xi eme‐ xiii eme siecles - Université Paris-Sorbonne
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efrain : «ibi rogavi Christum ». Loin du deni de Pierre lors de l’arrestation du Christ, il crie sa foi et est pleinement conscient de ce qu’il est en train d’accomplir. Le procédé a été mis en évidence, de mortel, le pèlerin reconnaît sa condition de pécheur, il se place sous la protection du Christ, en cela il assoit sa foi, il confirme sa foi. Mais quand il s’assimile aux disciples, c’est pour leur qualité de témoin des actions et des miracles de Jésus Christ. Il reconnaît la puissance de son Seigneur et souhaite partager cette nouvelle. Enfin, tout naturellement, ayant acquis la certitude d’une vie meilleure lorqu’elle est au service de Dieu, il renonce aux biens matériels. Au fur et à mesure que le pèlerin progresse en Terre Sainte, sa démarche spirituelle se fortifie. Reste à envisager le temps : une fois encore la question doit être soulevée. Le pèlerinage ne s’étendant pas dans la durée, il faut envisager une transposition spirituelle rapide, en cela elle doit s’effectuer au jour le jour. Les distances à parcourir entre les lieux de dévotion favoriseraient aussi une réflexion sur la foi, sur les paroles et les actes du Christ retracés dans les Evangiles. Riccold de Monte Croce traverse les vingt milles le séparant de Cana depuis Saint-Jean d‘Acre en une journée, « itinere diei » , quinze milles plus loin se situe Genesareth et à ceux-là vont s’ajouter les trois milles pour faire l’ascension de la montagne avoisinante et le mille supplémentaire destiné à la pause repas à l’endroit même cité par les Evangiles pour le partage des pains d’orge. Nous pouvons conjecturer qu’il emploie une deuxième journée à ce trajet. Un autre repas est mentionné à La Table, il peut être un repère pour une troisième journée de prières comprenant la descente vers Capharnaüm sur deux milles, la route vers le lieu de la pêche miraculeuse, les six milles pour se rendre à Magdala. Au regard des données fournies par le récit du Dominicain, nous pouvons envisager que cela se réalise en trois ou quatre journées environ. Cependant cette transposition ne se limite pas à la Galilée, le processus trouve son épanouissement en Judée. Ce n’est plus seulement en tant que disciple mettant ses pas dans ceux du Christ que Riccold parcourt Jérusalem et ses alentours. Il souhaite aller à sa rencontre du Seigneur, le côtoyer et non pas être dans son distant sillage. En effet, il va tour à tour prendre part à chacun des moments marquants de la vie du Christ. Cela commence au cénacle. En effet, dans La Bible, les disciples du Christ sont angoissés à l’idée d’être assaillis par les Juifs après l’arrestation du Christ ; Riccold et ses compagnons craignent quant à eux les Sarrasins au moment où ils pratiquent leur culte : « […] genentes 231
et flentes et vehementer timentes occidi a Sarracenis » 622 . La transposition s’appuie ici sur les circonstances : en effet, le lieu est similaire et la cause très proche puisqu’on redoute un danger pour sa personne au nom de sa conviction religieuse. Ensuite, à Bethléem, il se prête à un simulacre de la nativité lorsqu’il découvre un enfant (celui d’une voisine) dans la crèche. Non seulement, il y voit le signe d’une répétition de la naissance du Christ mais il va, entouré de ses compagnons de pèlerinage, jusqu’à reproduire la visite des rois mages. Tout semble faire sens à Riccold, tout semble prétexte à tester sa foi ou à la mettre en pratique. A travers cette étape, l’élément significatif est un bébé, sans doute déposé par commodité dans la crèche, alors que sa mère assiste à la messe et communie lors de la célébration officiée par Riccold de Monte Croce 623 . De témoin, il devient aussi acteur comme lorsque il descend en cortège du mont des Oliviers, rameaux d’oliviers en main jusqu’à la porte dorée, mimant ainsi l’entrée triomphale du Christ. Son désir de rencontre avec le Christ s’affirme tout autant quand il organise une procession vers le tombeau au jour de la résurrection 624 . Enfin, il revit le Jugement dans la vallée de Josaphat : « […] sedimus flentes et trementes expectantes iudicium » 625 et va jusqu’à matérialiser par une pierre son propre emplacement quand son âme aura quitté son corps, et très symboliquement il s’installe à la droite de Dieu. C’est l’occasion pour lui de dresser un bilan sur sa foi : « Ego autem erexi et signavi ibi lapidem et accepi locum ad dexteram pro me et pro omnibus illis qui a me verbum Dei audierant, qui perseverarent in fide et veritate evangelii et sic signavi in lapide sub invocatione multorum fidelium testium qui presentes flebant. » 626 . Par ailleurs, ce désir mimétique se lit déjà en Galilée à l’occasion de deux repas. Les pèlerins reprennent des forces lors d’une pause rassasiante pour les estomacs certes, mais également pour l’esprit, puisqu’elle permet d’étancher une faim spirituelle telle qu’elle est prèchée à travers l’Evangile de Saint Matthieu (14 17-21) concernant l’élaboration d’un repas à partir de cinq pains et de deux poissons. De même un repas est pris au lieu dit « La Table » entre Capharnaüm et Bethléem, où le Christ aurait posé des victuailles, les cent cinquante trois poissons de la pêche miraculeuse lors de sa troisième apparition 627 . Le fil 622 Riccold, op. cit., p. 49. 623 Riccold, op. cit., « ibi celebrantes et predicantes et populum communicantes », p. 60. 624 Riccold op. cit., p. 70. Nous analysons ce rendez-vous mystique plus loin dans le chapitre consacré à Jérusalem. 625 Riccold, op. cit., p. 64. 626 Riccold, op. cit., p. 64. 627 La Bible de Jérusalem, op. cit., Jean 21 4-13. 232
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