xi eme‐ xiii eme siecles - Université Paris-Sorbonne
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ainsi que nous pouvons interprèter les variantes des trajets des pèlerins du corpus. Nous avons traité du libre accès aux lieux de culte, il est évident que le parcours s’en trouve sensiblement bouleversé quand les conditions politiques ne sont pas fovarables aux pèlerins. Là encore, un itinéraire libre de contraintes n’est pas forcément envisageable quand on songe au rôle des chevaliers chargés de la protection des pèlerins. Leur connaissance du terrain a pu les contraindre à dissuader ces derniers dans leurs projets ou à les cantonner dans un itinéraire strict. Certaines régions sont également fermées aux visites aux pires moments de la domination musulmane, sans compter la couardise et la recherche de profit des capitaines de navires qui font tout pour abréger les excursions, profitant de chaque situation. Le corpus ne tend pas à montrer de préférence pour l’ordre de visite des sites, parfois la logique prend le dessus et un trajet qui correspond davantage à la chronologie des événements commémorés est adopté. Il peut s’agir aussi d’une simple question de restauration des bâtiments ; en effet, nous avons pu constater que certains sanctuaires étaient restaurés au XI ème siècle alors qu’il y en a davantage au XII ème siècle. Aucun élément ne nous permet d’affirmer non plus que le pèlerin procéde avec méthode. Il a sans doute, vu, touché ou entendu, un certain nombre d’éléménts mais il ne retranscrit pas tout. Ainsi, c’est le problème lié à la composition même de l’ouvrage final qui se pose. Les récits ont globalement été écrits au retour à partir de notes collectées çà et là ou de quelques bribes de souvenir, il n’y a pas vraiment de plan arrêté. Les pèlerins qui ont rédigé un ensemble s’apparentant davantage à un traité de topographie ont pu organiser leur propos, pour des raisons évidentes de structure, et c’est dans l’écriture même qu’ils ont choisi un cadre à leur périple. Soit ils sont structurés et procédent par focalisation, soit ils écrivent en fonction des étapes, sans se préoccuper d’autre chose. Quant à un rituel sur place, le choix de regarder ou de s’approcher de tel sanctuaire plutôt que tel autre n‘est que conjecture. Seul Guillaume de Boldensele revendique un itinéraire personnel au gré de ses envies : «[…] pendant mon voyage, je n’ai pas toujours suivi les chemins ordinaires et les voies publiques, mais j’ai fureté ici et là à mon gré pour visiter les lieux saints qui m’intéressaient 697 » alors qu’aucune mention ne le laisse supposer dans le reste du corpus. 697 Guillaume de Boldensele, op. cit., p. 1024. 251
2) La perception de l’espace religieux Nous nous sommes demandés à quoi pouvait s’intéresser le pèlerin une fois dans le sanctuaire. Se contente-t-il de prier ? La dimension spirituelle abolit-elle toute sensibilité à l’environnement ? A-t-il un regard pour l’architecture, l’iconographie, les fontaines, les éléments de la liturgie, ou pour les traces des événements bibliques ? Le sanctuaire ne semble exister que pour sa fonction référentielle. En effet, il servirait à concrétiser, à témoigner d’un événement biblique important aux yeux des pèlerins. C’est la raison pour laquelle le texte sacré est constamment présent. Ainsi, le lieu ne paraît pas considéré pour ce qu’il est mais pour ce qu’il a été. Cependant, certains des pèlerins du corpus d’étude vont au-delà de cette fonction référentielle. Cette curiosité, non seulement souligne la singularité de certains récits de voyage, mais elle nous offre un témoignage extrêmement coloré des lieux de culte au Moyen Age. Ainsi, en matière de décoration, Burchard du Mont Sion a particulièrement exercé son regard d’amateur d’art à l’église de la Dormition (sur le Sion) « […] est autem sepulcrum in medio chori contra altare, marmoreum et mirifice decoratum » 698 , sur les tombes « de marmore grisei coloris, alta a superficie pavimenti tribus palmis, longa pedibus viii. » 699 Il s’intéresse aux matières premières, aux nuances de couleurs, prend des mesures, s’inquiète de menus détails. Tout est examiné du sol au plafond : « Pavimentum huius capelle stratum est de marmore totum, et parietes sunt tecti marmore et opere musivo decorati da auro purissimo. » 700 Willibrand d’Odenbourg n’est pas en reste ; déjà à Beyrouth il a pris quelques notes : « […] vidimus quoddam palacium ornatissimum, quod pro mea insufficiencia brevita describo vobis. […] pavimentum habent subtile marmoreum, simulans aquam levi vento agitatam » 701 , lui aussi se plonge dans les détails de la composition, tente de restituer un mouvement : son analyse se veut pertinente. Il poursuit à Antioche en recopiant les lettres d’or : « […] ecclesia summe ornata, in quam olim beatus Petrus sicut patriarcha presidebat. […] Unde in consistorio ipsius isti versus aureis literis sunt inscripti : ‘ Sit procul hinc Iezi, Thronus hic sit iuris et aequi ; Tercia pars mundi iure tenetur ei. » 702 698 Burchard, op. cit., chapitre VIII, p. 68. 699 Burchard , op. cit., chapitre VIII, p. 70. 700 Burchard, op. cit., chapitre VIII, p. 71. 701 Willibrand, op. cit., Liber I; chapitre V, p. 166-167. 702 Willibrand, op. cit., Liber I ;chapitre XIV, p. 172. 252
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Thronus hic sit iuris et aequi ; Tercia pars mundi iure tenetur ei. » 702<br />
698 Burchard, op. cit., chapitre VIII, p. 68.<br />
699 Burchard , op. cit., chapitre VIII, p. 70.<br />
700 Burchard, op. cit., chapitre VIII, p. 71.<br />
701 Willibrand, op. cit., Liber I; chapitre V, p. 166-167.<br />
702 Willibrand, op. cit., Liber I ;chapitre XIV, p. 172.<br />
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