xi eme‐ xiii eme siecles - Université Paris-Sorbonne
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pèlerins de Jérusalem empruntent une route similaire, visitent des lieux semblables et rapportent les mêmes événements bibliques, mais ils sont loin d’être identiques dans leur transcription de ce parcours. Dans le récit du chanoine dominicain une véritable implication transparaît (nous montrerons plus loin dans l’étude que sa voix se fait entendre). Nous avons assimilé cela à une lente conversion spirituelle que nous n’avons perçu nulle part ailleurs. Aussi, les interrogations qui ont guidé notre analyse sont les suivantes : comment s’est-il préparé au contact avec les Lieux saints ? De quelle façon sa foi transparaît-elle ? Comment manifeste-il sa dévotion ? Est-ce que tous les pèlerins ressentent ce même besoin d’adaptation progressive au pèlerinage ? Cela se fait-il en une journée ou est-ce progressif ? Le chanoine italien entreprend comme tout pèlerin une progression concrète sur des lieux évangéliques, le pèlerinage étant une avancée d’un site religieux à un autre, doublée d’une dimension spirituelle. Mais il tend davantage à une élévation. Ainsi, en faisant une lecture associant le geste et la liturgie, à partir du trajet depuis la ville de Saint-Jean d’Acre, nous assistons à la transformation du pèlerin au fur et à mesure de son périple. Riccold de Monte Croce semble opérer une conversion interne durant sa visite de la Galilée, où il s’imprègne de l’atmosphère de religiosité des sites qu’il parcourt, pour vivre pleinement sa rencontre avec le Christ. Arpentant un espace concret en s’appuyant sur un guide spirituel : Les Evangiles, plutôt que sur un guide de voyage, son trajet acquiert une toute autre dimension. Avec René Kappler nous pouvons affirmer que « la Parole en son lieu, retrouve sa force première. L’Evangile est beaucoup plus qu’un guide. Il consacre chaque lieu, il suscite une Présence » 616 . Certes, Riccold foule le sol, place ses pas dans ceux du Christ puisqu’il entreprend une visite de la Galilée en se remémorant les épisodes importants de sa vie tels qu’ils sont relatés par les apôtres, mais il va bien plus loin. Afin de s’immerger complètement, la vue et l’ouïe vont se joindre au sens du toucher. Par conséquent, le pèlerin va se donner les moyens d’entrer en contact avec la foi qu’il est venu confirmer. D’abord, ce sont les textes des Evangiles lus à voix haute, prêchés, chantés, qui vont servir de support à ce renouvellement et vont accompagner le pèlerin dans sa démarche votive. Dans les textes du corpus, chaque lieu important est l’objet d’un rappel biblique, mais Riccold de Monte Croce se projette dans la scène qui devient une véritable expérience de vie. La remémoration du miracle des noces de Cana est l’occasion d’une première remise 616 Kappler, R, Pérégrination en Terre Sainte et au Proche Orient, op. cit., introduction à l’œuvre, p. 15. 229
en question 617 . Il s’affirme en tant que pénitent en appliquant la métaphore à sa personne : « ita aqua mee insipiditatis et indevotionis converteret in vinum compunctionis et spiritualis saporis » 618 , il assimile le pécheur qu’il est, à l’eau en attente de transformation qui le conduira vers un être meilleur, plus digne de fouler le sol sur lequel a vécu et a péri le Christ pour la rédemption de tous. La première étape est franchie, elle concerne la reconnaissance de ses péchés et la volonté de changer. Cependant, la route est semée d’embûches, aussi, un autre épisode de la vie du Christ sera l’occasion de demander une aide, une protection pour parvenir au but. Ainsi, la descente vers le lac de Genesareth, où les pèlerins chantent traditionnellement l’exorcisme 619 des deux hommes possédés et dont les démons sont envoyés dans des porcs qui se jettent du haut de la falaise, est intériorisée et se traduit par une demande personnelle ; il souhaite à son tour une