xi eme‐ xiii eme siecles - Université Paris-Sorbonne

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2) La durée du voyage maritime De façon quelque peu paradoxale, la question du voyage maritime ne se pose pas en termes de distance parcourue mais en nombre de semaines nécessaires à la réalisation de celui-ci. Selon Fernand Braudel 407 : « L’espace se calcule en terme de temps. Grosso modo, on peut dire que la Méditerranée était longue de quinze jours (sans rencontrer de difficultés) et large (de l’Italie à la mer du Levant) d’un peu plus d’un mois. ». Bien sûr ces allégations ne tiennent pas compte des imprévus tels que le mauvais temps, l’absence de vent, les pirates, les épidémies, les guerres obligeant à changer de cap… Par ailleurs, les embarcations nécessitent des arrêts fréquents pour les besoins du cabotage et doivent également tenir compte des vents et des courants. Les bâtiments ronds sont lourds et complexes à manœuvrer. M. Balard 408 estime entre cinquante et soixante dix pour cent les temps morts d’une embarcation, c'est-à-dire sans navigation. Il représenterait donc plus de la moitié de la durée totale du voyage. Ainsi, les navires tendent à longer la côte de très près, afin d’avoir une voie de secours en cas d’attaque. Ils peuvent aussi plus facilement trouver refuge en cas de tempête. Saewulf expose avec précision les conditions de son voyage pour souligner les malchances dont il a joué. Il embarque le 13 juillet à Monopoli, dans la région des Pouilles. Neuf jours plus tard, le pèlerin se retrouve à Brindes (le 22 juillet) à cause d’une avarie du navire liée à une tempête. La veille de la fête de Saint-Jacques (le 24 juillet) il est déjà à Corfou. Le premier août, il aborde les îles Grecques de Céphalonie, puis de Patras. Il parvient à Corinthe le neuf août, et débarque à Liva d’Osta trois jours plus tard. Il se rend ensuite à pied ou en âne de Stives à Négrepont le 23 août. La partie terrestre est parcourue en une dizaine de jours. Enfin, il loue un nouveau navire pour longer les Cyclades : Spile, Archo, Tire, Syra ; fait cap sur Miconi, Naxia au large de la Crête, gagne Pathmos, Stancho, Lido, puis Rhodes, il reste une journée à Patera, à Myra puis arrive à Chypre. La traversée entre l’île de Chypre et le port de Jaffa s’effectue en sept jours, suite à une violente tempête. Il arrive enfin le dimanche 12 octobre 1102, le treizième dimanche depuis son départ de Monopoli. Cette traversée est particulièrement longue, d’une durée de deux mois et demi. Elle n’est pas dans la moyenne habituelle, comprise entre trois et cinq semaines. Profitant 407 Braudel , F., Autour de la Méditerranée, La pochotèque, 1998. 408 Balard, M., La romanie génoise, op. cit., tome 2, p. 576-577. 169

de son séjour, bien mérité, Saewulf demeure près de neuf mois outre-mer. Il embarque le 17 mai 1103, jour de Pentecôte pour une météorologie plus clémente. Le voyageur Andalous, Ibn Jubayr s’embarque en hiver. Parti le 25 février 1183, il arrive à Alexandrie le 26 mars de la même année, la traversée maritime dure un mois. Cependant le voyage de retour va s’avérer beaucoup plus long que le trajet précédent. En effet, s’embarquant à Saint-Jean d’Acre, il débarque à Carthagène, via la Sicile et rejoint sa ville natale après cinq mois et demi de mer. Aucun des passagers n’avait envisagé un périple aussi long et cela engendre de sérieux problèmes de logistiques 409 . Aussi l’attente et la patience s’imposent. Il note à ce propos : « Nous restâmes douze jours à bord faute de vents favorables » et plus loin tente d’apporter des informations complémentaires sur le climat et le rôle des vents : « le vent d’Est ne souffle que pendant deux saisons : le printemps et l’automne, et on ne peut voyager que pendant cette période. Les marchands ne débarquent à Akka avec leur chargement que durant ces deux saisons. Au printemps on voyage à la mi-avril quand le vent d’Est souffle. Il continue jusqu’à la fin du mois de mai, plus ou moins tard […] En automne, on voyage à la mi-octobre, car le vent d’Est souffle. Cela dure moins qu’au printemps, pendant une brève période, quinze jours plus ou moins ». Devant toutes les situations périlleuses et les frayeurs du quotidien auxquelles il est confronté faute de vent ou à cause des tempêtes, le voyageur peste et se morigène : « Tout voyage doit se faire à l’époque voulue et plus encore une traversée qui doit être effectuée au moment opportun, à son époque, sans la déplacer pendant les mois d’hiver comme nous l’avions fait » 410 . Ainsi, la longueur de la traversée demeure imprévisible puisqu’elle est soumise aux conditions climatiques et aux saisons. Le moine Bernard a vécu une expérience similaire et remarque qu’il a parcouru la distance entre Bari et Alexandrie en trente jours alors que le retour depuis « le bord de mer » (il ne précise pas le port) s’est effectué en « soixante jours dans une grande angoisse car le vent ne nous était pas favorable ». Au début du XIV ème siècle, Ludolph de Sudheim recommande de « s’assurer de cinquante jours de vivres pour la traversée d’Ouest en Est. Pour le retour, on prévoit cent jours. Car d’Ouest en Est, le navire avance comme en volant, poussé par un vent favorable, de nuit encore plus que de jour, et fait bien seize milles à l’heure. […] En revanche, la terre d’Orient est chaude et à peu près dépourvue de vent, aussi la navigation est-elle bien plus lente au retour. » Il précise encore : « Et si les grandes nefs d’Occident reviennent en septembre ou octobre, les galères et les navires plus petits commencent à 409 Voir le développement sur les préparatifs du pèlerinage. 410 Ibn Jubayr, op. cit., p. 334. 170

