JE ME SOUVIENDRAI 2012 Mouvement social au ... - La boîte à bulles
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néoconservateurs nord-américains. Mais<br />
c'est l'<strong>au</strong>tre camp qui a refusé de jouer<br />
leur rôle attendu. Le mouvement étu-<br />
diant ne s'est pas replié sur la défense d'un<br />
privilège, ne s'est pas divisé <strong>au</strong>tour d'une<br />
h<strong>au</strong>sse négociée entre raisonnables et radic<strong>au</strong>x,<br />
mais a su <strong>au</strong> contraire canaliser un<br />
refus profond de la révolution culturelle de<br />
l'<strong>au</strong>stérité que souhaite imposer le gouvernement<br />
libéral. Une révolution culturelle<br />
concoctée comme réponse <strong>à</strong> la crise financière<br />
de 2008 et imposée un peu partout en<br />
occident, comme si des politiques <strong>social</strong>es<br />
insoutenables étaient <strong>à</strong> l'origine de cette<br />
crise. Le mouvement étudiant a réussi <strong>à</strong> se<br />
faire le porteur d'un ras-le-bol élargi envers<br />
les politiques économiques néolibérales<br />
imposées comme seule et unique solution<br />
<strong>au</strong>x problèmes d'orientation du développement<br />
économique et <strong>social</strong> du Québec,<br />
qu'il s'agisse du plan Nord, de la politique<br />
de tarification des services soci<strong>au</strong>x et de<br />
réingénierie de l'État ou de la politique énergétique<br />
centrée sur le gaz et l'exportation<br />
massive d’électricité. Il a su élargir le<br />
conflit et en faire une question de vision,<br />
de principe et d'orientation idéologique<br />
de l'avenir du Québec. Et c'est ainsi que<br />
la grève étudiante est devenue un conflit<br />
<strong>social</strong> où effectivement une certaine forme<br />
d'anticapitalisme et de radicalisme <strong>social</strong><br />
a pu sortir de la marge et s'y exprimer<br />
comme phénomène de masse.<br />
Quel est donc ce spectre qui hante notre<br />
élite et pousse le ministre des finances <strong>à</strong><br />
dire tout h<strong>au</strong>t ce que l'ensemble de sa classe<br />
pense tout bas ? Il ne s'agit pas d'un parti,<br />
ni d'un groupuscule ou d'une idéologie<br />
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<strong>au</strong> sens strict, il s'agit d'une praxis, d'une<br />
façon de concevoir l'action politique<br />
basée sur la rupture légitime avec l'ordre<br />
d'économie politique établi. Bref, c'est le<br />
spectre d'un mouvement <strong>social</strong> qui prend<br />
la rue pour sortir du néolibéralisme, qui<br />
refuse le jeu de l'alternance parlementaire<br />
et propose un changement radical, <strong>au</strong><br />
moment même où le paradigme néolibéral<br />
est usé et incapable de se renouveler.<br />
Les conflits soci<strong>au</strong>x <strong>au</strong> Québec sont depuis<br />
plusieurs décennies contenus <strong>à</strong> l'intérieur<br />
d'un modèle de la négociation concertée<br />
où les paramètres des possibles étaient<br />
strictement délimités par le cadre établi<br />
du néolibéralisme : déficit zéro, croissance<br />
économique d'abord, partage de la richesse<br />
ensuite et surtout un développement<br />
économique qui passe par une mondialisation<br />
qui garantit l'<strong>au</strong>tonomie <strong>au</strong>x grandes<br />
corporations multinationales, étrangères<br />
(Rio Tinto, feu Alcan) ou québécoises<br />
(Québécor, Bombardier) et soutient un<br />
espace de circulation et d'accumulation<br />
financière contrôlé par une poignée de<br />
grandes banques et de fonds. Et c'est<br />
précisément ce modèle qui est tombé en<br />
crise en 2008. Crise, il f<strong>au</strong>t le rappeler,<br />
qu'on entrevoyait dès son début comme un<br />
épisode be<strong>au</strong>coup plus long dans ses effets<br />
qu'une simple récession de deux ans.<br />
En effet, la crise de 2008, et la réponse<br />
<strong>à</strong> cette crise depuis par le biais d'une<br />
combinaison de s<strong>au</strong>vetage des banques,<br />
