JE ME SOUVIENDRAI 2012 Mouvement social au ... - La boîte à bulles
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Mémoires d’une journée rouge<br />
Bobby Aubé<br />
Les rayons du soleil s’infiltrent doucement<br />
par les fentes des ride<strong>au</strong>x. Je m’éveille <strong>à</strong><br />
nouve<strong>au</strong> seul dans ma chambre, tout juste<br />
sorti d’un rêve déj<strong>à</strong> oublié. Je regarde le<br />
cadran : il est neuf heures, ce qui me laisse<br />
suffisamment de temps pour terminer mes<br />
lectures. Bonheur d’occasion est resté sagement<br />
sur ma table de nuit, je l’ai laissé l<strong>à</strong> la<br />
veille avant de m’endormir en pensant <strong>à</strong> la<br />
mort du petit Daniel. Il est bien dommage<br />
que la jeunesse soit souvent hypothéquée<br />
avant de venir <strong>au</strong> monde.<br />
J’ouvre le livre ; je songe <strong>au</strong>x événements<br />
qui s’annoncent et cela m’empêche de<br />
me concentrer. Je réussis néanmoins <strong>à</strong> en<br />
terminer la lecture avant qu’il ne soit<br />
dix heures, et je me lève. Rapidement je<br />
déjeune, m’habille, me brosse les dents.<br />
Puis, j’empoigne mon sac sur lequel un<br />
petit carré rouge est accroché avec une<br />
épingle. Un soupir s’évade brusquement<br />
de mes poumons pendant que je regarde ce<br />
petit carré. Il f<strong>au</strong>t dire que depuis quelques<br />
jours, il me rend la vie difficile. Mais je<br />
l’assume, c’est mon choix, j’y ai réfléchi<br />
longtemps et j’ai décidé que je me battrais<br />
pour lui.<br />
Lorsque j’entre dans l’<strong>au</strong>tobus, plusieurs<br />
personnes me regardent. Certaines me<br />
sourient par solidarité, d’<strong>au</strong>tres semblent<br />
me mépriser ; je tente de ne pas m’en<br />
soucier. Je m’assieds sur un banc, en face<br />
d’un <strong>au</strong>tre étudiant ; il observe mon sac<br />
avant de lever le regard vers moi. Il semble<br />
hésiter quelques instants et me demande :<br />
— Dans quel programme que t’es ?<br />
Au ton de sa voix, je comprends bien qu’il<br />
n’est pas d’accord avec moi. Il voudra peutêtre<br />
me narguer lorsque je lui répondrai,<br />
mais tout de même, je me lance :<br />
— Littérature.<br />
Un sourire moqueur s’affiche sur ses lèvres.<br />
— Pour quoi faire ? reprend-il.<br />
— Enseigner.<br />
— Si t’as de la misère <strong>à</strong> payer tes études,<br />
pourquoi tu vas pas dans quelque chose<br />
qui peut te rapporter du cash pis où t’es sûr<br />
de te ramasser une job ?<br />
Je suis pris d’un soulèvement que je ne<br />
laisse pas paraître ; je ne pensais pas qu’il<br />
irait jusque-l<strong>à</strong>. Je décide de lui répondre<br />
simplement que c’est ce que je veux faire, ce<br />
qui clôt la conversation. Mais cela me laisse<br />
froid, et je songe : pourquoi la littérature ?<br />
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