xi eme‐ xiii eme siecles - Université Paris-Sorbonne

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legem nature » 561 . Toutefois, il n’en véhicule pas moins de nombreuses anecdotes sur leur intolérance et sur leur violence causée le plus souvent par l’ivresse. Il précise que leur colère éthylique se tourne vers toute personne qui se présente à eux, sans distinction de sexe, d’origine ou de religion. Cependant, il souligne que l’homicide est lourdement condamné. De la même façon, un long développement est consacré aux femmes, à leurs capacités guerrières et à la polygamie. Pour finir, Riccold pointe leur conception de la mort, il la considère comme une erreur et parle à maintes reprises de « vaine résurrection » ou « resurrectionem fatuam », à l’image de leur vie corruptible. Il va aussi s’attacher à décrire les rites funèraires et la préparation du cheval qui doit accompagner le défunt dans une autre vie. Là encore, les pratiques funéraires consistant à doter la sépulture du défunt de nourriture, de vêtements et de pierres précieuses sont condamnées. Au contraire, Jean de Joinville en a une approche indirecte, par ouïe dire, comme il rapporte : « le messagiers le roy nous conterent 562 ». Le monde Mongol est relativement ambigu pour le Champenois, mêlé d’admiration et de crainte 563 . Il rapporte le mythe des origines du peuple qui serait né du néant par le contact de roches derrière lesquelles sont enfermés les peuples de Gog et Magog 564 , ce rapprochement somme toute curieux leurs confère une dimension quasi apocalyptique 565 . A cette image mythique s’ajoutent des valeurs positives telles l’accession au pouvoir fondé sur la sagesse, le respect de la paix, un ordre moral sévère. Des points a priori favorables. Le sénéchal évoque aussi les pratiques alimentaires 566 , n’en retient que la plus choquante à ses yeux à savoir le fait de manger de la viande crue et conclut sur la note très réaliste de la puanteur qui se dégage du sac de viande d’un certain individu quand il était prisonnier : « Les chars crues il mettent entre leur celles et leur paniaus ; quant le sanc en est bien hors, si la manjuent toute crue. Ce que il ne peuent manger jetent en un sac de cuir ; et quant ils ont fain, si oevrent le sac et manguent touz jours la plus viex devant. Dont le vis un Coremyn […] que quant il 561 Riccold, op. cit., p. 80. 562 Joinville, op. cit., §487. 563 Joinville, op. cit., § 133-135/ 492 :L’empereur Mongol envoie des messagers à Saint-Louis et lui propose son aide. En retour, des émissaires et des cadeaux sont offerts aux Mongols. L’ambassade dure deux années mais le résultat escompté est décevant, les Mongols exigent une soumission totale. § 473-492. 564 Joinville, op. cit., §473. 565 Apocalypse (20,8), le texte annonce qu’à la fin des temps se produira le déferlement de Gog et Magog « aussi nombreux que le sable de la mer ». 566 Joinville, op. cit., §473-491. Notamment §487 « il ne mangoient point de pain et vivoient de char et de let. La meilleur char que il aient, cest de cheval, et la mettent gesir en souciz et sechier apreé, tant que il la trenchent , aussi comme pain noir. Le meilleur brevage que il aient et le plus fort, c’est de lait de jument confist en herbes. » 215

ouvroit son sac, nous nous bouchions, que nous ne poions durer pour la puneisie qui issoit du sac. » 567 Cette approche de l’Autre ne se construit pas sur le mode de l’opposition d’avec les chrétiens. Une double représentation se fait jour, oscillant entre une image favorable et une image inquiétante, cependant, à la différence des Bédouins, il n’y a pas de rejet manifeste, car ils demeurent des êtres insaisissables. 216 f) La population locale : les Francs et les Allemands Nous allons examiner les commentaires de pèlerins allemands du milieu du XII ème siècle pour envisager ce qui est dit de la population locale. Nous nous intéressons aux occidentaux installés en Terre Sainte depuis la première croisade. Le choix du corpus est plutôt restreint car les autres pèlerins demeurent silencieux à propos de leur entourage, sans doute parce qu’il appartient à leur sphère de connaissance et peut-être aussi parce qu’ils n’estiment pas important de rapporter ce qui a tendance à être familier. Nous avons choisi d’analyser deux récits. En effet, les pèlerinages ont été réalisés quasiment en même temps, par des hommes d’Eglise, d’origine allemande. De la sorte, les circonstances historiques et culturelles sont pour ainsi dire les mêmes. Et pourtant l’un va sortir de sa réserve et de son cadre religieux pour fustiger violemment les Francs alors que l’autre va à peine en prendre ombrage. Ce qui frappe dans le récit de Jean de Würzbourg, c’est l’expression de sa colère sur une question relativement contemporaine, alors que l’ensemble de son récit de pèlerinage se consacre à la prière et aux lieux saints. Il est attaché à sa patrie d’origine et a le sentiment qu’elle a été lésée au profit des Francs. Aussi, il sort du cadre du pèlerinage et déverse son fiel sur les Francs et toutes les infrastructures réalisées par ces derniers. Il n’hésite pas à se lancer dans une violente diatribe contre ceux-là. Il souhaite que soit réparée l’injustice commise envers les allemands, trop peu remerciés pour leur participation à la libération de Jérusalem : « In tercia die anniversarium ducis felicis memoriae et egregii Gotefridi, illius sanctae expeditionis XX XX, stirpe Alemannorum oriundi, tota civitas solemniter observat cum larga elemosinarum in maiori aecclesia distributione ex sui ipsius adhuc viventis dispositione. Verum tamen, quamvis sic ibidem quasi de suo honoretur, tamen expugnatio civitatis non ei cum Alemannis, non minime in ea expeditione laborantibus et exercitatis, 567 Joinville, op. cit., §489.

