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Revue celtique - National Library of Scotland

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La Poésie populaire en Bretagne. 5<br />

de « travailler sur elle-même, » c'est-à-dire de se retrancher sur son<br />

terrain et de ne pas chercher à se mettre au courant des progrès que<br />

l'Allemagne et la Suisse ont fait faire à la philologie <strong>celtique</strong>. « Vous<br />

autres fils des Celtes^, vous ne savez rien de vos origines, et il faut que ce<br />

soit nous qui vous l'apprenions, « me disait il y a dix ans le docteur<br />

Hermann S... Il avait raison.<br />

La réforme de Legonidec consistait simplement à éliminer du vocabu-<br />

laire tous les mots d'origine latine ou française qui s'y étaient infiltrés à<br />

la longue. C'était une tentative fort scabreuse : les mots qu'il s'agissait<br />

d'écarter avaient si bien supplanté leurs synonymes <strong>celtique</strong>s que de<br />

ceux-ci il ne restait nulle trace, et les plus anciens monuments de la<br />

langue bretonne sont écrits dans ce jargon disgracieux dont on aspirait<br />

à se débarrasser. Legonidec et ses disciples ne restèrent puristes qu'à la<br />

condition de donner aux mots des significations arbitraires qui n'étaient<br />

acceptées que d'un groupe d'initiés. Je me contenterai de deux exemples.<br />

Pour rendre les mots langage et imprimerie, le paysan breton dit langaich<br />

et imprimeri, vrais termes de patois que les rénovateurs ont remplacés<br />

par iez et gwaskerez. Malheureusement le dernier mot signifie proprement<br />

un pressoir à cidre, et l'autre ne se dit que des divers cris des animaux,<br />

principalement des oiseaux : au pluriel {iezjou) il s'entend particulière-<br />

ment des chats. Je demande pardon de ces exemples un peu puérils,<br />

qui montrent la portée de cette réforme trop prônée. Les mutations<br />

faites dans l'orthographe eurent le même caractère : Legonidec emprunta<br />

de toutes mains aux alphabets étrangers les lettres les moins connues<br />

des écrivains et des typographes bretons, le k, le w, le n castillan. Au<br />

nom d'une tradition de fantaisie, ces archéologues ingénus boulever-<br />

sèrent de leur propre autorité l'orthographe traditionnelle de la langue.<br />

La réforme Legonidec ne rencontra que sympathies et adhésions una-<br />

nimes et cela se comprend. Elle ne descendit pas jusqu'au peuple, qui<br />

continua de lire ses vieux livres d'avant 89, réédités de temps à autre<br />

à Quimper, à Vannes et à Morlaix : elle resta enfermée dans un groupe<br />

d'amateurs et de lettrés gagnés d'avance à un système radical dont<br />

s'accommodait ce patriotisme ami des grandes phrases, de tout temps<br />

reproché aux fils des Celtes. Le plus illustre adepte fut Brizeux, qui,<br />

dans une apostrophe enthousiaste, appela les prêtres de son pays à<br />

réparer le mal qu'ils avaient fait à la langue nationale :<br />

vous n'avez pour vos ouailles<br />

Qu'un breton incorrect et qu'un langage amer<br />

Il fit plus, il voulut payer d'exemple, et composa dans l'idiome « puri-<br />

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