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Revue celtique - National Library of Scotland

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La Poésie populaire en Bretagne.<br />

gées et complétées les unes par les autres, afin d'arriver avec le plus de<br />

vraisemblance possible au texte primitif. C'est là une chimie linguistique<br />

fort scabreuse, qu'un artiste habile comme M. de la Villemarqué peut<br />

tenter avec succès, mais qu'il est-d'usage, en philologie rigoureuse, de<br />

laisser faire au public en se bornant à lui en fournir les éléments tels<br />

qu'ils se produisent. Il y a plus, et M. de la Villemarqué est trop modeste<br />

en se donnant comme un simple collectionneur de textes ; il y a en effet<br />

beaucoup de variantes de presque tous les chants bretons connus, mais<br />

la langue commune à tous, c'est l'idiome francisé que parlent les paysans,<br />

tandis que les chants du Barzaz Breiz sont généralement écrits dans ce<br />

breton tout conventionnel de l'école Legonidec dont j'ai esquissé plus<br />

haut la théorie. Tout d'abord il semble que M. de la Villemarqué soit<br />

parti de cette idée que les chanteurs actuels des guerz bretons ont, par<br />

ignorance et incurie, niaisement altéré des chants composés par des<br />

hommes incultes, mais doués d'une haute inspiration poétique et inca-<br />

pables d'avoir employé le jargon vulgaire qui nous a transmis leurs<br />

œuvres : dans ce cas, il se serait cru suffisamment autorisé à rechercher<br />

quelle a dû être la forme primitive de ces petits poèmes^ et à les restituer<br />

dans cette forme. Comme au point de vue purement littéraire l'œuvre<br />

sortie de ce creuset a été parfaitement réussie, le monde d'artistes et de<br />

dilettanti pour lequel écrivait l'auteur des Barzaz l'a applaudie des deux<br />

mains : il est vrai qu'il n'avait pas à s'occuper d'une question d'authen-<br />

ticité ou de vérité historique. Ce qui l'intéressait, c'était le mérite intrin-<br />

sèque de l'œuvre : peu lui importait qu'elle fût due à un contemporain<br />

ou à des rapsodes inconnus et anonymes de tels ou tels siècles. La<br />

critique purement littéraire est tout à fait libre de penser là-dessus<br />

comme le public dont je parle : mais on comprend que le linguiste ou<br />

l'historien se place à un autre point de vue.<br />

Au moment de discuter nettement l'authenticité du Barzas Breiz, je<br />

commence par déclarer que ma critique n'admet aucun doute injurieux<br />

pour la bonne foi de l'auteur, et que la discussion ne porte que sur une<br />

méthode que je trouve arbitraire et dangereuse, mais qu'il a parfaitement<br />

le droit de croire légitime. Il est évident que M. de la Villemarqué a, en<br />

histoire comme en poésie populaire, des idées préconçues auxquelles il<br />

obéit sans trop s'en douter. La première, toute grammaticale, est celle<br />

dont il a été question plus haut. La grammaire l'amené tout naturellement<br />

à un autre système à propos de la composition poétique de ces chants,<br />

et ce système, il l'expose nettement dans sa préface. Selon lui, la pre-<br />

mière forme d'un chant populaire est toujours la plus parfaite, la plus<br />

complète et la plus riche : le temps et la transmission orale, bien loin<br />

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