xi eme‐ xiii eme siecles - Université Paris-Sorbonne
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obéïssanz à la loi de Rome, dont il avoit moustierz et abaïes en la cité. Pour ce ne vous veil je mie parler de toutes ces genz que je ai ci en droit nommées […] 554 » d) Les Bédouins Alors que Jean de Joinville ne manifestait pas d’hostilité franche envres les Sarrasins, la perception qu’il a des Bédouins se fait sur le mode de l’opposition. Les Bédouins apparaissent ici comme l’exemple même de ce qu’il ne faut pas faire, de ce qu’il ne faut pas être, ce sont des hommes de peu. Le sénéchal fait une petite digression les concernant alors qu’ils pillent le camp des Sarrasins vaincus, « Nulle chose du monde il ne lesserent en l’ost des Sarrazins que il n’emportassent tout ce que les Sarrazins avoient lessié ; ne je n’oÿ onques dire que les Beduyns, qui estoient sousjez aus Sarrazins, en vausissent pis de chose que il leur eussent tolue ne robee, pour ce que leur coustume est tele et leur usage que il courent tousjours sus aus plus febles » 555 . Leur acte est condamnable, déloyal, choquant mais il est en quelque sorte accepté car il témoigne du peu de considération de ces êtres. D’emblée, c’est une image négative qui est véhiculée. Ce sont des traîtres et cette lacheté semble un trait de culture et d’usage bien éloigné des préceptes du croisé fidèle à son roi et à sa foi. Ils semblent appartenir au plus bas de l‘échelle sociale. Plus loin, Joinville dresse un portrait tant social que spirituel des Bédouins en s’appuyant sur leur mode de vie. C’est d’abord par des négations, par la mise en relief de ce qu’ils n’ont pas que sont présentés les Bédouins : « ne demeurent en villes ne en cités n’en chastiaus » et leur espace à vivre est dévoilé « gisent adès aus champs » 556 . Ils n’ont pas de toit, ne sont pas sédentarisés, c’est déjà un défaut en soi pour le Champenois. Passant en revue leur mode de vie et l’usage qu’ils font des peaux de bêtes pour se prémunir du froid ou de la pluie, il conserve une certaine neutralité dans le ton, aucune tournure stylistique ne transparaît. Pourtant toute la description fait l’objet d’un jugement critique constant car elle se réfère aux critères de valeur en vigueur dans l’Occident médiéval chrétien. Les Bédouins sont quasiment assimilés à des bêtes par leur vie nomade et leur vêtement. De plus, leur croyance est infondée au regard du chrétien, elle se lit par exemple dans leur conception de la mort et se retrouve dans leur refus de s’armer correctement pour un combat : « Leur creance est tele que nul ne peut morir que a son jour, et pour ce ne se 554 Continuateur, op.cit., chapitre VIII, p.163. 555 Joinville, op. cit., §248. 556 Joinville, op. cit., §250. 213
veulent il armer » 557 . Enfin, la description de l’allure extérieure des Bédouins à l’aide des adjectifs « ledes » et « hydeuses » et la connotation négative associée à la couleur noire de leurs cheveux et de leur barbe contribuent à une présentation peu réjouissante voire inférieure de l’Autre en totale opposition avec les valeurs de la chrétienté. La nature fait face à la culture. Il n’y a aucune identification possible, pas de conversion envisageable puisque ce ne semblent pas être des hommes. e) Les Tartares Ce sont une fois encore Riccold de Monte Croce et Jean de Joinville qui s’intéressent aux Mongols. L’un a une connaissance de terrain, il a vécu quelques dix années en territoire Mongol, l’autre ne les a pas fréquentés mais rapporte ce qu’il a entendu d’eux et le comportement qu’ils ont adopté face à saint Louis. Alors qu’ils sont traditionnellement perçus comme des êtres monstrueux, le frère prêcheur montre la singularité de ce peuple. Il organise son exposé en trois parties visant à souligner l’horreur et la monstruosité de cette population. D’abord il entreprend une description du faciès en insistant sur un rapprochement animalier : « […] sunt valde similes scimie et maxime senes. » 558 . Ensuite, il effectue un rapide panorama des mœurs. Nous constatons que ses propos se rapprochent sensiblement de ce que dit Jean de Joinville des Bédouins. En effet, le mode de vie nomade privilégié par les Tartares est perçu comme une tare ; stylistiquement cela se traduit par l’emploi répété de la négation : « nec curialitatem habent nec verecundiam nec gratitudinem nec amorem ad aliquem locum ut alie nationes. » 559 Enfin, le peuple est de nouveau assimilé à un animal dans son instinct naturel migratoire au gré des saisons : « Instinctu autem quodam naturali vivunt ut bestie et aves mutantes locum in estate et yeme ; timent autem multum calorem et frigus.» 560 Examinant leurs rites, il reconnaît des aspects positifs à leur vie, parce qu’elle se rapproche de ses propres convictions, et il salue notamment leur pratique monothéiste : « […] non mentiuntur se habere legem a Deo ut multe alie nationes ; credunt autem Deum et quam 557 Joinville, op. cit., §250. 558 Riccold, op. cit., p. 78. 559 Riccold, op. cit., p. 78. 560 Riccold, op. cit., p. 80. 214
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558 Riccold, op. cit., p. 78.<br />
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560 Riccold, op. cit., p. 80.<br />
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