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Revue celtique - National Library of Scotland

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La Poésie populaire en Bretagne.<br />

vient ce qu'il est réellement : un poète et un artiste délicat. Je ne con-<br />

nais pas (et je le regrette) la chanson d'ivrogne qu'il a entendue dans<br />

un cabaret de Coray et qui lui a servi à composer sa superbe Danse de<br />

VEpée; mais ces strophes fières et folles sont si heureusement adaptées<br />

à l'air non moins sauvage qui les accompagne, que tout le monde y a été<br />

pris dès l'abord. Je sais bien que beaucoup de choses trop modernes,<br />

éparses dans cette collection, accusent leur temps et le goût régnant<br />

vers 1839<br />

: telles sont ces descriptions romantiques où la muse popu-<br />

laire ne s'attarde jamais, ces petits paysages dont le livre est rempli,<br />

cette mer comparée à une cavale bleue qui hennit et bondit de joie, ou<br />

bien encore certaines préciosités sentimentales, concessions évidentes<br />

aux engouements d'une génération qui chantait les romances bretonnes<br />

de M"*^ Loïsa Puget. Ces petites imperfections ont été loin de nuire<br />

au succès du « barde », succès dont la Bretagne a singulièrement<br />

pr<strong>of</strong>ité comme renom.<br />

Quels que soient les auteurs réels des chants compris dans le Barzaz<br />

Breiz, qu'ils aient vécu il y a des siècles ou qu'ils soient nos contempo-<br />

rains, la muse <strong>celtique</strong> a toujours le droit de les compter comme siens,<br />

et nous ne comprenons guère l'étrange patriotisme qui voit un crime de<br />

lèse-nationalité dans toute tentative impartiale faite pour apporter dans<br />

ces études des lumières nouvelles. Il y a là un malentendu qui, s'il se<br />

prolongeait, menacerait l'esprit breton de rester éternellement dans un<br />

faux art, une fausse critique, une fausse histoire. Voilà pourquoi il n'est<br />

que temps de laisser derrière soi les mirages séduisants et d'entrer dans<br />

les saines réalités avec des œuvres comme les Clianis de Basse-Bretagne<br />

(Gwerziou Breiz-Izel) de M. Luzel, résultat de recherches patientes qui<br />

ont duré trente-deux ans '. La vraie muse populaire est là, avec les<br />

scories qui sont la marque particulière de l'inspiration rustique, et qui<br />

ont été si soigneusement écartées du Barzaz. Que M. Luzel ne se fasse<br />

pas d'illusions. Son livre ne sera pas adopté par le monde élégant : les<br />

pianistes en renom ne joueront pas ses mélodies dans les salons de high-<br />

life, et il peut être sûr d'avance qu'il n'aura pas les sept éditions de<br />

M. de la Villemarqué. En revanche, son livre, déjà recommandé par un<br />

philogogue d'un goût sûr -, prendra place parmi les classiques de la<br />

poésie populaire chez les races héroïques de l'Europe, à côté des chants<br />

grecs de Passow et des p/c5mcu serbes de Vouk Stephanovich. J'estime<br />

qu'il y a compensation.<br />

Guillaume Lejean.<br />

1. Il y a dans cette collection des chants recueillis en 1836, trois ans avant le Barzaz-<br />

Brciz.<br />

2. M. Renan, Débats de 1868.

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