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Revue celtique - National Library of Scotland

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La Poésie populaire en Bretagne. 69<br />

d'agir directement sur l'esprit rétif de leurs compatriotes. Ils ont échoué,<br />

et il n'entre pas dans le plan de cette étude d'en développer longuement<br />

les raisons. La principale cause est que, préoccupés avant tout de<br />

purisme, ils ont parlé au paysan une langue conventionnelle et pédan-<br />

tesque qui l'a rebuté. Tous font des vers, et presque tous ont un vrai<br />

talent : talent surtout descriptif, il est vrai, mais qui rachète par l'éclat<br />

des images et la souplesse de la forme les lacunes du fond. Cette école<br />

procède de Brizeux croisé de Turquety : mais elle n'a pas la chaleur<br />

communicative du poète de Marie. Le peuple ne l'écoute pas : les lettrés,<br />

qu'elle a surtout en vue (elle n'imprime à peu près rien qui n'ait une<br />

traduction française en regard), les lettrés ont d'autres sources d'émo-<br />

tion poétique à leur portée. Sans parler des plus hautes gloires, quand<br />

on a lu une satire de Laprade, un poème néo-grec de Leconte de l'Isle,<br />

ou d'André Lefèvre, un sonnet de Soulary, on trouve quelque monotonie<br />

à la perpétuelle paraphrase de « la terre de granit recouverte de chênes.»<br />

Ces douze ou quinze rénovateurs dévoués et convaincus n'ont en Bre-<br />

tagne (un seul exceptéj d'autre public qu'eux-mêmes. Je le constate<br />

avec tristesse, leur patriotisme et leur talent méritent mieux : mais ils<br />

ont infiniment moins agi sur l'esprit des campagnes que tels poèmes<br />

dramatiques ou comiques qui leur inspirent une sainte indignation, les<br />

Quatre fils Aymon, Michel-Morin, l'Enfant Sage. Morlaix est la seule ville<br />

de l'Ouest au-dessus de dix mille âmes, où la classe ouvrière ait obsti-<br />

nément conservé le breton, malgré le chemin de fer et les usines. Parmi<br />

les causes de cette durée exceptionnelle de l'idiome national, je n'hésite<br />

pas à ranger un vieux petit théâtre breton perdu au fond d'un faubourg,<br />

où l'on jouait des pièces originales et des traductions de mélodrames de<br />

boulevard, écrites dans un patois déplorable, le même, hélas! que celui<br />

de Sainte Nonn ou de Dom Lagadeuc. Je me souviens d'y avoir conduit,<br />

il y a des années, un voyageur américain qui est aujourd'hui un illustre<br />

homme d'État, M. Charles Summer, qui s'y amusa beaucoup sans com-<br />

prendre un mot.<br />

La philologie et la littérature bretonnes sont toutes deux dans une<br />

fausse voie, et il n'est guère à espérer qu'elles en sortent d'ici à un<br />

certain temps. M. de la Villemarqué aura sa part de responsabilité dans<br />

cette déviation, par la très-réelle influence qu'il a exercée et par le<br />

caractère indécis de son livre qu'il s'obstine à nous donner comme histo-<br />

rique, tandis que c'est avant tout une œuvre d'art. Le « barde de<br />

Nizon », comme il s'intitule lui-même, a l'imagination trop vive et trop<br />

nerveuse pour s'astreindre aux arides minuties de l'érudition : il n'a<br />

presque jamais touché à ce domaine sans exciter en Angleterre et en<br />

France des réclamations parfois acerbes ] mais dès qu'il en sort, il rede-

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