xi eme‐ xiii eme siecles - Université Paris-Sorbonne

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fortunées voient aussi en ces préparatifs un moyen de placer à l’abri du besoin ceux qui restent. Mais les calculs sont également utiles pour procéder aux transferts d’argent qui s’imposent pour les personnes qui en ont les moyens. En effet, les lettres de change fonctionnent très bien jusqu’à la fin du XIII ème siècle, aussi on ne voyage pas avec toute sa fortune en poche. Dans cette analyse du budget, nous allons essayer de mettre à jour les diverses dépenses auxquelles le pèlerin sera confronté. Nous ne pourrons pas chiffrer avec exactitude l’argent déboursé, faute de ressources dans le domaine. Cependant, nous souhaitons donner un ordre de grandeur du budget imparti. En effet, les pèlerins de notre corpus sont, pour la majorité, des membres du clergé. Ils voyagent gratuitement et sont pris en charge par les divers intervenants de la communauté religieuse. A part les taxes ou les rançons, la question pécuniaire ne fait que les effleurer. Quelques seigneurs sont du voyage. Il est souvent fait mention des conditions de pèlerinage plus « confortables » dont ils jouissent ou encore des largesses qu’ils dispensent tout au long de l’aventure spirituelle qu’ils vivent, mais aucun chiffre concret n’est avancé. De même, choisir d’être logé et nourri à l’auberge coûte davantage que la simple obole remise après un accueil à l’hôpital pour des prières en faveur du pèlerin. Nous disposons donc d’un panel peu représentatif du pèlerin lambda. Toutefois, à partir des informations dont nous disposons déjà, nous nous efforcerons de souligner la fourchette basse et la fourchette haute des dépenses relatives au saint-voyage. Notre étude du budget s’attache avant tout au transport maritime du pèlerin. Faute de renseignements concernant les pèlerins du corpus, nous ne faisons qu’aborder l’itinéraire jusqu’au port d’embarcation. En effet, bon nombre des voyageurs du corpus a emprunté la mer pour se rendre en Terre Sainte. Certains embarquent dans les ports francs ou italiens en vogue entre le XI ème et le XIII ème siècle et naviguent jusqu’au Proche- Orient ; d’autres n’effectuent qu’une partie du trajet en bateau (nous développons la question en détails plus loin dans l’étude). A travers les multiples informations que nous avons pu collecter sur les transports dans la Méditerranée, nous allons mettre en évidence ce qui fait la différence de tarif entre les traversées. Enfin, pour compléter cette étude, nous sous sommes appuyés sur des récits plus tardifs, regardant les liaisons Venise / le Proche-Orient. Ce sont des voyageurs des XIV ème et XV ème siècles, G. Capodilista, Santo Brasca ou l’anonyme français qui nous ont permis de renseigner notre enquête sur les tarifs. Nous n’avons pas cherché dans leurs témoignages de simples chiffres. En effet, ces voyageurs, avisés, ont dressé une liste des principaux tarifs en vigueur, afin d’informer leurs congénères en 101

partance pour qu’ils ne se fassent pas voler lors de leurs achats. Ce qui nous avons retenu de leurs récits est justement la liste des effets à se procurer pour voyager. Aussi, nous serons amenés à mentionner des chiffres, mais ils ne reflèteront pas la situation contemporaine à celle de nos pèlerins, gardons-le en mémoire. A l’issue de toutes ces considérations, les éléments à prendre en compte concernent quatre domaines majeurs : les transports, la nourriture, les accessoires personnels et les taxes aléatoirement payées en Terre Sainte. D’abord, il convient de s’intéresser au transport 238 . Il représente la plus grande partie du budget et varie en fonction de la distance à parcourir et des moyens de locomotion choisis. En effet, un pèlerin partant du royaume Franc ou du Nord de l’Europe doit s’acheminer par voie terrestre ou navigable jusqu’au port d’embarquement. Le sénéchal Joinville qui part en expédition expose le déroulement de son périple jusqu’à Marseille. Il emprunte les canaux de France et raconte : « Des [Dongieux] nos alames a Ausone ; et en alames, atout nostre hernoiz que nos avion fait mettre es nez, des Ausone jusques a Lyon contreval la Sone ; et encoste les nes menoit on les grans destriers 239 . A Lyon entrames ou Rone pour aler a Alles le blanc.». Sans doute, les chevaux ou toute autre monture sont du voyage. Ils voguent au gré des fleuves ou alors sont menés le long du chemin de halage lors de la « montée » du fleuve. A la lumière de ces propos, nous pouvons conjecturer un même trajet et une semblable embarcation pour les pèlerins, dotés ou non d’une monture. Le sénéchal Joinville contribue à cette piste puisqu’il ajoute que le roi a fait détruire le château de La Roche-de-Glun car son propriétaire était accusé de détrousser les pèlerins et les marchands. Dans son étude consacrée au Rhône 240 , Jacques Rossiaud souligne combien les fleuves et rivières de France sont exploités au Moyen Age et envisage trois raisons majeures d’emprunter la voie fluviale : d’abord l’itinéraire est sûr, en ce sens on ne peut s’égarer ni se faire attaquer par des brigands qui préfèrent se réfugier en forêt ; ensuite la voie navigable est aisée, le courant est régulier et praticable, permettant par exemple de joindre la Bourgogne à la Provence en quatre à cinq journées. Ainsi c’est sans peine ni fatigue que le pèlerin peut avancer. Enfin, les coûts du transport fluvial sont jusqu’à sept 238 Certaines données d’importances nous sont fournies par les registres des armateurs. Voir notamment Pacta naulorum, conclus par Saint Louis avec les Génois, les Marseillais et les Vénitiens en 1246 in Archéologie navale, Jal, A., Paris, 1840, tome 2, p. 383. 239 Joinville, op. cit., §123-125 « De [Donjeux ] nous allâmes à Auxonne, et nous allâmes, avec tous nos équipements que nous avions fait mettre sur des bateaux, d’Auxonne à Lyon, en descendant la Saône, et on conduisait les grands destriers à côté des bateaux. A Lyon, nous entrâmes dans le Rhône pour aller à Arles le Blanc. » 240 Rossiaud, Jacques, Le Rhône au Moyen Age, Aubier, Flammarion, Paris, 2007, p. 46-47. 102

