xi eme‐ xiii eme siecles - Université Paris-Sorbonne
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faiblesse : « Moi, Nicolas, notaire, frappé d’une grande terreur, ayant choisi un endroit retiré dans un coin de la poupe du navire, je pleurais amèrement, mes joues et mon visage ruisselaient de larmes ; je me lamentais sur mes fautes en voyant les marins tous terrifiés, demandais à Dieu d’avoir pitié de mes péchés et de recueillir mon âme que je lui avais recommandée 416 ». Ainsi, les voyageurs se voient contraints de se recommander à Dieu, (par chance, ils le font plus d’une fois, signe que leur heure n’a, finalement, pas encore sonné). Les ennuis commencent pour Ibn Jubayr cinq jours après son départ de Saint-Jean d’Acre où un vent violent brise le mât dit d’artimon et le jette à la mer avec la moitié de sa voilure. La succession de tempêtes et d’absence de vent fait penser au pire et le pèlerin musulman de noter : « Nous calculions nos chances et pensions à la mort, craignant d’épuiser nos provisions et notre eau et de nous exposer aux deux causes de perte : faim et soif » 417 . Au large de la Crête, il nous fait partager ses appréhensions en restituant les chocs subis : « Des vagues aussi hautes que des montagnes heurtaient le navire qui oscillait, bien qu’énorme, comme se balancerait une branche toute tendre. Quoique le navire fut aussi haut qu’une muraille, les vagues s’élevaient à sa hauteur et s’abattaient sur le pont en paquets comme tombe une averse. Lorsque la nuit arriva, les vagues s’entrechoquèrent plus violemment encore, leur mugissement était assourdissant. Le vent devin plus fort […] On désespéra de rester dans ce monde et on dit adieu à la vie. Nous fûmes assaillis de partout par les vagues qui semblaient nous assiéger. Quelle nuit ! A faire blanchir les cheveux […] 418 ». Echappant souvent de peu à la mort, les pèlerins rendent grâce à leur protecteur. Saewulf, par exemple, se recommande très fréquemment à Dieu lors des dangers et le remercie, après coup, de sa protection. Il procède de la sorte : partant du constat de la situation à laquelle il a été confronté, il relativise avec l’aventure qu’il a effectivement vécue et finit par remercier Dieu de sa clémence et de la considération qu’il lui témoigne en l’épargnant. A plusieurs reprises, il remercie le Créateur et note à propos du naufrage dont il est témoin au large de Jaffa : « Maiorem etenim miseriam una die nullus vidit oculus, sed ab his omnibus sui gratia eripuit me dominus, cui honor et gloria per infinita saecula. Amen 419 » ou encore au sujet des dangers relatifs aux Infidèles : « In illa equidem via non solum 416 Nicolas de Martoni, Relation du pèlerinage à Jérusalem de Nicolas de Martoni, notaire italien (1394-1395) publié par Le Grand, L , Revue de l’Orient Latin, tome 3, 1895, p. 566-669. (p. 582-583). 417 Ibn Jubayr, op. cit., p. 337. 418 Ibn Jubayr, op. cit., p. 340. Jean de Joinville connaît aussi des épisodes mouvementés, op. cit., §625-630. 419 Saewulf, op. cit., p. 63, lignes 146-148. 173
pauperes et debiles, immo divites periclitantur et fortes : multi a Sarracenis perimuntur, plures vero nimis potando pereunt. Nos autem eum omni comitati ad desiderata pervenimus illesi : benedictus dominus, qui non amovit deprecationem meam et misericordiam suam a me Amen 420 ». En outre, la captivité est une des résultantes du péril de mer. Ibn Jubayr prie à plusieurs reprises pour ne pas accoster sur « les îles de Romanie » ou sur la côte chrétienne. Ainsi au large de la Sardaigne, deux tempêtes successives dévient et arrêtent les voyageurs en partance pour la Sicile. Le bateau du retour sombre dans les eaux de Messine et il s’en faut de peu pour que les naufragés, heureusement sauvés par la mansuétude du roi Guillaume II, ne soient vendus comme esclaves 421 . Les vents peuvent pousser les marins malchanceux sur des bancs de sable 422 , dans des ports inconnus ou hostiles et les risques encourus sont tout aussi tragiques. L’aventure de mer peut se traduire par une attaque du camp adverse ou encore par l’assaut de pirates, comme il advient à Daniel qui gagne les îles grecques. Son embarcation est assaillie par quatre gallées, tous sont capturés et dépouillés puis relâchés, au final ils arrivent sains et saufs à Constantinople. Mais le danger peut aussi bien venir de l’intérieur du navire et générer de graves conséquences comme un chavirage si le fret est mal équilibré ou s’il y a trop de marchandises. Il peut également être lié à une insécurité ambiante due aux compagnons de voyage qui s’enivrent, qui s’emportent parce qu’à bout de nerfs, ou à un problème avec les matelots. A ceci s’ajoutent également le mal de mer ou encore la maladie, notamment le scorbut et les risques hygiéniques : poux, puces et autres vermines, certes un moindre mal au regard des dangers évoqués précédemment. Pris séparément ils génèrent des troubles divers, mais ils sont redoutables lorqu’ils sont combinés et peuvent tout aussi bien conduire à la mort. La mort frôlant de très près les pèlerins, on comprend aisément pourquoi les longues traversées maritimes sont redoutées. Ibn Jubayr conclut en toute simplicité sur ces trajets mouvementés : « Nous sommes morts plusieurs fois et nous avons été rendus à la 420 Saewulf, op. cit., p. 64, lignes 164-169. 421 Ibn Jubayr, op. cit., p. 344 « La présence de ce souverain chrétien fut une des grâces que Dieu puissant et majestueux nous accorda et une de Ses bontés envers nous dans cette catastrophe. Sinon toute la cargaison du navire eût été pillée et peut-être que tous les passagers musulmans eussent été réduits en esclavage, car telle est la coutume » . 422 Ludolph de Sudheim, op.cit., p. 1037, IX. 174
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En outre, la captivité est une des résultantes du péril de mer. Ibn Jubayr prie à plusieurs<br />
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