legem nature » 561 . Toutefois, il n’en véhicule pas moins de nombreuses anecdotes sur leur<br />

intolérance et sur leur violence causée le plus souvent par l’ivresse. Il précise que leur<br />

colère éthylique se tourne vers toute personne qui se présente à eux, sans distinction de<br />

sexe, d’origine ou de religion. Cependant, il souligne que l’homicide est lourd<strong>eme</strong>nt<br />

condamné. De la même façon, un long développ<strong>eme</strong>nt est consacré aux femmes, à leurs<br />

capacités guerrières et à la polygamie. Pour finir, Riccold pointe leur conception de la<br />

mort, il la considère comme une erreur et parle à maintes reprises de « vaine résurrection »<br />

ou « resurrectionem fatuam », à l’image de leur vie corruptible. Il va aussi s’attacher à<br />

décrire les rites funèraires et la préparation du cheval qui doit accompagner le défunt dans<br />

une autre vie. Là encore, les pratiques funéraires consistant à doter la sépulture du défunt<br />

de nourriture, de vêt<strong>eme</strong>nts et de pierres précieuses sont condamnées.<br />

Au contraire, Jean de Joinville en a une approche indirecte, par ouïe dire, comme il<br />

rapporte : « le messagiers le roy nous conterent 562 ». Le monde Mongol est relativ<strong>eme</strong>nt<br />

ambigu pour le Champenois, mêlé d’admiration et de crainte 563 . Il rapporte le mythe des<br />

origines du peuple qui serait né du néant par le contact de roches derrière lesquelles sont<br />

enfermés les peuples de Gog et Magog 564 , ce rapproch<strong>eme</strong>nt somme toute curieux leurs<br />

confère une dimension quasi apocalyptique 565 . A cette image mythique s’ajoutent des<br />

valeurs positives telles l’accession au pouvoir fondé sur la sagesse, le respect de la paix,<br />

un ordre moral sévère. Des points a priori favorables. Le sénéchal évoque aussi les<br />

pratiques alimentaires 566 , n’en retient que la plus choquante à ses yeux à savoir le fait de<br />

manger de la viande crue et conclut sur la note très réaliste de la puanteur qui se dégage du<br />

sac de viande d’un certain individu quand il était prisonnier : « Les chars crues il mettent<br />

entre leur celles et leur paniaus ; quant le sanc en est bien hors, si la manjuent toute crue.<br />

Ce que il ne peuent manger jetent en un sac de cuir ; et quant ils ont fain, si oevrent le sac<br />

et manguent touz jours la plus viex devant. Dont le vis un Coremyn […] que quant il<br />

561<br />

Riccold, op. cit., p. 80.<br />

562<br />

Joinville, op. cit., §487.<br />

563<br />

Joinville, op. cit., § 133-135/ 492 :L’empereur Mongol envoie des messagers à Saint-Louis et lui propose son<br />

aide. En retour, des émissaires et des cadeaux sont offerts aux Mongols. L’ambassade dure deux années mais le<br />

résultat escompté est décevant, les Mongols e<strong>xi</strong>gent une soumission totale. § 473-492.<br />

564<br />

Joinville, op. cit., §473.<br />

565<br />

Apocalypse (20,8), le texte annonce qu’à la fin des temps se produira le déferl<strong>eme</strong>nt de Gog et Magog « aussi<br />

nombreux que le sable de la mer ».<br />

566<br />

Joinville, op. cit., §473-491. Notamment §487 « il ne mangoient point de pain et vivoient de char et de let. La<br />

meilleur char que il aient, cest de cheval, et la mettent gesir en souciz et sechier apreé, tant que il la trenchent ,<br />

aussi comme pain noir. Le meilleur brevage que il aient et le plus fort, c’est de lait de jument confist en herbes. »<br />

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