partance pour qu’ils ne se fassent pas voler lors de leurs achats. Ce qui nous avons retenu<br />

de leurs récits est just<strong>eme</strong>nt la liste des effets à se procurer pour voyager. Aussi, nous<br />

serons amenés à mentionner des chiffres, mais ils ne reflèteront pas la situation<br />

contemporaine à celle de nos pèlerins, gardons-le en mémoire. A l’issue de toutes ces<br />

considérations, les éléments à prendre en compte concernent quatre domaines majeurs : les<br />

transports, la nourriture, les accessoires personnels et les taxes aléatoir<strong>eme</strong>nt payées en<br />

Terre Sainte.<br />

D’abord, il convient de s’intéresser au transport 238 . Il représente la plus grande partie du<br />

budget et varie en fonction de la distance à parcourir et des moyens de locomotion choisis.<br />

En effet, un pèlerin partant du royaume Franc ou du Nord de l’Europe doit s’acheminer par<br />

voie terrestre ou navigable jusqu’au port d’embarqu<strong>eme</strong>nt. Le sénéchal Joinville qui part<br />

en expédition expose le déroul<strong>eme</strong>nt de son périple jusqu’à Marseille. Il emprunte les<br />

canaux de France et raconte : « Des [Dongieux] nos alames a Ausone ; et en alames, atout<br />

nostre hernoiz que nos avion fait mettre es nez, des Ausone jusques a Lyon contreval la<br />

Sone ; et encoste les nes menoit on les grans destriers 239 . A Lyon entrames ou Rone pour<br />

aler a Alles le blanc.». Sans doute, les chevaux ou toute autre monture sont du voyage. Ils<br />

voguent au gré des fleuves ou alors sont menés le long du chemin de halage lors de la<br />

« montée » du fleuve. A la lumière de ces propos, nous pouvons conjecturer un même<br />

trajet et une semblable embarcation pour les pèlerins, dotés ou non d’une monture. Le<br />

sénéchal Joinville contribue à cette piste puisqu’il ajoute que le roi a fait détruire le château<br />

de La Roche-de-Glun car son propriétaire était accusé de détrousser les pèlerins et les<br />

marchands. Dans son étude consacrée au Rhône 240 , Jacques Rossiaud souligne combien les<br />

fleuves et rivières de France sont exploités au Moyen Age et envisage trois raisons<br />

majeures d’emprunter la voie fluviale : d’abord l’itinéraire est sûr, en ce sens on ne peut<br />

s’égarer ni se faire attaquer par des brigands qui préfèrent se réfugier en forêt ; ensuite la<br />

voie navigable est aisée, le courant est régulier et praticable, permettant par exemple de<br />

joindre la Bourgogne à la Provence en quatre à cinq journées. Ainsi c’est sans peine ni<br />

fatigue que le pèlerin peut avancer. Enfin, les coûts du transport fluvial sont jusqu’à sept<br />

238 Certaines données d’importances nous sont fournies par les registres des armateurs. Voir notamment Pacta<br />

naulorum, conclus par Saint Louis avec les Génois, les Marseillais et les Vénitiens en 1246 in Archéologie<br />

navale, Jal, A., <strong>Paris</strong>, 1840, tome 2, p. 383.<br />

239 Joinville, op. cit., §123-125 « De [Donjeux ] nous allâmes à Auxonne, et nous allâmes, avec tous nos<br />

équip<strong>eme</strong>nts que nous avions fait mettre sur des bateaux, d’Auxonne à Lyon, en descendant la Saône, et on<br />

conduisait les grands destriers à côté des bateaux. A Lyon, nous entrâmes dans le Rhône pour aller à Arles le<br />

Blanc. »<br />

240 Rossiaud, Jacques, Le Rhône au Moyen Age, Aubier, Flammarion, <strong>Paris</strong>, 2007, p. 46-47.<br />

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