xi eme‐ xiii eme siecles - Université Paris-Sorbonne
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musulmans) de séjourner dans la sainte cité. Toutefois, une autorisation pour raison de pèlerinage, ou au sujet d’activité commerciale peut être obtenue à condition de s’acquitter d’une taxe. Mais tous ne sont pas du même avis et certains préconisent l’exclusion pure et simple des non chrétiens. Guillaume de Tyr note à ce propos : « […] iis non datus est locus intra urbem ad manendum. Instar enim sacrilegio videbatur Deo devotis principibus, si aliquos qui in Christiana non censerentur professione in tam venerabili loce esse permitterent habitatores 541 ». Tandis qu’Ernoul laisse entendre qu’il n’y a qu’une famille à Jérusalem, soumise à ce fameux impôt de capitation, Benjamin de Tudèle, qui dénombre systématiquement ses corréligionnaires, fait remarquer que les familles sont regroupées en foyer et mentionne la présence de quatre (foyers) juifs entre 1167 et 1168. (Nous comprenons là quatre familles et non quatre individus). Ils exercent la profession de teinturier et ont obtenu « le privilège » de cette charge. Peu nombreux et circonscrits dans un environnement défini, ils ont peu de motifs pour entrer en contact avec les pèlerins. Ainsi, non seulement les pèlerins de notre corpus d’étude se désintéressent de cette population mais qui plus est, elle semble localisée bien plus loin que l’espace parcouru habituellement par ces derniers. Par ailleurs, Riccold de Monte Croce qui s’aventure loin dans les terres d’Orient en sa qualité de missionnaire rapporte que c’est à Mossoul (et non pas avant) qu’il rencontre des Juifs, il entreprend ainsi une dispute publique comme il aime à argumenter : « Ibi sunt multi Iudei et vicimus eos publica disputatione in sinagoga eorum 542 ». c) Les chrétiens d’Orient Riccold de Monte Croce consacre également de nombreuses pages aux chrétiens d’Orient. Il hiérarchise les diverses communautés à partir de considérations personnelles. Il rencontre surtout des Jacobites, (les Grecs dans son récit) et des Nestoriens, mais il traite aussi des Maronites au Liban et des Syriens. Les premiers sont particulièrement bien implantés en Terre Sainte. Cette église d’Orient de langue grecque considére qu’elle a davantage préservé l’héritage du christianisme des premiers siècles alors que l’Eglise d’Occident dite « catholique », universelle a un idéal plus expansionniste. Riccold de Monte Croce opère une gradation quant à la considération qu’il témoigne à ces Eglises. L’une est égarée, l’autre hérétique, la troisième sectaire. Il n’a pas de propos durs 541 Guillaume de Tyr, op. cit., p. 158. 542 Riccold, op. cit., p. 122. 209
pour la communauté des Syriens, sans doute l’envisage-t-il comme moins perdue que les trois précédentes. Que ce soit à Mossoul ou à Bagdad, il essaie de réconcilier ces « égarées » avec le pape. Il n’est pas ici question de « païens » qui n’ont pas encore entendus ou compris la bonne parole, parce qu’ils sont chrétiens. Et c’est là tout le drame. Aussi, il considère ces Eglises comme hérétiques puisqu’elles se trompent dans la nature même de leur croyance. Dans la pratique, Riccold de Monte Croce va rapporter son entretien avec ces « schismatiques». Il organise son propos autour du distinguo théologique portant sur les deux natures du Christ. En effet, les Jacobites pratiquent une doctrine monophysite, ils estiment qu’il n’y a qu’une seule nature divine dans le Christ. Le missionnaire martèle son texte avec le pronom indéfini « unam » pour scander l’erreur profonde de la doctrine : « Sunt vero heretici, dicentes in Christo unam substantiam, unam naturam, unam voluntatem et unam operationem scilicet divinam tantum » 543 . Afin de bien mettre en relief son désaccord avec cette doctrine, il ponctue son discours à l’aide d’expressions telles : « errores eorum 544 », « quomodo maxime in Christo errabant 545 » ou encore « Et multi alii sunt errores eorum quos longum esset enumerare » et « errores Iacobinorum 546 », insistant par cette formule répétitive sur les défauts des Jacobites qu’il rapproche de ceux des Nestoriens. S’il reste courtois et poli envers ses interlocuteurs, il n’en demeure pas moins sévère dans les commentaires qu’il effectue. Car au fond, il ne peut envisager une pratique différente, comme le stipule le concile d’Ephèse (431). Il passe ainsi en revue tous les autres points divergents de la pratique partant des paroles proférées lors de la cérémonie du baptême, détaillant la fabrication de l’hostie avec du levain (comme les Nestoriens d’ailleurs), s’arrêtant sur l’omission de l’onction des malades ou encore sur les pratiques post-mortem sur la tombe du défunt, fustigeant la pratique interne de la confession, le divorce autorisé et la liberté d’agir des femmes répudiées et pour finir soulignant l’absence de connaissance du Purgatoire. Et de conclure : « […] et alios quasi infinitos errores habent 547 ». Par conséquent, c’est encore une fois sur le plan religieux qu’il envisage ces hommes, et c’est sur ce point que va porter son jugement de valeur. En effet, le reste du texte semble aller dans le sens d’une entente cordiale ; le contact et l’accueil paraissent favorables. L’œuvre du missionnaire est bien présente ici puisqu’il rapporte une dispute 543 Riccold, op. cit., p. 124. 544 Riccold, op. cit., p. 126. 545 Riccold, op. cit., p. 128. 546 Riccold, op. cit., p. 130. 547 Riccold, op. cit. p. 126. 210
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Ainsi, non seul<strong>eme</strong>nt les pèlerins de notre corpus d’étude se désintéressent de<br />
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Riccold de Monte Croce consacre égal<strong>eme</strong>nt de nombreuses pages aux chrétiens d’Orient.<br />
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541 Guillaume de Tyr, op. cit., p. 158.<br />
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