de refus de réglementer la finance et de<br />
poursuite des politiques fiscales régressives<br />
ne pouvaient que déboucher sur une<br />
période prolongée d'instabilité financière<br />
chronique et de stagnation économique<br />
durable. Et, en ce sens, dans l'ensemble des<br />
pays touchés par cette crise et assujettis <strong>à</strong><br />
l'<strong>au</strong>stérité, ce n'était qu'une question de<br />
temps avant que se manifeste un sentiment<br />
anticapitaliste et un désir de rompre<br />
avec l'économie politique néolibérale qui<br />
institutionnalisa le contexte, les structures<br />
et l'espace qui ont permis <strong>au</strong> capitalisme<br />
financiarisé de se développer. <strong>La</strong> politique<br />
de rupture manifeste donc un refus de<br />
cet encadrement néolibéral des conflits<br />
soci<strong>au</strong>x.<br />
Ici <strong>au</strong> Québec les sommets socioéconomiques<br />
organisés par le Parti<br />
Québécois de Lucien Bouchard pendant<br />
les années 90 avaient consacré cet encadrement<br />
néolibéral des conflits soci<strong>au</strong>x.<br />
Les libér<strong>au</strong>x de Jean Charest ont tout<br />
simplement radicalisé ces prémisses et,<br />
surtout, se sont débarrassés de la lourdeur<br />
qu'impliquait le modèle de concertation<br />
avec des partenaires soci<strong>au</strong>x cher <strong>au</strong><br />
Parti Québécois. L'élite que représente le<br />
Parti Libéral pense pouvoir gouverner le<br />
Québec seule, pense ne pas avoir besoin<br />
d'alliés organisés outre ceux provenant du<br />
milieu des affaires licites et illicites, se<br />
pense bien assis sur le dos d'une classe<br />
moyenne qui adhère passivement <strong>à</strong><br />
son programme de baisses d'impôt, de<br />
coupures de services <strong>au</strong>x particuliers et<br />
de construction d'<strong>au</strong>toroutes. Le spectre<br />
rouge du printemps érable, c'est de<br />
voir une partie, certes minoritaire mais<br />
significative et surtout déterminée de<br />
cette dite classe moyenne, sortir dans la<br />
rue avec les étudiants, casserole <strong>à</strong> la main,<br />
contester ses politiques les plus répressives<br />
plutôt que d'attendre des élections, et de le<br />
faire en mobilisant les mêmes valeurs et<br />
principes de justice <strong>social</strong>e, de démocratie,<br />
de souveraineté économique et de développement<br />
écologique que la frange dite<br />
radicale du mouvement étudiant.<br />
Le néolibéralisme :<br />
une lutte de classe unilatérale<br />
en trois temps<br />
On peut dire que toute crise <strong>social</strong>e ou<br />
économique, toute crise en générale, révèle<br />
<strong>à</strong> sa manière des structures ou rapports<br />
soci<strong>au</strong>x qui <strong>au</strong>trement demeurent invisibles.<br />
<strong>La</strong> crise de 2008 révéla l'ampleur<br />
de la financiarisation de nos économies<br />
capitalistes, la réponse politique <strong>à</strong> cette<br />
crise révéla l'emprise et l'hégémonie sur<br />
nos États de l'élite de l'accumulation qui<br />
contrôle les grandes corporations et institutions<br />
financières. Le Printemps érable a<br />
révélé l'existence d'une structure de domination<br />
de classe propre <strong>au</strong> Québec basée sur<br />
l'alliance étroite entre une élite du pouvoir<br />
concentrée essentiellement dans le Parti<br />
Libéral du Québec, mais présente dans les<br />
<strong>au</strong>tres partis, et une élite de l'accumulation<br />
capitaliste. Rappelons-nous des mille gens<br />
d'affaire ricaneux venus entendre Jean<br />
Charest <strong>au</strong> salon du plan Nord.<br />
<strong>La</strong> période néolibérale, marquée pour la<br />
majorité par la transformation régressive<br />
de notre fiscalité, par la réingénierie<br />
de l'état, par la politique des PPP, par la<br />
fragilisation des protections <strong>social</strong>es est<br />
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