xi eme‐ xiii eme siecles - Université Paris-Sorbonne

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l’arrivée des pèlerins, certains sont démunis et dépouillés de leur bien, affamés et n’ont pas même la pièce d’or leur permettant d’entrer dans la Ville Sainte. D’autres qui ont pu acquitter le tribut se logent chez des chrétiens, ou dans l’hôpital des Amalfitains, voire chez l’habitant. C’est ce que fait Robert l’Ancien, comte de Flandre, prenant pension chez un autochtone. Il ajoute : « Sur mille pèlerins, un seul à peine pouvait suffire à ses besoins car ils avaient perdu en route leurs provisions de voyage, et n’avaient sauvé que leurs corps à travers des pèrils et des fatigues sans nombre. ». Ayant ainsi préparé les grandes lignes de son expédition, le pèlerin est prêt à recevoir les insignes. Le terme de « préparatifs » est sans doute galvaudé parce que, même s’il met de l’ordre dans sa vie, tant sur le plan matériel que spirituel, il n’est pas certain que le pèlerin envisage et comprenne réellement ce à quoi il va être confronté pour accomplir son pèlerinage. B. Le rituel du départ Le pèlerinage débute par une préparation spirituelle. Nous nous sommes concentrés sur la cérémonie qui confère des droits et des devoirs au pèlerin, acte concret s’il en est, afin de restituer une partie de cette préparation pour en montrer toute l’étendue. La prise des insignes se composant du bâton et de la besace est un acte lourd d’implication, cela signifie pénitence, prière et abnégation. Les objets dans leur matérialité rappellent au pèlerin ses droits et ses devoirs. Ils sont également un signe extérieur destiné aux personnes croisées en chemin, annonçant les intentions du voyageur rencontré. Le cérémonial de l’asumptio baculi et perae ne repose pas sur une messe proprement dite. D’abord, le prêtre reçoit le pénitent en confession : ce dernier vide son cœur et se prépare ainsi à honorer le vœu qu’il a prononcé. C’est l’ultime dépouillement qu’il effectue. Puis, pendant que le pénitent est agenouillé devant l’autel, le célébrant lui donne sa bénédiction et en dernier lieu impose ses mains sur les deux objets de façon très ostensible 301 De Guisot, F., Collection des mémoires relatifs à l’histoire de France depuis la fonfation de la monarchie française jusqu’au XIII ème siècle, J.-L.-J., Brière, 1823-1835, Guillaume de Tyr, Histoire des croisades, livre I, p. 28. 129

et très distincte 302 . Durant la bénédiction, le destinataire est prosterné devant l’autel et récite des psaumes de pénitence. Les oraisons et les psaumes se succèdent selon un ordre bien défini. Quatre références bibliques composent souvent cette bénédiction, il s’agit du texte relatant le départ d’Abraham au pays de Canaan (Genèse 12), celui mentionnant l’aide prêtée à Tobie par son ange (Tobie V 21-27), les paroles du Christ aux Disciples (Marc VI-8) ou encore l’allusion à la verge bénie d’Aaron (Nombres 5-10). Enfin, tout en continuant ses invocations, le prêtre remet, dans l’ordre, la bourse puis le bourdon au pèlerin. Dès lors, le bâton n’est plus à considérer comme un simple objet servant d’appui, comme nous avons pu le mentionner précédemment. Il serait perçu comme une arme spirituelle permettant de repousser les agressions du démon afin de parvenir au terme du voyage. C’est ainsi que nous pouvons interpréter ces remarques d’un pèlerin de Compostelle : « Accipe et hunc baculum, sustentacionem itineris ac laboris vie peregrinacionis tue, ut devincere valeas omnes catervas inimici et pervenire semnus ad limina.. » 303 A ces attributs essentiels, vont se greffer, au fil du temps, d’autres objets consacrés au pèlerin. C’est ainsi que Le grand Coutumier souligne : « solennlz pelerinages sont quand les pelerins se partent par congie de leurs eglises avec la Croix et l’eaue benoiste » (chapitre 90). Les recueils liturgiques proposent aussi des textes de bénédiction pour l’habit, la bourse ou le bâton du pèlerin ainsi que l’énumération des saints protecteurs. Ce peut être un indice quant à l’orientation de la piété du pèlerin et du protecteur qu’il s’est attribué, si l’appel se fait d’abord à La Vierge, aux saints locaux, aux rois mages, ou à d’autres. Déjà au X ème siècle (vers 950-962) on l’aurait observé dans ce premier témoignage parvenu jusqu’à nous : la confession du futur pèlerin, la pénitence, l’agenouillement devant l’autel où il serait récité sept psaumes de la pénitence, une litanie et neuf oraisons. Dans son étude sur les termes d’un voyage, le professeur Labande signale ces paroles qui se prêtent au rituel du départ : « In nomine Domini Nostri Jesu Christi, accipe hanc spontam, habitum peregrinationis tue, ut, bene castigat et bene salvus atque emendatus, pervenire merearis ad Limina Sancti Sepulchri, aut Sancti Jacobi, aut sancti Illarii vel aliorum sanctorum quo pergere cupis et peracto itinere tuo, ad nos incolumnis revertere merearis » 304 . 302 Labande, E.,R., « Recherches sur les pèlerins dans l’Europe des XI et XIIè siécles », Cahiers de civilisation médiévale, 1968. 303 Vasquez de Parga, L., Peregrinaciones à Santiago, tome 3, Consejo superior de investigaciones cientificas, Madrid, 1948, p.148, n° 90. 304 Labande, E.,R., « Recherches sur les pèlerins dans l’Europe des XI et XIIè siécles », Cahiers de civilisation médiévale, 1968. 130

