JE ME SOUVIENDRAI 2012 Mouvement social au ... - La boîte à bulles

aussi et surtout une période où ces deux
élites ont travaillé de concert dans une
lutte de classe unilatérale afin d'asseoir leur
hégémonie en transformant l'économie
politique du Québec. Car derrière le discours
qui s'adresse à la classe moyenne
« la plus taxée en Amérique du Nord »,
il y a les faits et gestes concrets qui sont
venus consolider les assises du pouvoir
d'une mince élite, largement en minant les
conditions de vie de cette même classe
moyenne.
On peut classer les politiques qui découlent
de cette lutte de classe de l'élite contre le
reste de la société québécoise en trois catégories.
La première renvoie aux politiques
classiques qui articulent la régression dans
le champ de la protection sociale avec la
répression du pouvoir des mouvements
sociaux, en particulier le mouvement syndical
mais aussi le mouvement écologiste.
Que ce soit au nom de l'efficience, de la
mondialisation ou au nom de l'austérité
ce sont les mesures que nous associons
naturellement avec le néolibéralisme. Elles
ont affaibli les salariés, précarisé plusieurs
couches sociales, les jeunes, les femmes,
les personnes racisées et contribué à individualiser
notre rapport à l'avenir et à la
richesse.
Au Québec, bien que de tels politiques
soient à l'œuvre depuis les années 1980,
leur avancée est beaucoup moins importante
qu'ailleurs en Amérique du Nord.
Nous demeurons largement une société
solidaire possédant de fortes institutions
sociales permettant l'action collective,
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comme en témoignent les structures
instituées du mouvement étudiant. Mais
ces institutions sont maintenant directement
la cible des politiques répressives du
gouvernement libéral, comme en témoigne
la loi 12 (issu du projet de loi 78) qui
porte atteinte au droit de manifestation et
d'association ainsi que de représentation.
Leur but manifeste étant de « normaliser »
sur le plan social le Québec par rapport au
reste de l'Amérique du Nord.
Et, étant déjà largement intégrés sur le plan
économique avec le reste de l'Amérique du
Nord, il y a un effet de ces politiques auquel
nous n’échappons pas. Il s'exprime sous la
forme d'une progression de l'écart entre les
revenus des plus riches et la grande majorité
des Québécois et Québécoises qui
vivent de leur travail. Les revenus que
la vaste majorité tire de l'économie sous
la forme de salaire stagnent alors que
l'économie croit et que leur travail devient
plus productif. C'est-à-dire que leur droit à
une juste part d'une richesse sociale qu'ils
produisent diminue d'année en année alors
que les revenus de l'élite économique, ou
l'élite de l'accumulation, ceux que le mou-
vement Occupy a baptisés les 1 %, augmentent
à une vitesse vertigineuse. Les politiques
publiques sont certes un instrument de
redistribution de cette richesse sociale,
mais dans le contexte néolibéral, les écarts
et ponctions sont tels qu'elles peuvent au
plus atténuer les écarts entre salariés de la
classe moyenne et les moins nantis, sans
affecter la logique plus fondamentale de
constitution d'une élite de l'accumulation.
Et ce n'est pas tout. La part de richesse
accaparée par les grandes corporations
multinationales connait aussi une forte
expansion, les profits et rendements des
institutions et acteurs financiers ont
littéralement explosé. On peut définir
l'élite de l'accumulation comme cette classe
qui non seulement voit ses revenus exploser,
mais qui domine ces grandes corporations
et institutions financières, ce sont leurs
PDG et autres cadres supérieurs, membres
du conseil, grands consultants, opérateurs
financiers et gestionnaires de portefeuille,
c'est-à-dire ceux qui ont le pouvoir de
décider du niveau et de l'allocation de
ses profits et rentes. Or ces revenus et
profits, qu'ils soient de nature industriels
ou financiers, ne tombent pas du ciel,
ils sont générés par l'activité économique
où se rencontrent capital et travail. Tout
cela pour dire que les conditions du
monde du travail sont telles, dans le néo-
libéralisme, que le partage initial de la
richesse produite défavorise systématiquement
la grande majorité, les travailleurs
et les salariés et favorise l'extraction
de richesse sous la forme de profits et
rentes financières et spéculatives. Ce cadre
d'économie politique n’est ni naturel, ni un
accident. Il est le fruit de 30 ans de néolibéralisme,
il est un produit de cette lutte
de classe unilatérale que l'élite mène contre
la société.
Et c'est d'ailleurs peut-être l'aspect le plus
connu de cette lutte, passons aux politiques
plus subtiles. Il y a un second ensemble de
mesures qui, elles, visent expressément
à « émanciper » l'élite ainsi constituée
de ses liens économiques d'obligation
et d'interdépendance avec le reste de la
société. Alain Deneault dans « Offshore »
et d'autres ouvrages tels que Noir Canada,
a exploré une partie de ces politiques,
essentiellement celles qui permettent à
l'élite d'accumuler ou de transférer de
la richesse à l'extérieur du Québec dans
des juridictions de complaisance, juridictions
qui agissent aussi comme lieu
d'action économique où on peut, par
exemple, enregistrer une flotte de navires
commerciaux ou établir une filiale où
seront engrangés à l'abris de l'impôt des
profits. Mais il y a aussi derrière l'écran
des « baisses d'impôts pour la classe
moyenne » le menu détail des transformations
du système fiscal de la dernière
décennie. Elles ont libéré à toutes fins
pratiques les grandes institutions financières
ainsi que les grandes entreprises de
l'impôt sur leurs bénéfices et revenus du
capital, elles ont allégé la ponction fiscale
sur les formes de revenus typiques aux plus
riches et membres de l'élite, hauts salaires,
gains en capital et autre revenus financiers.
Un système fiscal progressiste, tout comme
l'accès gratuit et universel à des services
sociaux, ont pour objectif de forcer la
solidarisation des plus nantis avec le reste
de la société. C'est ce dont le Québec
s'est doté dans le cadre de la révolution
tranquille et de la constitution d'un état
providence et c'est précisément ce que les
politiques néolibérales tentent de démanteler.
Résultat recherché, permettre aux
élites qui exercent une hégémonie politique
et économique d'échapper à leurs
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