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xi eme‐ xiii eme siecles - Université Paris-Sorbonne

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Si nous nous référons au témoignage de Jean de Joinville, le futur pèlerin se<br />

rend d’abord dans la propre chapelle de son seigneur (mais il pourrait aussi s’agir d’un<br />

sanctuaire renommé du pays dans tout autre cas) afin de recevoir la bénédiction de<br />

l’évêque. C’est dans ce lieu qu’on lui r<strong>eme</strong>t alors ses attributs de pèlerin. Ce premier<br />

pèlerinage effectué dans sa propre région permettrait de s’attirer la bénédiction du saint du<br />

pays. Ensuite, il prend direct<strong>eme</strong>nt la route sans retourner chez lui. Joinville qui a quitté<br />

son domicile, a envoyé chercher l’abbé de Cheminon, un moine de Clairvaux. Il explique :<br />

« Cel abbe de Cheminon si me donna m’escharpe et mon bourdon. Et lors je me parti de<br />

Joinville sanz rentrer ou chastel jusques a ma revenue, a pié, deschaus et en langes, et ainsi<br />

alé a Blechicourt en pellerinage et a Saint Urbain et aus autres cors sains qui la sont » 305 .<br />

La première partie du pèlerinage consiste à s’attirer la bienveillance des saints régionaux,<br />

ici, ceux servis à Bléricourt. Les conditions sont précisées. Il y va à pied avec des<br />

chaussures ouvertes et en simple chemise, accrédité de sa sacoche et de son bâton. Nous<br />

pouvons souligner, une fois encore, la force d’esprit nécessaire dont le pèlerin fait preuve<br />

pour renoncer ainsi à sa vie quotidienne et aux siens. Mais le sénéchal Joinville, qui n’est<br />

qu’un être humain, précise qu’il n’ose pas tourner son regard vers sa ville, de peur d’être<br />

envahi par l’émotion liée à l’abandon de ses enfants 306 . Ensuite, la communauté religieuse<br />

ou le village accompagne le pèlerin pendant un temps. N’oublions pas que si le pèlerinage<br />

est un acte de foi personnel, il est aussi une manifestation ostensible pour toute une<br />

communauté de fidèles.<br />

Cette étape importante de la séparation est soulignée dans les poèmes de<br />

départie. Guiot de Dijon dans un poème écrit pendant la troisième croisade, met en scène<br />

une femme qui pleure la séparation avec son amour. Elle regrette le « convoier » c’est à<br />

305 Joinville, op. cit. § 122.<br />

306 Les regrets de l’homme d’Eglise qu’est Félix Fabri sont tout aussi importants. Il relate les derniers moments<br />

avant son départ. Le 9 avril, prédication lors des célébrations pascales et chants et prières divers pour le départ<br />

en Terre Sainte. Le 14 avril, jour du départ, la cérémonie se déroule ainsi : bénédiction des voyageurs, étreinte<br />

des frères, départ de l’abbaye, lien avec des pèlerins : « […] benedictione itinerantium accepta, deosculatis et<br />

comple<strong>xi</strong>s fratribus ascendimus equos, reverendus Magister Ludwicus et ego, cum famulo civitatis Ulmensis et<br />

venimus Memmingen, ibique juxta condictum inveni Dominum Pupillum de Lapide cum Georio filio suo, et cum<br />

multis armigeris » . Les regrets et les craintes se manifestent alors : « […] sed et ego in amplexus<br />

observantissimi et dilectissimi patris mei rui, licentiam ab eo petens et patrenam benedictionem, non sine gravi<br />

tristitia et dolore. […] Post recessum patris gravis et quasi intolerabilis tentatio me apprehendit, nam<br />

delectabilis fervor, quo haetenus aestuaveram, videndi Jerusalem et loca sancta, penitus in me exstinctus est, et<br />

taeduit me itineris, et ipsa peregrinatio, quae dulcis mihi et virtuosa visa fuerat, nunc gravis, amara, otiosa,<br />

inanis, et vitiosa videbatur. » op. cit. p. 41.<br />

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