JE ME SOUVIENDRAI 2012 Mouvement social au ... - La boîte à bulles

obligations envers la société par le biais
de ces mécanismes d'auto exclusion, tout
en maintenant le reste de la société dans
un régime de solidarisation fiscale sousfinancé
et dysfonctionnel.
Troisième et dernière catégorie, les politiques
d'appropriation privative du monde
commun. Un aspect essentiel des politiques
néolibérales est la privatisation et
l'expansion du marché dans la société au
détriment de ce qui relève d'une logique
publique. Quel est la logique de lutte de
classe qui se tient derrière cette propension
au « tout au marché ». Pensons au
fameux Partenariat-Public-Privé (PPP),
aux ressources pétrolières et gazières de
l'Île d'Anticosti, aux ressources minérales
du grand nord, au savoir que génèrent
nos universités, aux routes, aux ponts,
aux services de santé, à l'eau, tout cela a
longtemps été conçu comme un patrimoine
commun aux québécois et aux com-
munautés des premières nations. Une des
modalités privilégiées de développement
du capitalisme passe par la conversion de
ce qui est commun en propriété privée,
dans la mesure où cette conversion permet
la valorisation de ce qui est converti
en richesse, en base d'une future croissance,
cela est présenté comme légitime.
Ce qu'on oublie souvent c'est que ce transfert
du public et du commun vers le privé,
en vue d'une création de richesse, se fait
en transférant ce patrimoine à un acteur
privé, un appropriateur. Et donc derrière
le discours sur l'importance du marché et
de la concurrence, sur le dynamisme du
secteur privé, il y a les faits et gestes par
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lesquels l'élite du pouvoir transfère à l'élite
de l'accumulation des pans entiers du
patrimoine public au point où certaines
grandes entreprises, firmes d'ingénieurs,
consultants et investisseurs en font la
base de leur stratégie de croissance et
d'accumulation. Dans les médias on a
appelé cela « collusion », « corruption ».
Les mots sont trop faibles, il s'agit d'une
stratégie délibérée d'accumulation par
expropriation qui encore une fois concourt
à la consolidation de la puissance
économique de l'élite.
Ce sont là trois pans, trois dimensions de la
lutte de classe que mènent nos élites dans
le cadre du néolibéralisme. Cette lutte s'est
radicalisée depuis la crise de 2008, mais est
demeurée jusqu'à ce jour unilatérale. Les
grands conflits sociaux étant circonscrits
par le cadre d'économie politique néolibérale.
C'est ce que le printemps de 2012
vient de changer.
La lutte c'est classe !
Pendant les mois préparatoires du mouvement
de grève en 2010 et 2011, de simples
affiches arborant ce slogan énigmatique
étaient omniprésentes dans les corridors
de mon université. Dès la fin de l'automne
2011 l'ASSÉ, considérée comme cette
frange rouge du mouvement étudiant
qui donna naissance à la CLASSE, avait
développé un argumentaire qui fondait la
lutte contre la hausse sur une critique du
régime d'économie politique néolibéral.
Le mouvement ciblait précisément les
politiques par lesquelles l'élite du pouvoir
et de l'accumulation consolidait son
emprise économique sur la société
québécoise et nous sortait du modèle
de solidarité sociale hérité de la révolution
tranquille. Elle invitait d'emblée les
mouvements sociaux et plus largement
la société civile à transformer la grève
étudiante en soulèvement populaire contre
l'austérité et pour une rupture avec le
modèle de développement économique
néolibéral. Les liens entre l'austérité, les
politiques d'affaiblissement des syndicats,
les PPP, le plan Nord, les gaz de schiste
et la refonte du système fiscal avait tous
largement été faits. La reconnaissance que
le néolibéralisme était de fait une lutte de
classe sans adversaire était largement comprise.
Il s'agissait de transformer des constats
théoriques en mouvement social, leur
donner une voie, leur donner la rue....
Bref, rallumer le flambeau du conflit social
progressiste, voilà ce que visait d'emblée
le mouvement étudiant. Voilà le spectre
rouge qui hante nos élites depuis ce
printemps 2012.
Que dans ce contexte on se pose la
question du dépassement du capitalisme
me semble évident, qu'il y ait une certaine
écoute pour les idéologies ou pensées
qui se sont constituées dans ce but, com-
munisme, anarchisme, marxisme, anticapitalisme
me semble évident aussi. Mais
que le mouvement trouvera son propre
chemin, bâtira ses propres idéologies, les
unes plus ouvertes, les autres plus fermées,
me semble aussi une évidence ... rassurante
pour l'avenir du Québec.
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