l’arrivée des pèlerins, certains sont démunis et dépouillés de leur bien, affamés et n’ont pas<br />

même la pièce d’or leur permettant d’entrer dans la Ville Sainte. D’autres qui ont pu<br />

acquitter le tribut se logent chez des chrétiens, ou dans l’hôpital des Amalfitains, voire<br />

chez l’habitant. C’est ce que fait Robert l’Ancien, comte de Flandre, prenant pension chez<br />

un autochtone. Il ajoute : « Sur mille pèlerins, un seul à peine pouvait suffire à ses besoins<br />

car ils avaient perdu en route leurs provisions de voyage, et n’avaient sauvé que leurs corps<br />

à travers des pèrils et des fatigues sans nombre. ».<br />

Ayant ainsi préparé les grandes lignes de son expédition, le pèlerin est prêt à recevoir les<br />

insignes. Le terme de « préparatifs » est sans doute galvaudé parce que, même s’il met de<br />

l’ordre dans sa vie, tant sur le plan matériel que spirituel, il n’est pas certain que le pèlerin<br />

envisage et comprenne réell<strong>eme</strong>nt ce à quoi il va être confronté pour accomplir son<br />

pèlerinage.<br />

B. Le rituel du départ<br />

Le pèlerinage débute par une préparation spirituelle. Nous nous sommes concentrés sur la<br />

cérémonie qui confère des droits et des devoirs au pèlerin, acte concret s’il en est, afin de<br />

restituer une partie de cette préparation pour en montrer toute l’étendue.<br />

La prise des insignes se composant du bâton et de la besace est un acte lourd<br />

d’implication, cela signifie pénitence, prière et abnégation. Les objets dans leur matérialité<br />

rappellent au pèlerin ses droits et ses devoirs. Ils sont égal<strong>eme</strong>nt un signe extérieur destiné<br />

aux personnes croisées en chemin, annonçant les intentions du voyageur rencontré.<br />

Le cérémonial de l’asumptio baculi et perae ne repose pas sur une messe propr<strong>eme</strong>nt dite.<br />

D’abord, le prêtre reçoit le pénitent en confession : ce dernier vide son cœur et se prépare<br />

ainsi à honorer le vœu qu’il a prononcé. C’est l’ultime dépouill<strong>eme</strong>nt qu’il effectue.<br />

Puis, pendant que le pénitent est agenouillé devant l’autel, le célébrant lui donne sa<br />

bénédiction et en dernier lieu impose ses mains sur les deux objets de façon très ostensible<br />

301 De Guisot, F., Collection des mémoires relatifs à l’histoire de France depuis la fonfation de la monarchie<br />

française jusqu’au XIII ème siècle, J.-L.-J., Brière, 1823-1835, Guillaume de Tyr, Histoire des croisades, livre I,<br />

p. 28.<br />

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