JE ME SOUVIENDRAI 2012 Mouvement social au ... - La boîte à bulles

Hier ou demain
Sam Garneau
J’ai le goût de crier. Vraiment crier, hurler comme un fou. Crier à m’en faire mal à la
gorge. Crier, juste crier ; je n’ai rien de précis à dire. J’ai envie de détruire quelque chose,
n’importe quoi pour me calmer, mais je ne suis pas en colère. C’est autre chose, un autre
niveau et je n’ai pas les mots qu’il me faudrait. Ce qui me met dans cet état, ce sont les
arrestations arbitraires que je vois à la télé, que je lis dans les journaux, qu’on me martèle
dans les médias sociaux. Celles qu’ils justifient de façon stupide du genre « obstruction
d’un coup de matraque » ou refus d’ouvrir les yeux pour administration de poivre de
« cayenne ». Pas parce que je les vois trop, juste parce que ça arrive. Ici. Dans ce que j’avais
l’audace d’appeler mon pays, malgré que ce ne soit qu’une province. Une province que
j’appelais pays, parce que je me sens différent du reste du Canada. Mais quand je vois ce
qui se passe aujourd’hui, que selon des sondages une quantité majoritaire de gens appuient
le gouvernement, je me dis que je suis un peu orphelin de contrée. Ça, ça me donne envie
de crier. De pleurer aussi, des larmes de rage, des larmes qui ne coulent que lorsque l’on
a les mâchoires serrées. C’est la loi 78 aussi, qui me révolte, qui me donne des nausées.
Une loi que je ne croyais pas possible chez moi, fallait-il que je sois naïf. Je pense que c’est
ça aussi, la naïveté, ma naïveté qui me donne des nausées. C’est la dilapidation de nos
ressources naturelles au coût de rien, c’est Anticosti, c’est le plan Nord. C’est la non-
nationalisation des ressources. C’est la non-nationalisation d’un espoir économique
pour ma province, pour mon futur pays, pour un monde plus égalitaire. 3000 milliards
de dollars. Ça dépasse de loin la dette ça. Je ne comprends pas comment le gouvernement
pense. En fait, oui, je le sais. Il ne pense pas aux gens. Et ça me donne envie de crier. Ça
me donne envie de m’ouvrir en me fendant le sternum pis en m’écartelant les côtes. Pour
que ça sorte un peu, un peu plus qu’en criant, parce que ça ne me fait plus grand-chose de
crier, pis que si je garde ça en dedans, m’a finir par vouloir en poser des bombes. Ça me fait
penser au Grand Prix ça, les bombes. Vraiment, c’était débile. Une chasse aux chaudrons
et aux carrés rouges dans les métros. Après l’inquisition espagnole, la chasse aux sorcières
du Québec. En 2012. Si un jour il y en a une bombe de posée, je suis certain que cette
bombe le sera par quelqu’un comme moi. Une personne qui à force, ne savait plus comment
sortir son trop-plein et qui n’a pas eu le courage de s’ouvrir de haut en bas.
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