à terre de sa monture, et chacun a posé sa petite croix à terre et s’est incliné en direction du Saint Sépulcre. Ensuite, l’ensemble des pèlerins s’est rendu à Jérusalem à pied, les yeux pleins de larmes. Cette pratique est également signalée par Théodoric qui ne peut taire son immense joie à la vue de la Ville sainte : « Duobus a sancta civitate miliariis ad aquilonalem plagam ecclesiola quedam existit, ubi ad primum ipsius civitatis intuitum peregrini magno gaudio exhilarati cruces ponere solent, ubi etiam sese discalciantes humiliter illum student querere, qui pro ipsis pauper et humilis illuc dignatus est venire . . » 714 Il précise que les pèlerins posent leur croix à terre et ôtent leurs chaussures. Il ajoute que tous recherchent humblement un compagnon de voyage. Cette remarque, isolée dans le corpus, signifierait-elle que le véritable voyage, spirituel celui-là, ne commencerait vraiment qu’une fois arrivé aux environs de Jérusalem ? Elle tendrait à rejoindre la démarche personnelle de Riccold de Monte Crocce vue précédemment. Ainsi, ces deux témoignages attestent l’existence d’une pénitence personnelle où chacun peut, à l’instar du Christ, porter sa croix. Ici, c’est toute la valeur de l’expression qui est à prendre en considération, la croix étant la matérialisation des péchés et le rappel du vœu à accomplir. Les pèlerins se munissent donc d’un objet qui va les accompagner au terme de leur quête. Toutefois, une inconnue demeure : où se sont-ils procurés ces croix ? La possèdent-ils dès leur départ ? En font-ils l’acquisition en Judée ? Aucun des témoignages ne permet de répondre. De la même façon, qu’advient-il de cet objet ? Est-il immolé lors d’une retraite spirituelle dans un brasier incarnant la purification des péchés comme c’est le cas à Fatima où les pèlerins lancent leurs cierges ? Où les pèlerins la déposent-ils ? Ontils le choix de la placer où bon leur semble ? 713 Saewulf, op. cit., p. 61-62, lignes 93-96. 714 Thedoric, op. cit., p. 186, lignes 1329-1333. 256
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713 Saewulf, op. cit., p. 61-62, lignes 93-96.<br />
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