de son séjour, bien mérité, Saewulf d<strong>eme</strong>ure près de neuf mois outre-mer. Il embarque le<br />

17 mai 1103, jour de Pentecôte pour une météorologie plus clémente.<br />

Le voyageur Andalous, Ibn Jubayr s’embarque en hiver. Parti le 25 février 1183, il arrive à<br />

Alexandrie le 26 mars de la même année, la traversée maritime dure un mois. Cependant le<br />

voyage de retour va s’avérer beaucoup plus long que le trajet précédent. En effet,<br />

s’embarquant à Saint-Jean d’Acre, il débarque à Carthagène, via la Sicile et rejoint sa ville<br />

natale après cinq mois et demi de mer. Aucun des passagers n’avait envisagé un périple<br />

aussi long et cela engendre de sérieux problèmes de logistiques 409 . Aussi l’attente et la<br />

patience s’imposent. Il note à ce propos : « Nous restâmes douze jours à bord faute de<br />

vents favorables » et plus loin tente d’apporter des informations complémentaires sur le<br />

climat et le rôle des vents : « le vent d’Est ne souffle que pendant deux saisons : le<br />

printemps et l’automne, et on ne peut voyager que pendant cette période. Les marchands<br />

ne débarquent à Akka avec leur charg<strong>eme</strong>nt que durant ces deux saisons. Au printemps on<br />

voyage à la mi-avril quand le vent d’Est souffle. Il continue jusqu’à la fin du mois de mai,<br />

plus ou moins tard […] En automne, on voyage à la mi-octobre, car le vent d’Est souffle.<br />

Cela dure moins qu’au printemps, pendant une brève période, quinze jours plus ou<br />

moins ». Devant toutes les situations périlleuses et les frayeurs du quotidien auxquelles il<br />

est confronté faute de vent ou à cause des tempêtes, le voyageur peste et se morigène :<br />

« Tout voyage doit se faire à l’époque voulue et plus encore une traversée qui doit être<br />

effectuée au moment opportun, à son époque, sans la déplacer pendant les mois d’hiver<br />

comme nous l’avions fait » 410 . Ainsi, la longueur de la traversée d<strong>eme</strong>ure imprévisible<br />

puisqu’elle est soumise aux conditions climatiques et aux saisons. Le moine Bernard a<br />

vécu une expérience similaire et remarque qu’il a parcouru la distance entre Bari et<br />

Alexandrie en trente jours alors que le retour depuis « le bord de mer » (il ne précise pas le<br />

port) s’est effectué en « soixante jours dans une grande angoisse car le vent ne nous était<br />

pas favorable ». Au début du XIV ème siècle, Ludolph de Sudheim recommande de<br />

« s’assurer de cinquante jours de vivres pour la traversée d’Ouest en Est. Pour le retour, on<br />

prévoit cent jours. Car d’Ouest en Est, le navire avance comme en volant, poussé par un<br />

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revanche, la terre d’Orient est chaude et à peu près dépourvue de vent, aussi la navigation<br />

est-elle bien plus lente au retour. » Il précise encore : « Et si les grandes nefs d’Occident<br />

reviennent en septembre ou octobre, les galères et les navires plus petits commencent à<br />

409 Voir le développ<strong>eme</strong>nt sur les préparatifs du pèlerinage.<br />

410 Ibn Jubayr, op. cit., p. 334.<br />

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