xi eme‐ xiii eme siecles - Université Paris-Sorbonne

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Jérusalem, péripétie. Et il ne mentionne, pour les plus détaillés de ces Itinéraires, que le seul rivage, plus symbolique que réel où l’on embarque 336 . » Déjà dans la littérature des XII ème et XIII ème siècles, Venise, présentée comme une ville païenne, apparaît comme « toujours incertaine, floue, fuyante, insaisissable », elle jouit « d’un nom prestigieux » et le professeur Ménard de conclure « Aussi bien dans la chanson de geste que dans la littérature narrative, il y a beaucoup de choses rêvées et très peu de choses vues. » 337 Ces propos traduisent bien l’effet de la ville sur le pèlerin qui fonctionne beaucoup par ouï-dire. Outre l’accueil des pèlerins et les moyens mis en œuvre pour l’accompagner au mieux dans sa démarche, le port offre mille beautés. Ce sont les voyageurs du XIV ème siècle qui vont les présenter davantage. Symon Séméonis, quant à lui, ne tarit pas d’éloges et emploie un lexique mélioratif composé de noms et d’adjectifs tels : « beauté », « éclat », « somptueuse », « matériaux précieux », « décorée », « embellie », « resplendissant », « éclat incomparable » pour vanter les charmes architecturaux de la cité. A cela s’ajoute une comparaison avec une constellation jouant sur la lumière et la disposition de la cité, enfin le superlatif absolu « unique au monde » souligne son originalité et complète sa richesse. Ce sont aussi les matériaux luxueux et pérennes qui font sa renommée avec le «marbre », « les matériaux précieux », les «mosaïques », l’« or » et « le cuivre ». La situation de la ville intrigue le pèlerin qui remarque qu’elle est composée pour deux tiers de canaux. Enfin, sa richesse est également spirituelle avec son grand nombre de reliques : «[…] de saint Marc l’Evangéliste, du prophète Zacharie […], de Grégoire de Samos, du martyr Théodore, de sainte Lucie […], de sainte Marine et d’autres saints martyrs, confesseurs et vierges » 338 . Mais la description ne va pas plus loin. En cela, la démarche du pèlerin rejoint les conclusions de Madame Elisabeth Crouzet-Pavan dans son étude sur l’invention de la ville 339 . Le pèlerin condamné à attendre va alors s’occuper, car les événements l’imposent. Ce n’est qu’à ce moment-là que son regard s’éveille. Il sort alors du temps consacré au seul accomplissement de son vœu. « Le pèlerin, dans l’attente d’un embarquement, est confronté à la durée des jours comme aux mystères de l’espace vénitien. Cet espace inconnu, il commence à la pénétrer et à le rendre lisible en décrivant 336 Crouzet Pavan, E.,op. cit., p. 260. 337 XIème ème Ménard, Philippe, Venise dans les chansons de geste et les romans aux et XIII siècle. Essor et fortune de la chanson de geste dans l’Europe et l’Orient latin. Actes du IX ème colloque international de la société Rencesvals, Modène, Mucchi éd., 1984, p. 529-537. Citations p. 537. 338 Symon Séméonis, texte traduit par Ch. Deluz, Croisades et pèlerinages, op. cit. p. 959-995. Citation p. 968. 339 Crouzet Pavan, E., op.cit. 145