protection contre l’attaque des démons voire une libération s’il est lui même possédé. De cette façon, le pécheur demande à être guidé vers la lumière. Il va se considérer comme partiellement exaucé à la troisième étape. La rencontre de Simon et de Pierre à Betsaïde rapportée par Saint Mattieu (4 18-19) est une fois de plus transposée, il se projette mentalement sur la barque et émet le souhait de se joindre à eux : « […] ad sanctum suum discipulatum vocaret et faceret me piscatorem hominum. » 620 Sur le plan grammatical, il se place en position d’objet témoignant encore de sa pleine dévotion et se laisse guider par le Christ. Il attend un signe sonore mais il est déjà conforté dans ce choix : c’est la raison pour laquelle il se tourne entièrement vers la spiritualité. Par conséquent, à travers le chant « heureux ceux qui ont un cœur de pauvre : le royaume des cieux est à eux », il manifeste le désir de se détourner des biens terrestres : « Ibi rogavi Dominum quod me totaliter a desiderio terrenorum levaret et mentem meam ad celestia transferret » 621 . Il confirme cette volonté en prêchant à Capharnaüm sur le lieu de la vocation de Matthieu. Les étapes qu’il choisit se concentrent sur le recrutement des disciples du Christ, Riccold de Monte Croce s’assimile alors à ceux-ci. Par ailleurs, une voix se fait entendre parmi ces chants collectifs rapportés à la quatrième personne tels « cantavimus », « descendimus, « ascendimus, « predicavimus », celle d’un individu qui s’exprime à la première personne et qui revient par trois fois comme un 617 La Bible de Jérusalem, op. cit., Jean 2 1-11. 618 Riccold, op. cit., p. 38. 619 La Bible de Jérusalem, op. cit., Matthieu 8 28-34. 620 Riccold, op. cit., p. 40. 621 Riccold, op. cit., p. 40. 230
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Le chanoine italien entreprend comme tout pèlerin une progression concrète sur des lieux<br />
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associant le geste et la liturgie, à partir du trajet depuis la ville de Saint-Jean d’Acre, nous<br />
assistons à la transformation du pèlerin au fur et à mesure de son périple. Riccold de Monte<br />
Croce semble opérer une conversion interne durant sa visite de la Galilée, où il s’imprègne<br />
de l’atmosphère de religiosité des sites qu’il parcourt, pour vivre plein<strong>eme</strong>nt sa rencontre<br />
avec le Christ.<br />
Arpentant un espace concret en s’appuyant sur un guide spirituel : Les<br />
Evangiles, plutôt que sur un guide de voyage, son trajet acquiert une toute autre dimension.<br />
Avec René Kappler nous pouvons affirmer que « la Parole en son lieu, retrouve sa force<br />
première. L’Evangile est beaucoup plus qu’un guide. Il consacre chaque lieu, il suscite une<br />
Présence » 616 . Certes, Riccold foule le sol, place ses pas dans ceux du Christ puisqu’il<br />
entreprend une visite de la Galilée en se remémorant les épisodes importants de sa vie tels<br />
qu’ils sont relatés par les apôtres, mais il va bien plus loin. Afin de s’immerger<br />
complèt<strong>eme</strong>nt, la vue et l’ouïe vont se joindre au sens du toucher. Par conséquent, le<br />
pèlerin va se donner les moyens d’entrer en contact avec la foi qu’il est venu confirmer.<br />
D’abord, ce sont les textes des Evangiles lus à voix haute, prêchés, chantés, qui vont servir<br />
de support à ce renouvell<strong>eme</strong>nt et vont accompagner le pèlerin dans sa démarche votive.<br />
Dans les textes du corpus, chaque lieu important est l’objet d’un rappel biblique, mais<br />
Riccold de Monte Croce se projette dans la scène qui devient une véritable expérience de<br />
vie. La remémoration du miracle des noces de Cana est l’occasion d’une première remise<br />
616 Kappler, R, Pérégrination en Terre Sainte et au Proche Orient, op. cit., introduction à l’œuvre, p. 15.<br />
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