ien sûr ce qui lui semble le plus directement familier : l’espace sacré. 340 ». C’est ainsi que les pèlerins, dans leur texte, commencent à dresser une liste des églises et des monastères contenant de précieux corps saints : les reliques. « Un autre pèlerinage se dessine alors dans le cours du pèlerinage à Jérusalem 341 ». Cependant, malgré un éveil à la ville, cette dernière n’en demeure pas moins une étape obligée et elle n’est pas considérée autrement. Et Madame Crouzet-Pavan de conclure : « Leur récit, s’il témoigne d’une progressive sensibilité à l’espace vénitien et à l’attente qu’il impose, ne cristallise pas pour autant une représentation urbaine, qui, même imparfaite, serait originale. Le site est absent, le centre méconnu, les contours restent indéterminés. Venise n’est vécue que comme un prologue néceSsaire à la poursuite de la route pénitente, un reliquaire. La spécificité de la cité n’est nulle part soulignée et le séjour au port n’établit pas ses rythmes propres 342 ». Ce qu’il nous est possible de constater à travers ces voies de navigation, c’est qu’aucune description du port n’est réalisée. Rien sur Gênes, Bari ou encore Venise. Le lieu n’existe que comme moyen et non comme fin. Les quelques lignes écrites sur Venise (par un voyageur appartenant à notre corpus second) relatent un espace sacré. Il n’y a aucune remarque sur l’espace profane. L’étrangeté du site, sa position sur l’eau, ses richesses sont pourtant notés mais ils ne font l’objet que de quelques lignes, comme s’il s’agissait d’un fait établi sur lequel il n’y a rien à ajouter, alors qu’il y a beaucoup à dire. Quid de sa densité ? De son urbanisme ? Il faut attendre les voyageurs du XV ème siècle pour une ouverture d’esprit. Nous avons pu souligner ce qui faisait l’attrait de tel port plutôt que tel autre à une époque donnée. Cependant, il faut retenir que quel que soit le type d’embarcation et sa ville de provenance, la navigation vers l’Orient obéit à certaines règles tendant à une uniformisation des pratiques tant sur les dimensions du navire, les modalités de leur armement, de leur 340 Crouzet-Pavan, E., op. cit. p. 261. 341 Crouzet –Pavan, E.,op. cit. p. 261 342 Crouzet Pavan, E., op. cit . p. 264. Ce n’est qu’au XV ème siècle que la ville devient un réel lieu de pèlerinage avec quête des indulgences et prières dans les églises. Il y a aussi des gestes propiatoires sur les îles alentours pour les pèlerins de Jérusalem. La ville « tente de capter de la présence mystique de Jérusalem […]. Sans prétendre remplacer ou égaler la ville sainte, désormais, elle l’annonce, elle est l’ante-Ville, l’ante-Terre de Dieu. » p. 285. 146

ien sûr ce qui lui semble le plus direct<strong>eme</strong>nt familier : l’espace sacré. 340 ». C’est ainsi<br />

que les pèlerins, dans leur texte, commencent à dresser une liste des églises et des<br />

monastères contenant de précieux corps saints : les reliques. « Un autre pèlerinage se<br />

dessine alors dans le cours du pèlerinage à Jérusalem 341 ».<br />

Cependant, malgré un éveil à la ville, cette dernière n’en d<strong>eme</strong>ure pas moins une étape<br />

obligée et elle n’est pas considérée autr<strong>eme</strong>nt. Et Madame Crouzet-Pavan de conclure :<br />

« Leur récit, s’il témoigne d’une progressive sensibilité à l’espace vénitien et à l’attente<br />

qu’il impose, ne cristallise pas pour autant une représentation urbaine, qui, même<br />

imparfaite, serait originale. Le site est absent, le centre méconnu, les contours restent<br />

indéterminés. Venise n’est vécue que comme un prologue néceSsaire à la poursuite de la<br />

route pénitente, un reliquaire. La spécificité de la cité n’est nulle part soulignée et le séjour<br />

au port n’établit pas ses rythmes propres 342 ».<br />

Ce qu’il nous est possible de constater à travers ces voies de navigation, c’est qu’aucune<br />

description du port n’est réalisée. Rien sur Gênes, Bari ou encore Venise. Le lieu n’e<strong>xi</strong>ste<br />

que comme moyen et non comme fin. Les quelques lignes écrites sur Venise (par un<br />

voyageur appartenant à notre corpus second) relatent un espace sacré. Il n’y a aucune<br />

remarque sur l’espace profane. L’étrangeté du site, sa position sur l’eau, ses richesses sont<br />

pourtant notés mais ils ne font l’objet que de quelques lignes, comme s’il s’agissait d’un<br />

fait établi sur lequel il n’y a rien à ajouter, alors qu’il y a beaucoup à dire. Quid de sa<br />

densité ? De son urbanisme ? Il faut attendre les voyageurs du XV ème siècle pour une<br />

ouverture d’esprit.<br />

Nous avons pu souligner ce qui faisait l’attrait de tel port plutôt que tel autre à une époque<br />

donnée. Cependant, il faut retenir que quel que soit le type d’embarcation et sa ville de<br />

provenance, la navigation vers l’Orient obéit à certaines règles tendant à une uniformisation<br />

des pratiques tant sur les dimensions du navire, les modalités de leur arm<strong>eme</strong>nt, de leur<br />

340 Crouzet-Pavan, E., op. cit. p. 261.<br />

341 Crouzet –Pavan, E.,op. cit. p. 261<br />

342 Crouzet Pavan, E., op. cit . p. 264. Ce n’est qu’au XV ème siècle que la ville devient un réel lieu de pèlerinage<br />

avec quête des indulgences et prières dans les églises. Il y a aussi des gestes propiatoires sur les îles alentours<br />

pour les pèlerins de Jérusalem. La ville « tente de capter de la présence mystique de Jérusalem […]. Sans<br />

prétendre remplacer ou égaler la ville sainte, désormais, elle l’annonce, elle est l’ante-Ville, l’ante-Terre de<br />

Dieu. » p. 285.<br />

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